Le Coordonnateur de la plateforme “Patriotes fédéralistes”, David Golhor, dénonce le manque de dynamisme des fédéralistes dans leur lutte. Pour lui, la recherche de la visibilité des partis et le combat de leadership ne font pas prospérer le Bloc-fédéral. Il en parle dans cette interview.
Pouvez-vous présenter brièvement le Bloc fédéral ?
Le Bloc-fédéral est né de toutes les plateformes des partis fédéralistes en vue de la mobilisation pour la fédération au Tchad. Le Bloc fédéral se compose de la Convention pour la démocratie et le fédéralisme et d’autres plateformes de lutte à tendance fédéraliste. Il est constitué d’une vingtaine de partis politiques ; le nombre augmente au jour le jour, ainsi qu’une vingtaine d’organisations de la société civile. En gros, le Bloc-fédéral regroupe tous ceux qui militent ou œuvrent pour la fédération du Tchad. Ceux qui adhèrent à cette plateforme ont une lutte commune, un objectif commun, une idéologie commune, notamment la gestion fédérale du Tchad.
Coordonnateur de la plateforme “Patriotes fédéralistes”, que pensez-vous du combat des fédéralistes en cette période pré-électorale de la présidentielle ?
J’avoue que j’ai eu le temps de relever les insuffisances depuis la création de l’Agence nationale pour la gestion des élections (Ange), pour lancer officiellement le calendrier des élections. Il faut noter déjà que le Bloc fédéral était allé en rang dispersé dès les campagnes référendaires, parce que les leaders du Bloc fédéral ne s’entendent pas. On voit un mauvais combat de leadership naître. Chacun veut tirer le drap de leadership vers lui et pour la visibilité de son parti. Du coup, il n’y a rien de concret entre les partis réunis au sein du bloc. Ce qui fait qu’aujourd’hui encore, ces leaders sont en train d’aller en rang dispersé.
Nous comptons trois partis membres du Bloc-fédéral dont “Un nouveau jour” de Nasra Djimasngar, le Parti pour la démocratie et l’indépendance intégrales (Pdi) de Lydie Béassoumda et le Mouvement des patriotes tchadiens pour la République (Mptr) de Brice Mbaïmon Guedmbaye, qui se sont déclarés candidats à la présidentielle, sans une réunion préalable, sans une assemblée pour une discussion autour d’un candidat unique et sans avis des uns et des autres. Avec cette manière de faire, je vois déjà qu’on est en train d’aller tout droit vers l’échec. Parce que si nous n’unissons pas nos efforts, nos voies et nos énergies pour aller à ce combat, nous n’allons pas non plus battre l’adversaire d’en face. Et là, j’en suis convaincu. Aujourd’hui, vous voyez qu’“Un nouveau jour” se proclame, s’investit, le Piste s’investit, le Cdf s’investit et on se fragilise. Ce n’est pas facile puisqu’il n’y a pas d’entente. C’est bien dommage pour le Bloc en cette période pré-électorale.
Pensez-vous que la dislocation du Bloc-fédéral trahit la dynamique et fragilise la lutte des leaders ?
Sans aucun doute. On dit généralement que l’union fait la force, mais ce n’est pas le cas chez nous les fédéralistes. Si on s’unissait, et avec quelques militants qu’on a, mieux que certains partis politiques, on sera bien fort. Si on se concertait, pour aller en front commun, on aura même assez de militants pour répondre à la supervision des bureaux de vote. Selon moi, vu le nombre des bureaux de vote qui s’élève en milliers, c’est impossible qu’un seul parti puisse couvrir tous les bureaux de vote de nos jours. Ainsi donc, pour être dynamique dans la lutte, il faut aussi avoir un nombre imposant de militants pour la supervision des bureaux de vote. Si nous partons soudés, je pense qu’on va y arriver mais voilà que chacun prend sa route. On ne peut donc plus contrôler quoique ce soit.
Le deuxième point, c’est le temps des campagnes. Il faut battre campagne avec un nombre raisonnable de militants et sympathisants. Ce qui prouve l’existence effective du Bloc-fédéral et permet d’atteindre le summum. Malheureusement, chacun des leaders du bloc sort avec 5 ou 10 militants pour aller en campagne. Et on ne peut pas faire tomber le camp adverse, ce sera du pur bluff. En ce sens, la dislocation du Bloc fragilise vraiment la lutte fédérale que nous autres tenons à cœur.
Il faut noter que tous ces partis sont installés dans les localités de leurs leaders, avec un nombre insignifiant de militants, ne couvrant pas tout le Tchad. En vérité, les partis politiques membres du Bloc fédéral ont juste quelques bureaux qui les représentent dans quelques localités. Ce qui veut dire que si le Bloc s’unit pour désigner un seul candidat à la présidentielle, les militants de chaque localité battront campagne dans leurs localités respectives, en identifiant les potentialités de surveillance des bureaux de vote, afin de donner une lueur d’espoir d’affronter l’adversaire qui couvre totalement toutes les provinces du pays puisqu’il a des militants dans ces provinces. Je doute même que certains soient connus dans leur province. D’ailleurs, pour quelques jours de campagne, chacun va se baser dans son fief pour mobiliser les militants et les sympathisants. Ce sera un échec total, une lutte perdue d’avance. Même les moyens logistiques font déjà défaut si chacun doit aller faire sa propre campagne. La fragilité vient de là bien évidemment.
Que proposeriez-vous ?
Après l’élection présidentielle, il sera bien difficile qu’on se reconstitue parce que le combat de leadership, cet esprit divisionniste a habité tous les leaders du Bloc fédéral en ce sens que chacun veut être président. Je ne dirais pas que le Bloc va définitivement se fragiliser, mais nous devons admettre qu’il y aura de la méfiance entre les différents partis regroupés, donc pas de véritable lutte commune. Et c’est là le grand danger d’aller en rang dispersé. Quoiqu’il en soit, le Bloc va perdre son efficacité de lutte, ce qui est déplorable. Les leaders du Bloc fédéral vont à la présidentielle pour leurs intérêts propres, au détriment des intérêts du peuple, étouffant ainsi la vision sereine de la fédération du Tchad. On le sait, toutes ces manigances, c’est pour se faire voir afin de bénéficier des postes après le scrutin. A mon humble avis, ceux-là ne sont pas vraiment des partisans du fédéralisme. Nous en doutons mais nous leur accordons tout de même le bénéfice du doute. De manière claire, nos leaders devraient aller unis, au nom du Bloc fédéral, et de la fédération du Tchad pour pouvoir gagner.
Nous, membres de la plateforme “Patriotes fédéralistes” sommes à moitié politiques et à moitié apolitiques. Apolitiques parce que nous luttons pour le bien-être social, le développement économique du pays. Et bien évidemment, il faut mettre au cœur de cette lutte, la partition dans la gestion de la gouvernance. Politiques parce que nous appuyons les partis politiques et les leaders qui ont l’idéologie fédérale, l’objectif de la fédération et qui, enfin, lutte aussi pour un pays fédéral. Ce sont essentiellement ces partis que nous appuyons.
Nous identifierons un parti honnête, crédible et digne qui lutte réellement pour la fédération du Tchad, pour l’accompagner. Voilà aussi ce que je peux dire des Patriotes fédéralistes que nous représentons aujourd’hui. Le post-présidentiel, comme nous le constatons, sera bien difficile parce qu’avec la disparition d’un opposant comme Yaya Dillo Djerou Betchi, la période électorale est fragilisée. Le bras de fer qui va opposer les militants de différents partis politiques, notamment les Transformateurs et le Mps, ainsi que ceux du Bloc fédéral, sera du lourd.
Aujourd’hui, avec l’évolution technologique et l’éveil des militants, surtout chez les jeunes, on va s’attendre à une élection bouillante. Je crains fort bien qu’il y ait instabilité post-électorale, mais du côté du Bloc fédéral, je crois qu’après l’élection, il y aura des consciences qui vont se réveiller. On va donc se serrer les mains pour booster l’idéologie fédéraliste pour un Tchad meilleur.
Interview réalisée par Toïdé Samson