Le projet de loi des finances 2021 transmis par le gouvernement à l’Assemblée nationale s’appuie fortement sur les perspectives d’une hausse de croissance l’année prochaine, prédite par le Fonds monétaire international (Fmi). Il prévoit en recettes 1 098 milliards et en dépenses 1247,153 milliards de francs CFA avec un déficit de 149 milliards.
Au début de l’année, les institutions financières internationales avaient annoncé une embellie financière et économique et le gouvernement tchadien s’attendait à voir les caisses du trésor public se renflouer grâce à l’augmentation de la production pétrolière et du prix de l’or noir sur le marché international. Et puis patatras! Le coronavirus a surgi avec des conséquences désastreuses sur l’économie. Les recettes financières ont piqué du nez obligeant le gouvernement à revoir sa copie. “C’est pour minimiser les conséquences d’une telle situation, si elle venait à produire que le gouvernement a élaboré un budget de prudence”, informe un cadre du ministère des Finances et du budget. Ainsi, le projet de loi de finances 2021, soumis à l’examen de l’Assemblée nationale, “met un accent particulier sur le monde rural, l’emploi des jeunes, les femmes, l’accès à l’eau potable, l’éducation, la santé, la promotion du secteur agropastoral, l’appui aux secteurs sinistrés par la pandémie de Covid-19, l’amélioration du climat des affaires, le soutien de l’industrie locale, etc.”, peut-on lire dans l’exposé des motifs. Aussi, il est “en ligne avec les engagements pris par le Maréchal du Tchad vis-à-vis des populations du Tchad profond, prescrit des allocations budgétaires plus ciblées, plus suffisantes et de meilleure qualité pour permettre au Tchad de bénéficier du programme politique du président de la République, voie à suivre vers le Tchad que nous voulons”.
Au dernier trimestre de l’année en cours, le Fmi annonce dans son rapport intitulé “perspectives économiques régionales”: “pour 2021, une croissance régionale de 3,1% est prévue. Il s’agit d’une expansion plus faible que celle attendue dans une bonne partie du reste du monde, ce qui s’explique en partie par la marge d’action relativement restreinte de l’Afrique subsaharienne pour pérenniser une politique budgétaire expansionniste. Les principaux moteurs de la croissance en 2021 seront notamment une embellie des exportations et des cours des produits de base, sur fond de reprise de l’économie mondiale, et un redressement de la consommation et de l’investissement privé”.
C’est en tenant compte des bonnes perspectives de croissance économique en Afrique subsaharienne annoncées par les institutions de Bretton Wood dont le Fmi, que “le projet de loi de finances 2021 prévoit les recettes de l’Etat à 1 098 milliards de francs CFA (hors dons), contre 1136 milliards de francs CFA en 2020, soit une baisse de 3%”, peut-on lire dans le document transmis par le gouvernement au parlement. Les dépenses (hors amortissement de la dette), elles, sont estimées à 1247,153 milliards de francs CFA en 2021 contre 1196 milliards en 2020, soit une augmentation de 4%. Il ressort de ces chiffres un gap de 149 milliards de FCFA que le gouvernement est appelé à combler. “En considérant les amortissements de la dette, les financements extérieurs (appuis budgétaires, dons et prêts projets) et les financements intérieurs, le projet de budget 2021 est équilibré”, a commenté le porte-parole du gouvernement, l’ambassadeur Mahamat Zène Chérif, à l’issue du conseil des ministres de la semaine dernière. Dans le sillage des bonnes perspectives, le gouvernement s’appuie sur une croissance soutenue en 2021 qui s’établirait à 5,1% contre 0,4% en 2020 par le secteur pétrolier à hauteur de 8,1% et hors pétrole de 4,8%. Les recettes pétrolières iraient en hausse en tenant compte de l’augmentation de la production journalière de l’or noir qui passerait de 142 075 barils en 2020 à 147 397 l’année 2021. Le cours du Brent, quant à lui, passe de 40,7 dollars US en 2020 à 44 dollars US en 2021, avec une décote de 3 dollars US par baril et le coût de transport de 7 dollars US par baril. Prudence oblige, “le projet de loi de finances 2021 est préparé en tenant compte des incertitudes au niveau mondial liées à la crise sanitaire dus à la pandémie du coronavirus”, argumente le gouvernement. Mais dans les lignes des dépenses, le budget 2021, comme ceux des dix dernières années, fait une part belle à la grande muette. Ce que beaucoup de spécialistes ont reproché au gouvernement tchadien depuis l’avènement du pétrole en 2003. L’on note aussi une hausse de la masse salariale en raison de l’intégration des diplômés à la Fonction publique (Ndlr 20.000 diplômer selon la promesse faite par le chef de l’Etat) et du rétablissement des primes et autres avantages des fonctionnaires tchadiens amputés aux employés de l’Etat lors de la récession économique consécutive à la crise pétrolière de 2016.
Une économie marquée la psychose du corona virus
Même si l’annonce des bonnes perspectives est bien accueillie, elle ne peut dissiper les inquiétudes des institutions financières internationales qui appellent les gouvernements à l’amélioration de la gouvernance et à plus de prudence en raison de la présence du coronavirus dans plusieurs économies. “Les pays ont aussi leur rôle à jouer : la poursuite des réformes de la gouvernance améliorera la confiance dans l’Etat de droit et le climat des affaires, mais encouragera aussi l’aide extérieure. Malgré les effets persistants de la crise, le potentiel de la région et l’ingéniosité de sa population demeurent intacts. Il sera indispensable d’exploiter ce potentiel pour que la région renoue avec une trajectoire de développement durable et inclusif. Dans ce contexte, le besoin des réformes porteuses de transformations pour renforcer la résilience est plus urgent que jamais, en particulier dans les domaines des recettes, de la transformation numérique, de l’intégration commerciale, de la concurrence, de la transparence et de la gouvernance et de l’atténuation des changements climatiques. (…). Pour 2021, la croissance régionale devrait se redresser modestement à 3,1%. Ces perspectives risquent d’être révisées à la baisse, notamment en fonction de l’évolution de la pandémie de Covid-19, de la résilience des systèmes de santé de la région et de l’accès aux financements extérieurs”, relève le rapport.
L’Afrique subsaharienne à laquelle appartient le Tchad fait face à une crise sanitaire et économique sans précédent qui, en l’espace de quelques mois seulement, a mis en péril des années de progrès durement acquis sur la voie du développement et bouleversé l’existence et les moyens de subsistance de millions de personnes. L’apparition de la pandémie a été différée en Afrique subsaharienne et les taux de contamination ont été relativement bas par rapport aux autres régions du monde. Cependant, la recrudescence de nouveaux cas dans de nombreux pays avancés et la menace de vagues récurrentes de contamination dans toute la région donnent à penser que la pandémie restera probablement une préoccupation très concrète dans les temps à venir. Par ailleurs, la crise sanitaire a plombé la croissance économique, note le rapport. “Selon les projections, l’activité en 2020 devrait subir une contraction de 3%, ce qui reste le mauvais résultat jamais observé. Cela représente une diminution du revenu réel par habitant de 5,3%, ce qui ramène le revenu par habitant aux niveaux de 2013”, indique le rapport. Des projections qui devraient inciter le gouvernement à une gestion saine et rigoureuse des ressources générées par le sous-sol.
Gaspard Boulaledé