Le bac des candidats et surveillants tricheurs

Du 2 au 7 août 2021, plus de 90 000 candidats, toutes séries confondues, ont composé les épreuves écrites du baccalauréat 2021. Une composition tardive, due aux arrêts intempestifs des cours.

Marquée par plusieurs cas de fraudes à N’Djaména, le bac est aussi un lieu de bataille pour les miettes. Pas besoin d’être expert en éducation pour comprendre que l’achèvement de l’année scolaire 2020-2021 a été forcée. Les inondations, les grèves répétées des enseignants, les confinements liés au Covid-19, la campagne électorale et les élections présidentielles, le décès du président Déby et les manifestations ont fortement impacté de manière négative le déroulement des cours dans les établissements scolaires. C’est comme pour l’année scolaire 2019-2020 qui a été très perturbée par le Covid-19 mais dont les autorités de l’éducation ont minimisé l’impact, l’année scolaire en cours s’achève de la même manière.

Le grand bénéficiaire de cette école de médiocrité rendue formelle est la baisse de niveau. Le nombre des candidats au bac va croissant mais le taux de réussite ne suit pas malgré la réinstauration de la deuxième session pour le rattrapage. Les candidats, au lieu de se fier à leurs têtes, cherchent à réussir autrement. D’où la présence des mercenaires (des personnes qui viennent composer à la place de certains candidats), des candidats qui essaient de s’introduire en salle avec leur téléphone pour recevoir les sujets traités de la maison ou par des réseaux maffieux constitués pour la circonstance ou encore avec des sujets traités d’avance pour la fraude. Mais plus marrant, ces réseaux sont constitués de certains enseignants en mal d’argent alors que cette catégorie de fonctionnaires se trouve être la mieux traitée de la Fonction publique tchadienne. Résultats, beaucoup de candidats sont exclus mais de façon tacite. Pour éviter les crises ou pleurs, les candidats pris en flagrant délit de fraude se voient retirer les copies originaux, preuves à l’appui (qui sont transmis à l’Onecs) mais continuent la composition comme si de rien n’était. Au centre de composition du Lycée Féminin 1, six cas de fraudes ont été recensés après les trois premiers jours de composition. “Les candidats n’ont pas confiance en eux. Ça ne nous plaît pas d’exclure quelqu’un qui a étudié pendant 9 mois. Ils nous obligent à le faire”, s’attriste le président du Centre du Lycée Féminin 1, Aguid Chiguefa qui s’est aussi plaint de l’attitude des surveillants. “Jamais un surveillant ne détecte les cas de fraude. Ils sont même parfois complices des candidats. Au lieu de surveiller les candidats, certains nous surveillent pour prévenir les candidats”, dénonce-t-il.

La fraude est encore plus amplifiée au centre de composition du Lycée la Liberté. Dans ce centre, 65 sur 1200 candidats sont pris en flagrant délit de tricherie. Le président du secrétariat dudit centre, Mahamat Abdérahim essaie de donner les raisons. “Les enfants n’étudient pas bien. Malgré les fouilles qu’on a faites avec la police à l’entrée, ils réussissent toujours à entrer avec quelque chose. Et aucun surveillant ne détecte les cas de fraude, pourtant, ils sont deux par salle. C’est en faisant le tour qu’on surprend les enfants avec les téléphones et les documents. Les surveillants ont peur des menaces des candidats quand ils vont finir les examens”, explique Abdérahim.

Dans les autres centres comme celui du Lycée Félix Eboué, les cas de fraudes sont plus ou moins maîtrisés et les candidats plus ou moins  confiants. “Je viens de finir avec toutes les épreuves écrites. Pour le reste, je le laisse aux correcteurs et me remets à Dieu pour les résultats”, déclare toute souriante une candidate assise à côté des vendeuses de jus d’oseille. Elle estime avoir trouvé les épreuves coriaces. Comme cette candidate, une autre qui est élève en classe de 1ère qui tente sa chance, n’est pas sûre d’avoir un résultat positif à cet examen.

“Durant la semaine, nous avons enregistré 5 cas de fraude. Le premier est un mercenaire (un étudiant) qui s’est fait enrôler avec le même nom et date de naissance d’un candidat pour venir composer à sa place, mais il a été démasqué par l’Office national des examens et concours (Onecs). Le deuxième nous l’avons surpris avec un téléphone portable, deux autres avec des fascicules et la dernière catégorie est un réseau où la candidate est dans la salle, reçoit sa copie mais n’écrit pas dessus. Elle part dans les toilettes pour récupérer une copie déjà traitée par quelqu’un pour venir la remettre au surveillant. Elle vient d’être embarquée pour l’Onecs qui se chargera de son cas”, rapporte la présidente du centre du Lycée Félix Eboué n° 2, Nékarmbaye Hélène. Ce centre compte 1969 candidats des séries A4, AA et D. Pour elle, même si au premier jour, un retard d’une heure a été observé à cause des candidats qui n’ont pas retrouvé leurs centres, tout est entré dans l’ordre pour la suite du déroulement de l’examen. Le centre a enregistré deux cas d’accouchement. Nékarmbaye Hélène, reconnaît aussi une amélioration dans l’organisation de l’examen de cette année. “Cette année nous avons un autre corps appelé les vérificateurs. Ce sont les seuls à détenir la colle et leurs rôles est la vérification de l’identité des candidats avant de sceller leur copie”, informe-t-elle.

Du côté de centre du Lycée Félix Eboué n° 1 : 1862 candidats devaient en principe composer. Mais le nombre d’absents préoccupe le président Béndiman Kotol, un rodé et doué dans l’organisation de cet examen.

Si les centres du Lycée Félix Eboué et Lycée d’enseignement technique et commercial ont eu des cas d’incident durant le déroulement de l’examen, au lycée Sacré-Cœur, le président dudit centre, Dr Annouar Djidda Mahamat, fait comprendre que dans tout examen il y a toujours de cas de fraudes. Mais sa stratégie mise en place a permis de vite remettre les choses en ordre, alors rien à signaler.

Lanka Daba Armel & Modeh Boy Trésor