La République des généraux du sérail

 

Par un arrêté publié le 21 juillet dernier, le ministre des Finances, du budget et des comptes publics, Tahir Hamid Nguilin, a accordé de nouveaux avantages à plus de 200 généraux admis à la retraite. En plus de la pension (des sources parlent d’un million de FCFA) qui leur sera servi chaque fin du mois par la Carmi (Caisse de retraite des militaires), les désormais ex-haut gradés bénéficieront des “avantages familiaux”, d’une prise en charge de soins médicaux et d’une dotation d’un véhicule tous les quatre ans.

Par ailleurs, par un autre arrêté publié le même jour, le ministre des Armées, des anciens combattants et des victimes de guerre, le général Daoud Yaya Brahim, a accordé d’autres avantages aux néo-retraités : un passeport diplomatique, une dotation mensuelle de 200 litres de gasoil et trois agents de transmission, en d’autres termes, trois aides de camp qui auront pour rôle de veiller au confort du général.

Pourquoi octroyer des passeports diplomatiques à des militaires qui ne sont plus en activité ? Pourquoi leur verser 1 million francs CFA à la fin du mois ? Pourquoi leur offrir un véhicule tous les quatre ans ? Pourquoi ? Pourquoi ? Rappelons que leur package de départ à la retraite était constitué de 14 mois de solde indiciaire, de plus de 6 mois de prime de départ et de 3 mois de congés retour.

Alors qu’au Tchad, aller à la retraite fait peur, les généraux néo-retraités qui font partie du sérail, appartiennent pour la plupart à une seule partie du pays (c’est un secret de polichinelle), y sont tombés avec des parachutes dorés. Alors qu’il faut avoir cotisé pour prétendre à la retraite, ces retraités VIP bénéficient et bénéficieront des privilèges indus et incroyables alors qu’ils n’ont jamais cotisé de toutes leurs vies. “L’enseignant a tout donné”, pour reprendre la célèbre chanson, le médecin a beau passer toute sa carrière à sauver des vies, dont les vies des militaires, ceux-là dont on connaît l’importance, n’ont jamais eu le centième de ces avantages. Pendant que les retraités civils tirent le diable par la queue, font des parcours du combattant pour toucher leurs soldes de retraite de 60 000 francs CFA pour la plupart, les haut-gradés se verront verser “chaque fin de mois” 1 million francs CFA et tous les autres avantages sus-énumérés.

La République des Déby (père et fils) a toujours favorisé les hauts gradés. La République n’est plus ce qu’elle devrait être, c’est-à-dire la “res publica” ou la “chose de tout le monde”. La République est devenue la chose des généraux. Parce qu’ils ont chassé du pouvoir Hissène Habré (qu’ils ont d’ailleurs contribué à faire dictateur et sont aussi responsables de ses milliers de crimes), Déby et ses compagnons d’armes ont toujours considéré le Tchad comme un butin de guerre.

L’héritier de Déby est dans la droite ligne de cette patrimonialisation du pouvoir et ne se fatigue pas de partager les dividendes du “Tchad SA” aux compagnons de son père et à ses proches. Même au sein de l’armée, son père et lui ont instauré une discrimination, un apartheid. Pendant que les hommes de rang broient du noir, ils ont créé la Direction générale des services de sécurité des institutions de l’État (Dgssie), une armée dans l’armée, super équipée, bien payée et entretenue. Ils se distribuent “à titre exceptionnel” les grades comme des dattes, à tour de bras, sur la base du népotisme et du clientélisme, tandis que la plupart des militaires stagnent toute leur carrière. “A titre exceptionnel”, une trouvaille aussi abjecte que ce pouvoir qui, depuis trois décennies, presse inlassablement le Tchad comme un citron, tire et tape sur les Tchadiens comme des pastèques jusqu’à ce qu’ils explosent. Et ne soyons pas surpris que ce pays explose un jour. Tous les ingrédients sont réunis depuis belle lurette. La Rédaction.