Le Directeur général de l’hôpital la Renaissance, Gustave Bassanguen, répond aux allégations lancées contre son établissement et éclaire l’opinion sur le processus de transfert de compétences, un élément capital dans le cahier de charges remis à ses dirigeants.
Dans un mémorandum, les médecins tchadiens en exercice à l’hôpital de la Renaissance se plaignent du manque de valorisation des compétences locales. On vous accuse de freiner de quatre fers leur formation continue. Qu’en dites-vous?
Je m’inscris en faux contre ce mémorandum, parce que je connais sa provenance. C’est un médecin fonctionnaire qui était ici à l’hôpital que nous avons remercié suite au manque de respect du règlement intérieur et la déontologie médicale. C’est lui qui a répandu quelques opinions salasses sur ma propre personne et sur la direction. Malgré nos difficultés financières, nous réservons chaque année une enveloppe de 1500 euros (environ un million de francs CFA, Ndlr) à chaque médecin afin de participer aux colloques. Nous pouvons apporter les preuves que ce médecin a bénéficié des formations de l’hôpital. Les médecins disent qu’ils doivent faire des formations continues, mais ils oublient qu’ils ne sont pas les seuls à l’hôpital. Il y a aussi d’autres corps de métiers qui ont besoin de se former mais qui n’en ont jamais bénéficié. La petite enveloppe réservée pour la formation a toujours profité aux médecins. Dans d’autres pays, il y a un fond national cotisé par les hôpitaux permettant la formation continue du corps médical. Un hôpital comme le nôtre, qui a du mal à payer même parfois les médicaments pour les patients, n’a pas les moyens pour assurer tout cela. Surtout que la plupart de nos médecins sont des jeunes spécialistes qui ont plus besoin de renforcer leurs capacités.
Je ne vais pas nier qu’il y a un problème au niveau de la formation des médecins. Mais le manque de moyens est aussi une réalité.
Les compétences locales sont-elles bien traitées dans votre hôpital?
Des médecins d’ici contestent la différence de rémunération qu’il y a entre eux et les médecins étrangers. C’est tout à fait normal. Dans aucun pays du monde, un médecin local ne peut gagner autant qu’un médecin étranger. Et si vous recrutez un médecin expatrié, ça veut dire que vous n’avez pas de compétences locales. Un médecin expatrié ne va pas venir pour gagner le même salaire qu’on lui donne dans son pays. C’est vrai qu’à l’époque du boom pétrolier, le ratio de la différence de traitement salarial entre un expatrié et un agent recruté sur place était de 1 à 10. Mais maintenant, on a ramené le ratio de 1 à 3. Quand un médecin tchadien ira à ailleurs, ce sera la même chose. Il y a du travail qui est en train d’être fait pour revoir cette disposition, mais il sera difficile d’y apporter un changement significatif. Je précise que parmi ceux qu’on appelle les médecins expatriés, il y a aussi des franco-tchadiens.
Comment comptez-vous rétablir la confiance entre vous et vos collaborateurs qui fustigent votre autoritarisme et le non-respect du cahier de charges?
Je rappelle une fois de plus que ce document est publié par un individu qui n’est pas du tout représentatif du corps médical de l’hôpital. C’est un individu qui a fait l’objet d’une procédure disciplinaire, il veut se venger. Il a tenu des propos qui ne sont même pas corroborés par ses collègues. Il y a le Syndicat des médecins qui est ici à l’hôpital. Idem pour la représentation de personnel de l’hôpital. Si ce sont ces représentations qui vous saisissent, on peut dire que c’est du sérieux, mais dans un document où on n’a même pas la signature du chef de personnel, comment voulez-vous qu’on lui accorde du crédit?
Les patients se plaignent également du coût exorbitant des soins à la Renaissance. Ne craignez-vous pas les conséquences d’une telle réputation?
La Renaissance est un hôpital qui a un bel avenir, qui apprend à grandir. C’est une fierté pour les Tchadiens d’avoir un tel hôpital parce qu’il n’y a pas pareil dans la sous-région. Le plus dur est de garder un bijou comme celui-là. Il est très bien équipé. C’est un crève-cœur pour nous que par méconnaissance, les Tchadiens attaquent eux-mêmes un bien qui leur appartient. C’est vrai, la plus grande reproche que les gens nous font est que nous avons un tarif élevé, pas à la portée des Tchadiens. Mais nous faisons aussi ce que les autres ne peuvent pas faire. Nous faisons des opérations compliquées, qui coûtent extrêmement chers. Nous essayons aussi de donner un salaire conséquent à nos personnels afin qu’ils puissent faire un bon travail. Parce que nous sommes exigeants en termes de qualité et de rendement. Nous sommes fiers de dire que les médecins sont disponibles à tout moment, à n’importe quelle heure. Ce n’est pas le cas ailleurs. Ce n’est pas pour rien que le ministre de la Santé publique et son staff nous ont apporté tout leur soutien.
En début d’année, l’hôpital a fait l’objet d’une accusation et un appel au boycott des services a été lancé. Cela ne vous contrarie pas?
Tous les établissements sanitaires tels que l’hôpital de la Mère et de l’enfant, l’hôpital de l’Amitié Tchad-Chine, etc. ont connu le même sort. Simplement parce que les gens ont des difficultés avec une nouveauté. La faute que nous avons commise au niveau de la direction, c’est que nous n’avons pas répondu tout de suite à ce que nous appelons des allégations. Cela a donné l’impression aux gens que nous étions coupables. Ces allégations qui courent sur l’hôpital la Renaissance depuis son ouverture sont complètement infondées et insensées.
La plus répandue de ces “allégations” est sans doute le prélèvement d’organes humains dans votre hôpital …
L’idée même du prélèvement d’organe est complètement farfelue, lorsqu’on connait la médecine et la rigueur médicale. Cette fois-ci, nous avons réagi vivement de concert avec le ministre de la Santé publique qui a pris l’affaire en main, parce que cette diffamation est allée loin. Il y a eu un appel au boycott, alors que cet hôpital est construit à coût de milliards, sur le fond propre des tchadiens, pour diminuer les d’évacuations sanitaire vers l’extérieur. On ne peut pas admettre qu’on boycotte une institution publique. C’est impossible dans un Etat de droit de porter impunément atteinte à l’image d’un hôpital. Dorénavant, nous demanderons aux tribunaux de dire le droit à chaque fois que l’image, l’honneur du personnel, le serment fait par le médecin et l’institution est atteint.
La justice a-t-elle mis la main sur l’auteur de cette accusation?
Nous avons porté plainte et on laisse la justice faire son travail.
En faisant venir des médecins étrangers dans cet hôpital, le gouvernement tchadien a fortement misé sur le transfert de compétences. Après quelques années de fonctionnement, quel bilan peut-on faire sur ce point?
En 2013, lorsque l’hôpital a ouvert ses portes, le Tchad accusait encore beaucoup de retard dans la formation des spécialistes. Beaucoup de médecins tchadiens étaient dans la diaspora. Après l’ouverture, un bon nombre est revenu, et parmi ces médecins beaucoup étaient des binationaux. Malheureusement, la crise de 2015 à 2017 a contraint à la diminution de leurs rémunérations. Cela a causé le départ de beaucoup. Mais en même temps, nous avons eu le retour de beaucoup de jeunes tchadiens qui étaient allés en spécialisation. Ce qui fait qu’à l’heure actuelle, 70% du corps médical est tchadien dont beaucoup de spécialistes.
Donc, oui, il y a eu transfert de compétences mais comme le nombre de spécialistes n’est pas suffisant, le ministère de la Santé publique a pris la décision d’aller chercher quelques spécialistes cubains en juin 2018 pour renforcer leurs confrères locaux.
Actuellement, nous avons une équipe médicale diverse de 58 médecins, dominée par le personnel médical tchadien suivi de 13 médecins cubains, quelques spécialistes ouest-africains et du Maghreb.
Propos recueillis par Nadjindo Alex, stagiaire