Le 25 juillet 2024, une délégation conduite par le ministre des Infrastructures, du désenclavement et de l’entretien routier a pompeusement procédé au lancement du système dit automatisé et informatisé des péages routiers dans le Hadjer Lamis et le Guéra. Un système, dit-on, qui permettra de mieux contrôler et suivre les recettes des péages routiers.
Sur 24 postes de péage, seulement 6 viennent d’être dotés de ce dispositif informatisé de recouvrement des recettes. Le Fonds d’entretien routier (Fer) semble ainsi amorcer la numérisation de ses postes de péage. Depuis sa création en 2000 et en plein activité à partir de 2003, et longtemps mal géré à cause de la déperdition de ses recettes dont les bénéficiaires sont des individus parfois intouchables dans cette République bananière, le Fer, selon certaines sources, vient de connaître des réformes, pour que les recettes engrangées, généralement issues des péages routiers à raison de 500 francs CFA par passage de véhicule, soient effectivement utilisées pour entretenir les routes et non empochées par des individus jouissant d’une totale impunité comme cela a été le cas depuis toujours.
En effet, les contribuables qui ont suivi le 25 juillet dernier cette opération lancée par le ministre des Infrastructures, du désenclavement et de l’entretien routier, Aziz Mahamat Saleh, à Bokoro et à Mongo dans la province du Guéra, attendent de pied ferme, de voir du concret avant d’applaudir. Ils redoutent qu’au Tchad considéré comme une société anonyme des Déby sous le règne médiocre du Mps (Mouvement patriotique du salut), les bonnes choses pour l’intérêt général ne durent jamais. Parce qu’elles ôtent du pain de la bouche des gens ; empêchent le vol, le détournement et l’enrichissement illicite dont sont friands la plupart de nos dirigeants. Pour l’instant, six postes de péage, 3 dans la zone septentrionale et 3 dans la zone méridionale du pays, sont dotés de ce système informatisé.
C’est un système qui favorise la pratique de l’économie numérique. Il permettra de bien réguler les recettes mais aussi le trafic routier, car les postes de péage sont munis des caméras de surveillance transmettant en temps réel les images vers le centre de surveillance installé à N’Djaména, explique le ministre des Infrastructures, du désenclavement et de l’entretien routier. Il annonce à l’occasion que seulement 60 millions de nos francs sont collectés mensuellement sur les 24 postes de péage que compte le pays. Ce qui, pour lui, n’est pas normal. C’est un “chiffre loin de la réalité du terrain”, affirme Aziz Mahamat Saleh qui déplore les déperditions des fonds et les faux tickets détenus par certains agents véreux. Le ministre estime qu’informatiser les péages aidera à mieux générer des ressources pour répondre aux besoins d’entretien des routes. Au cours des échanges qu’il a eus avec les agents aux postes de péage pendant cette opération, à Bokoro, Bolong et Mongo, le Fer n’a pas que les déperditions des recettes comme problèmes. Les agents ont relevé qu’ils éprouvent d’énormes difficultés avec certains usagers de la route qui présentent des ordres de mission caducs, des cartes professionnelles avec la mention “Laisser-passer”, voire des menaces.
Où vont les recettes collectées ?
Toutefois, quand on sait que la majorité des usagers paient normalement les taxes imposées par le Fer qui doivent servir à financer l’entretien des routes qui se retrouvent finalement dans des états qui laissent à désirer, il y a de quoi à être frileux. Les usagers se demandent bien à quoi bon payer ces taxes lorsqu’elles ne sont pas utilisées à des fins utiles. Par ailleurs, au-delà de la mise en place de ce nouveau système informatisé qui est une innovation salutaire, beaucoup pensent qu’il ne s’agit pas seulement d’installation d’un système qui pourrait mieux suivre et contrôler les recettes engrangées. Mais il s’agit de la gestion transparente même de ces ressources, des personnes placées à la tête de telles entités qui ne viennent que du sérail ou sont coptées toujours parmi les membres de famille ou du clan régnant et qui n’ont pas d’obligation à rendre compte. Pour faire clair, beaucoup d’usagers rétorquent que même si le ministre des Infrastructures déplore le fait que seulement 60 millions sont recouvrés mensuellement, cet argent devrait servir à financer des petits travaux routiers. Au constat des routes bitumées complètement dégradées un peu partout sur l’étendue du territoire qui n’ont reçu des travaux d’entretien alors que le Fer continue de collecter normalement les taxes, les usagers déplorent le fait que ces fonds collectés prennent d’autres directions. Sinon, ils auraient permis de financer de petits travaux d’entretien afin de soulager ne serait-ce qu’un tant soit peu, les souffrances quotidiennes endurées par les usagers.
Et pendant ce temps, Aziz Mahamat Saleh envisage déjà fixer une autre tarification pour les gros engins et camions transportant des marchandises. Pour lui, une situation déplaisante se trouve être le fait que ces gros camions paient juste 500 francs CFA au même titre que les voitures. Il estime qu’il est inadmissible que les poids lourds payent seulement 500 francs CFA alors qu’ils sont pour la plupart à la base de la dégradation des routes. A cet effet, le ministre instruit une catégorisation dans la tarification des véhicules. Ce n’est que normal, réagit un conducteur de gros véhicule. Mais avant, “nous voulons des routes praticables pour nous éviter les accidents”, rétorque-t-il. Il se demande si le Fer va enfin devenir une institution responsable au service des citoyens et va satisfaire les usagers par l’entretien des routes ?
Nadjidoumdé D. Florent