Réunis le 5 février à la Bourse de travail, la Plateforme syndicale revendicative et ses syndicats affiliés décident de suspendre la grève, qui paralyse le pays depuis le 11 janvier 2021.
Cette suspension de la grève intervient suite à la demande des leaders religieux, qui ont entrepris une médiation entre le gouvernement et les grévistes. Mais du côté syndical, même si la Plateforme syndicale revendicative invite ses militants à la reprise du travail, elle demeure toute fois circonspecte et accorde à la Plateforme interconfessionnelle 23 jours francs (samedi 6 au dimanche 28 février 2021) pour parfaire sa médiation entreprise auprès du gouvernement. Mahamat Nasradine Moussa, secrétaire général de la Confédération indépendante des syndicats du Tchad (Cist), porte-parole adjoint de la Plateforme syndicale revendicative explique les enjeux de cette trêve de trois semaines accordée au gouvernement.
Vous suspendez la grève alors que vous parvenez difficilement à convaincre la base qui tient mordicus à la poursuivre jusqu’à satisfaction totale. Dites-nous la raison profonde cette suspension qui fait dire à beaucoup de gens que vous avez plié sous la menace du ministre secrétaire général de la présidence de la République qui estimait à l’issue de votre encontre la semaine dernière qu’il n’y a plus lieu de maintenir la grève ; le protocole d’accord étant appliqué à plus 90%?
Nous avons mené beaucoup de démarches, suite à la grève que nous avons lancée, le 11 janvier 2021. Jusqu’à janvier 2021, nous avons constaté que le gouvernement n’est pas arrivé à respecter son engagement suite à l’accord que nous avons signé avec lui, le 9 janvier 2020. Certains points de cet accord devaient être appliqués en janvier 2021. Il s’agit de la levée du gel des effets financiers des avancements et de reclassements, qui n’a pas été faite. Or, c’est un engagement du gouvernement. Par ailleurs, dans l’accord que nous avons signé, les économies qui pourront être réalisées suite à l’assainissement du ficher de la solde et à l’audit des diplômes devraient affectées au paiement partiel des frais de transport. Les reliquats seront payés par le gouvernement de manière graduelle. Jusqu’au mois de novembre, lors du lancement de l’enrôlement, le ministre des Finances et du budget a dit que le gouvernement allait payer sur le fonds de la Covid-19. Après cela, nous avons attiré l’attention du gouvernement sur l’application de ces deux points que jusque-là, le gouvernement n’arrive pas à payer.
Concernant la levée du gel des effets financiers des avancements et des reclassements, avec le gouvernement, nous nous sommes mis d’accord comme il l’exige sur la vérification des actes et leur dépôt à la Fonction publique pour contrôle avant leur transfert au ministère des Finances pour leur prise en compte par les services de la solde. Mais jusqu’au 9 janvier 2021, rien n’a été fait. C’est la raison de notre réaction au niveau de la Plateforme syndicale revendicative. Or, nous avons pensé qu’en fin décembre déjà, le gouvernement allait nous appeler pour faire le point, même si ce sont les difficultés, qui ne lui permettent pas d’exécuter le protocole d’accord, qu’il devait nous étaler. Il n’en est rien.
Suite à la pression de la base, nous avons convoqué une réunion de la Plateforme syndicale revendicative, le 28 décembre 2020. A cette rencontre, nous n’avons pas décidé d’aller en grève, mais plutôt d’écrire au gouvernement pour lui rappeler les points qui ne sont pas respectés. Dans cette correspondance, nous avons signifié au gouvernement qu’il sera responsable de tout ce qui adviendra. Toutes ces démarches sont entreprises pour permettre au gouvernement de nous faire un appel de pied pour qu’ensemble nous puissions trouver un compromis. Là encore, le gouvernement n’a pas réagi. C’est ce qui nous a obligés de convoquer une réunion élargie, le 9 janvier 2021, et suite à cette rencontre la grève est déclenchée deux jours plus tard. Mais à notre grande surprise, la grève entre en vigueur, le 11 janvier, et c’est le 12 du même mois que le gouvernement nous appelle nous fait la proposition de lever le gel des effets financiers des avancements et de reclassements. Malgré notre insistance, le gouvernement n’est pas parvenu à nous dire quand et comment, il compte payer les frais de transport.
Le gel des financiers des d’avancement a été levé et payé en fin janvier…
C’est le 12 janvier que le gouvernement en a fait la proposition. De notre côté, après avoir fait le compte rendu de la rencontre avec le gouvernement aux militants de la Plateforme syndicale revendicative, par rapport à sa proposition, nous lui avons écrit, le 13 janvier, que la plateforme adhère à sa proposition. A cet effet, nous avons donné quelques précisions au gouvernement, mais il n’en a rien fait.
Le 3 février 2012, nous avons reçu les leaders religieux, qui veulent jouer la médiation entre nous et le gouvernement. Nous leur avons dit que nous aussi cherchions à trouver de solution à cette situation qui n’a que trop duré. C’est ainsi que le 4 février, nous avons été appelés à la présidence de la République nous convoquant ainsi à une rencontre au niveau du Haut comité technique tripartite. Après un long débat, nous avons fait comprendre au gouvernement que s’il faisait sa proposition de régler tous ces problèmes en janvier, nous n’allons pas entrer en grève. Et nous avons rappelé les propositions que nous lui avons faites : celle de payer les frais de transport de 2016 en novembre et ceux de 2019 en décembre 2020, mais le gouvernement ne nous a pas écoutés. C’est à cette rencontre que le gouvernement a pris l’engagement de payer les frais de transport de 2016. Après une évaluation, le ministre, secrétaire général à la présidence a estimé qu’il ne reste plus grand-chose dans le protocole d’accord. Il nous demande de suspendre la grève. Nous allons d’abord consulter la base, lui avons-nous rétorqué.
A la sortie de cette rencontre, nous recevons un appel des leaders religieux. Et suite à notre rencontre avec les leaders religieux le vendredi dernier, ils nous ont demandé de suspendre la grève pour permettre aux élèves d’aller à l’école et aux malades d’aller se faire soigner et continuer la négociation. Suite à cela, nous sommes revenus voir la base et en commun accord avec les autres, nous avons décidé de suspendre la grève par respect aux leaders religieux et d’attendre de voir si jusqu’au 28 février, le gouvernement va réagir.
Quels sont exactement les points de revendications contenus dans le protocole d’accord qui demeurent non appliqués par le gouvernement ?
Nous avons eu gain de cause par rapport à cette grève que nous avons suspendue. Parce que le gouvernement a pris en compte le gel des effets financiers des avancements et de reclassements. C’est grâce à cette grève que le gouvernement a payé les 15% restants des indemnités. Ce qui reste, c’est les frais de transport de 2017 à 2019 et nous n’avons pas demandé au gouvernement de payer en un seul coup. Nous avons, par le passé, fait des propositions au gouvernement d’échelonner ce paiement et nous attendons la fin du mois de février pour aviser.
A quel pourcentage ce protocole d’accord a-t-il été exécuté ?
Nous pouvons dire qu’il est exécuté à 95%, voire plus. Ce qui reste maintenant, c’est les frais de transport et le gouvernement a déjà payé en partie. Nous attendons seulement la programmation, si le gouvernement veut qu’on soit en bon terme, que cela commence à la fin de ce mois.
Etes-vous en train de tendre vers la signature d’un pacte social vivement attendu par le gouvernement?
En ce qui concerne le pacte social, nous avons commencé à réviser ce projet depuis mars 2020. Et nous avons dit au gouvernement que la signature du pacte social est conditionnée par l’application totale du protocole d’accord. Nous ne pouvons pas signer ce pacte social si nous n’avons pas la garantie qu’au cours des trois années de son exécution, l’Etat ne touche pas à nos acquis. Nous ne signerons pas ce pacte social si nos revendications ne sont pas prises en compte. Avant de signer ce pacte social, nous allons mettre des garde-fous.
Interview réalisée par
Djéndoroum Mbaïninga