Après avoir traversé le désert pendant 10 ans, (juillet 2012 à octobre 2022) au motif de radiation de la magistrature, le magistrat Deukeunbé Emmanuel a été réhabilité par décret 3147 du 7 octobre 2022. L’on a pensé que c’est la fin de sa galère, mais le ministère en charge des Finances lui en fait voir de toutes les couleurs. Et pour cause !
Suite à sa réhabilitation à la magistrature le 7 octobre 2022, conformément aux résolutions du Dnis, le magistrat Deukeunbé Emmanuel avait écrit le 12 décembre dernier au Président de la transition en sa qualité du président du conseil supérieur de la magistrature pour réclamer la régularisation de sa situation administrative et le rappel de ses salaires suspendus du 1er juillet 2012 au 1er juillet 2022. Il l’a justifié par le fait que l’article 48 et 62 de l’ordonnance 007/PR/2012 du 21 février 2012 portant Statut de la magistrature au Tchad a été violé et cette violation lui donne droit à la reconstitution de sa carrière et au rappel de ses traitements contrairement aux dispositions de l’article 2 du décret 3147/PR/2022 du 7 octobre 2022 qui l’a réhabilité. “(…) Il ressort des termes de l’alinéa 2 de l’article 48 de l’Ordonnance N° 007/PR/2012 du 21 février 2012, portant Statut de la Magistrature au Tchad, invoqué que “La décision du Conseil de discipline est motivée. Elle est notifiée au Magistrat concerné par voie administrative et prend effet à la date de la notification” et de l’article 62 que “Toute décision infligeant une sanction disciplinaire doit être motivée ; elle est versée au dossier personnel de l’intéressé et doit lui être notifiée”, peut-on lire dans la correspondance adressée au Président de transition.
Un chef à moitié désavoué
Le Président de la transition a marqué son accord. Le ministre d’état, Secrétaire général de la présidence a, le 23 janvier 2023, instruit les ministres des Finances, du budget et des comptes publics, ainsi que le ministre de la Justice et des droits humains pour exécution. Le garde des sceaux a pris successivement deux arrêtés. Le premier 1360 du 6 févier 2023, portant reversement à titre de régularisation et le second 2657 du 9 mars 2023 portant rappel des avancements du 2ème grade, 1er échelon P/C 01/07/2010 au 1er grade, 1er échelon P/C du 01/07/2022. Mais du côté du ministère en charge des Finances, le dossier traîne depuis le 27 janvier 2023.
Difficile de comprendre que pour les mêmes instructions données par le président, un ministère s’exécute et l’autre non. Les services de la solde exigent que le Président de transition modifie le décret qui a réhabilité le magistrat, malgré son caractère exceptionnel. Ce que le ministère de la Justice qui sait lire entre les lignes n’a pas daigné le faire. Comment doit-on interpréter un tel acte des services du ministère des finances ? Il est de notoriété que les agents du ministère en charge des finances sont réputés pour leur pratique peu orthodoxe dans le traitement des dossiers qui doivent déboucher sur des paiements. Mais de là à vouloir faire tourner en rond un magistrat qui a déjà enduré la souffrance, pour n’avoir pas voulu cautionner un procès sur mesure, dans l’affaire dite de “Phacochère” qui a envoyé un certain Gali Ngoté Gatta en prison. Le magistrat Deukeunbé Emmanuel dont la droiture et la probité morale sont reconnues de tous, mérite respect. Sa réhabilitation suivie de sa régularisation et de son rappel des salaires n’est que légitime.
Le Haut comité de pilotage à l’épreuve
C’est le lieu de regarder vers la direction du président du Haut comité de pilotage chargé du suivi de la mise en œuvre des résolutions du Dialogue national inclusif et souverain (Dnis). Voilà un test grandeur nature qui le met à l’épreuve, puisque cette réhabilitation répondra à l’application d’une des résolutions du Dnis.
Roy Moussa