La Fifa regarderait-elle avec condescendance les pays africains?

L’actualité footballistique africaine, très mouvementée en 2020 et début 2021, semble le démontrer. Surtout qu’elle est marquée par les multiples ingérences de la Fifa dans la gestion du football du continent. Sport le plus médiatisé de la planète, le football génère beaucoup d’argent.

En Afrique, la ferveur, l’enthousiasme et la fierté nationale des années de l’indépendance qui contribuaient à faciliter son financement, ont cédé la place aux difficultés économiques. Celles-ci continuent de peser sur les budgets des Etats et à réduire tous les moyens nécessaires à son développement.

Avec 54 fédérations affiliées et des compétitions attrayantes, la Confédération africaine de football (Caf) est un partenaire important qui pèse dans les retombées du sponsoring. Et ce, malgré l’affaiblissement de la dynamique mise en place par son ancien président, le Camerounais, Issa Hayatou. Le manque de moyens financiers, la mal gouvernance interne et dans les fédérations membres, ajoutés aux effets du Covid-19, ont réduit l’intérêt qu’accordent les sponsors. Cette difficulté a ouvert une brèche aux interventions calculées de Gianni Infantino, président de la Fifa.

A ce sujet, il serait temps que la Caf, appuyée par l’Union africaine, revoit et précise la nature des rapports avec la Fifa, d’une part, et de la Fifa avec  les Etats africains, d’autre part. Cela éviterait aux africains, de croire naïvement que les statuts de la Fifa s’imposent, non seulement à la Caf et aux fédérations membres, mais aussi aux Etats souverains. Il en serait de même de l’interprétation erronée faite par certains dirigeants qui placent la Fifa au dessus de leur propre pays, et croient dur comme fer, que le statut de membre affilié est un contrat de droit international qui leur confère une impunité les mettant à l’abri de toute évaluation et contrôle.

La Fifa est définie comme une association à but non lucratif, régie par les dispositions du code civil suisse. Elle a pour vocation principale, de gérer et développer le football dans le monde. A ce titre, elle jouit d’un statut et d’une reconnaissance mondiale, comparable à celle des organisations internationales. Les membres dirigeants sont, avant tout, élus individuellement sur la base des lois et règlements régissant le sport dans leur pays respectif. Le caractère international n’est pas une loi consacrée. S’il permet au président de la Fifa, d’être reçu partout sur le continent avec les honneurs, par les ministres des sports, les premiers ministres, voire les chefs d’Etat, sans parler d’aucune ingérence, cela est simplement justifié par l’hospitalité africaine légendaire et par le respect accordé à un partenaire privilégié, sans autre considération ni obligation.

Les tchadiens comme tous les africains, aiment le sport en général et le football en particulier. Que la Fifa défende ses statuts et ses membres affiliés, rien de choquant. Elle est dans son droit et dans son rôle. Il peut lui être demandé d’accorder aussi les mêmes égards aux autorités en charge des sports des pays africains. Car ceux-ci  ont l’obligation d’évaluer et de contrôler, conformément à leurs lois et règlements, la réalité des actions de développement et de promotion du football, mises en place par les fédérations, bénéficiant pour ce faire, des aides et subventions publiques.

La note circulaire n° 1753 à l’attention des associations membres, relative à la suspension de la Ftfa à compter du 5 avril 2021, avec effet immédiat jusqu’à nouvel ordre, est prise en application de l’article 16 des statuts de la Fifa. Par contre, le courrier du bureau du conseil de la Fifa du 7 avril 2021, signé par Mme Fatma Samoura, secrétaire générale, adressé au secrétaire général de la Ftfa et non directement au ministre des Sports, foule aux pieds la souveraineté de l’Etat tchadien et les formules diplomatiques de courtoisie et de respect.

Autrement, comment comprendre qu’après avoir été informé : du courrier du ministre des Sports du Tchad du 27 novembre 2020 ; de la réponse de la Fifa du 3 décembre 2020 ; des échanges entre le ministère des Sports et la Ftfa ; des actes pris par le ministre des sports – après avoir constaté les faits et actes de la Ftfa et du ministère des Sports survenus  les 2 et 5 février 2021, les 10, 12 et 15 mars 2021, conclure sans autre forme de procès, à  “des circonstances graves”.

Pourtant, par acquis de conscience, le ministre des Sports a  saisi la Fifa et sollicité son concours. Il peut être admis que, conformément à l’article 13 des statuts de la Fifa, la Ftfa perd tous ses droits de membre, notamment : que ses clubs affiliés ne pourront plus prendre part aux compétitions internationales, ni bénéficier des programmes de développement de la Fifa.

Par contre, ce qui est inacceptable, c’est l’injonction faite au ministre des Sports et au président de la République du Tchad, d’abroger l’arrêté retirant définitivement la délégation de pouvoirs accordée à la Ftfa, et le décret mettant en place le comité national de gestion provisoire du football et toutes les autres mesures y afférant. C’est presqu’un ordre dont l’exécution doit être confirmée et notifiée à la Fifa par Moctar Mahamoud Hamid, président de la Ftfa. En clair, ce qui veut dire que les autorités tchadiennes doivent se déjuger et légitimer l’élection du 12 décembre 2020.

Par cette posture condescendante, le conseil du bureau de la Fifa n’a certainement pas mesuré la portée de l’acte qu’il pose. Il réveille ainsi, l’idée d’une remise en cause de son statut associatif, très critiquée à l’époque des anciens présidents: le Brésilien Joao Avelange et le Suisse Sepp Blater, pour son penchant en faveur du business. Il est grand temps que la Fifa indique clairement, qu’elle soutient davantage l’institution fédération et non des dirigeants, surtout quand ils sont contestés pour leur gestion et bilans. L’exemple de la fédération de la Mauritanie citée en référence, pour ses réalisations en infrastructures et résultats sportifs, est une exception qui confirme la règle.

Rechercher une solution amiable dans la crise actuelle du football tchadien, semble être aujourd’hui le conseil que préconise la Fifa. Si tel peut être le cas, le ministre Routouang Mohamed Ndonga Christian qui est en contact avec elle, se doit de prendre encore des initiatives audacieuses qui vont au-delà d’une simple ouverture à tout dialogue, comme il l’a annoncé. Il s’inscrirait ainsi dans l’objectif premier du gouvernement provisoire de transition qui créa un ministère d’Etat chargé de la Réconciliation nationale. Cela est bien possible, voir N’Djamena hebdo n° 1871 du 22 février 2021.

L’Etat étant une continuité, le ministre des Sports est tenu de chercher les voies et moyens pour redresser le football tchadien. Toutefois, dans le cas où une solution amiable ne peut-être envisagée, une fois de plus, il serait plus réaliste de revoir ce Comité national de gestion provisoire du football au Tchad (Cngpft), un dispositif mis en place par le Maréchal. Car, vu les circonstances actuelles, le gouvernement ne peut faire l’économie de revoir ce décret n° 0490 du 12 mars 2021, portant création de ce comité très critiqué depuis, tant dans ses missions que dans sa composition, afin de l’adapter à cette période nouvelle de transition. Un défi de plus à relever.

BANGALI DAOUDA Boukar

Bureau d’Etude et Conseils en Sport

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