Le Barh Azoum de moins en moins généreux

A 7 km de la ville d’Am-Timan en venant de la localité d’Aboudeïa, se trouve un village improvisé des pêcheurs, appelé Goz Mabilé. Les communautés qui y habitent s’adonnent à la pêche dans le cours d’eau intermittent, le Barh Azoum, qui devient, ces deux dernières années, de moins en moins généreux en poissons à cause du changement climatique.

Du haut de la voie principale, s’observent en contrebas, les bras du cours d’eau intermittent appelé Bahr Azoum. L’eau du Barh Azoum a la couleur blanc-cassé. Son niveau est bas. Le cours d’eau traverse la voie principale par des ouvertures aménagées, dans un sens ou dans l’autre, en fonction du débit et de la provenance de sa source, dit-on.

Dès l’aube, la vie s’anime avec les différentes activités que mènent les communautés vivant à cet endroit. Certains pêcheurs dans leur pirogue, voguent lentement en jetant plus loin leur filet. D’autres, par la force de leurs bras, choisissent de faire le même exercice en se tenant à la berge. Quelques-uns préfèrent la pêche à la ligne. Dans tous les cas, chacun ramène quelques poissons, des fretins de diverses variétés mais également de gros silures.

Autour des huttes qui servent de gîtes, femmes et enfants s’adonnent au séchage, fumage, à la grillade et cuisson des poissons. Le parfum du poisson emplit l’air et les environs. Un mini marché est installé aux abords de la voie principale. L’ambiance y est plutôt bruyante. On y trouve des marchandes des beignets, gâteaux, thé, lait, café, … Bref, tout ce qu’il y a comme alimentation essentielle et circonstancielle pour la survie de l’heure. On y vend également du poisson frais. L’affluence des taxis motos le démontre au lever du soleil, avec leurs passagers, le plus souvent des femmes, tenant de grosses bassines en main. Elles viennent ainsi s’approvisionner en poissons frais, pour la consommation personnelle des ménages. Mais dans la plupart des cas, les femmes qui achètent ici du poisson préfèrent le revendre à Am-Timan ville. Tel est le cas de cette dame, qui débarque en mototaxi, sa bassine en main. Très rapidement elle descend la pente abrupte qui mène au bord de l’eau où l’attendent un pêcheur et sa cargaison. C’est une habituée. Elle demande une tasse, prend place dans la pirogue à la place du pêcheur et commence à remplir sa bassine de poisons de différents types. Le contenu de la bassine correspond exactement, comme par enchantement, à la quantité du poisson pêché. Commence alors le marchandage. Le pêcheur propose sa prise à 5 000 francs. La dame rétorque en proposant 3 000 francs CFA. Chacun fait des concessions; finalement, la vente est conclue à 3 500 francs à la satisfaction des deux parties. “Je vis à Am-Timan depuis cinq ans. Chaque fois que s’annonce la période de pêche, c’est le commerce de poisson qui m’arrange. J’y trouve mon compte”, dit-elle, en refusant de décliner son identité. Puis elle s’empare de sa bassine pleine qu’elle pose sur la tête et remonte la pente pour se percher à nouveau derrière la mototaxi, direction marché d’Am-Timan.

 

Bahr Azoum un carrefour des communautés

Un autre pêcheur a suivi attentivement la scène de la vente. Barnabé Mbaré, c’est son nom. Originaire du village Kim dans le Mayo-Kebbi Est et père de 9 enfants, c’est depuis cinq ans, qu’il revient régulièrement ici, à la même période (juillet à octobre), pour pêcher. “Nous venons des horizons différents. Certains de Moundou, Doba, Laï et même du Lac. Même les étrangers viennent également pêcher ici”, affirme-t-il. Il signale que depuis ces deux dernières années, la pêche n’est plus fructueuse comme par le passé. “Cette année, il n’y a pas assez de pluie donc pas de poissons. Quand il pleut beaucoup au Soudan, nous sommes contents parce l’eau arrive et cela nous donne beaucoup de poissons. Ces poissons viennent du Parc national de Zakouma à cause de ses eaux qui ont débordé”, les désigne-t-il du doigt.

La pêche rapporte du pactole aux pêcheurs. En trois ou quatre mois qu’elle peut, le pêcheur peut empocher 250 000 à 300 000 francs, voire plus, précise Barnabé. “Ce qui est bien ici, le chef de la localité nous autorise à pêcher, donc nous n’avons pas de problème, jusqu’à notre retour”. La difficulté, poursuit-il, réside dans le fait que les Boudouma venus du Lac-Tchad, utilisent une technique de pêche qui le pénalise. “Les Boudouma et leur technique de pêche qui consiste à barrer le passage aux poissons en amont, avec leur filet appelé communément “bourra”, nous empêchent de réaliser de bonne prise”, s’offusque-t-il. Barnabé est loin de se douter que le changement climatique peut aussi être la cause de l’assèchement des eaux de surface.

Roy Moussa Envoyé spécial