Le Mps veut toujours rester aux affaires

Prévu initialement du 12 au 13 juin, le 10ème congrès extraordinaire du Mouvement patriotique du salut (Mps) ne s’est tenu qu’en un seul jour, le 12 juin. Une journée qui a suffi pour éjecter celui qu’il convient d’appeler ex-secrétaire général du parti à l’oriflamme guerrière, orphelin de son président-fondateur.

Très tôt ce matin du 12 juin, la sécurité a encerclé le secteur où devait se tenir le congrès. La mise en place dans l’auditorium de Radisson Blu est terminée. Pour accueillir les participants et les invités ainsi que les officiels, un documentaire sur la vie d’Idriss Déby Itno, président-fondateur du Mps, projeté en boucle, agrémente l’ambiance qui sort un peu de l’ordinaire, sans mobilisation, sans concurrence entre les musiques modernes, danses traditionnelles, des artistes chorégraphes ainsi que les humoristes, comme de coutume cela se faisait. La mobilisation à ce congrès est étrange quand on sait que d’habitude, le Mps organise toujours des évènements de taille. La salle est calme, sans agitation. Le parti continue-t-il de faire le deuil de son président-fondateur? Est-ce parce qu’il y a désormais deux camps au sein du parti? Celui évidemment de Mahamat Zen Bada, le secrétaire général du Mps en France pour des soins médicaux et qui s’est opposé à la tenue de ces assises et celui des autres. C’est dans cette morosité du climat que le modérateur du jour, Abdel-Nasser Garboa va utiliser son micro pour galvaniser ses camarades à la célébration. Néanmoins, casquette, écharpe et drapeau à l’effigie du parti ont été brandis par les militants, sympathisants et alliés du Mps.

Le 10ème congrès extraordinaire est convoqué après près de deux mois du décès du président Déby. Les militants du Mps placent ce congrès sous le signe de la redynamisation du parti. Ce 10ème congrès extraordinaire du parti de Bamina se tient sous une haute tension au sein même du parti. Alors qu’il s’est rendu en France pour des soins, le Secrétaire général, Mahamat Zen Bada apprendra comme tout le monde, la convocation de ce congrès extraordinaire par un communiqué signé de sa 1ère secrétaire générale adjointe, Madjidian Padja Ruth. Zen Bada, du haut de son lit d’hôpital, prendra une décision pour annuler ledit congrès. Une décision qui sera balayée d’un revers de main par ses camarades, à travers le porte-parole du Mps, Jean-Bernard Padaré qui va rassurer l’opinion à deux jours de la tenue de l’évènement, du maintien de ce 10ème congrès extraordinaire.

10 h, la cérémonie peut commencer. L’auditorium de Radisson Blu est plein à craquer mais l’ambiance demeure morose. Les militants assis à même le plancher. “C’est avec une très grande émotion et l’âme meurtrie que je prends la parole en cette circonstance exceptionnelle de la cérémonie d’ouverture du 10ème congrès extraordinaire sous le thème de redynamisation du Mps en l’absence de notre héros et notre guide, …”, déclare Jean-Bernard Padaré, président du Comité d’organisation du 10ème congrès extraordinaire du Mps. Il rappelle les évènements depuis la “victoire du camarade IDI à l’élection présidentielle du 10 avril 2021 avec un score sans appel” jusqu’à sa disparition qui a plongé les militants du Mps dans un désarroi profond. Mais pour lui, ce 10ème congrès extraordinaire qu’il a l’honneur d’organiser a pour but “une reprise en main efficace du parti en vue de le projeter vers l’avenir”. Il sera aussi question à ces assises, selon le président du comité d’organisation, de diagnostiquer profondément l’organisation et le fonctionnement du parti, évaluer objectivement les forces et faiblesses, procéder aux réajustements nécessaires du parti, en vue de relancer ses activités. Car cette redynamisation structurelle est une étape cruciale et indispensable pour la marche en avant du parti, estime-t-il.

Pour désormais l’oublier, ou du moins mettre un terme à ses images qui figurent partout, les militants du Mps ont rendu un dernier hommage à Idriss Déby Itno. A cet effet, ils ont récité des extraits du Coran pour implorer la clémence d’Allah au repos éternel du défunt. Un moment vécu avec vives émotions sur les visages de certains militants qui n’ont pas pu s’empêcher de verser de larmes. Quelques femmes ont même éclaté en sanglots. Le sous-comité communication du Mps a réalisé un documentaire sur la vie du président-fondateur du Mps, Idriss Déby Itno. S’en suit un poème à lui dédié, pour ses œuvres, mais qui présente les défis d’avenir.

Impulser une nouvelle dynamique

Tenu contre vents et marées, le 10ème congrès extraordinaire du parti de Bamina se veut d’impulser une nouvelle dynamique en son sein. Dans son discours, un appel ou une courtoisie à la jeunesse, Madjidian Padja Ruth, 1ère secrétaire générale adjointe du Mps, a tenu, dès l’entame de son intervention à encourager les militants à tenir bon pour perpétuer l’héritage légué par le père-fondateur du Mps. Mais elle a l’impression que tout s’effondre depuis la mort tragique de Déby Itno. “Dans la douleur, beaucoup de militantes et militants se demandent ce que deviendra le parti rassembleur sans les habituelles orientations avisées de leur illustre regretté. Ce questionnement concerne surtout la préservation de l’héritage que laisse brusquement le fondateur, notamment notre responsabilité commune de perpétuer les acquis de notre mouvement”, affirme la 1ère adjointe Sg du Mps. Que faire donc? Mme Ruth pense qu’elle et ses camarades devront poursuivre leur “politique d’ouverture en direction des autres formations politiques et des organisations de la société civile. Continuer de prioriser le dialogue, la concertation, la participation à réflexion sur les grands problèmes de la nation. Pérenniser les efforts sur le renforcement de l’Etat de droit en vue d’assurer la sécurité des biens et des personnes. L’amélioration de l’environnement des affaires et l’accès des citoyens à l’information”. Et pour accomplir ces ambitions, le Mps désire poursuivre et être aux affaires. Trente ans de règne, Mme Ruth a fait un bilan positif de la gestion du pays par le Mps. Et le désir du Mps est de poursuivre “un immense chantier avec les projets dont certains sont déjà en cours d’exécution dans les domaines de l’énergie, de transport, de l’aménagement des structures routières et des mécanismes financiers destinés à accompagner l’exécution des projets porteurs de la croissance”, ambitionne-t-elle.

La jeunesse pour la relève

La jeunesse est au cœur des priorités, estime la première adjointe Sg du Mps. Pour Madjidian Padja Ruth, le Tchad se force à construire et doit assurer une qualité de vie meilleure aux générations présentes et futures. “Nous devons redonner l’espoir à nos jeunes, c’est pourquoi, tant dans le processus de rénovation de notre parti que dans la charge de gestion publique, nous encourageons plus encore le rajeunissement des appareils dirigeants. Faire une part significative à la jeunesse qu’Idriss Déby Itno a préparée à prendre la relève de notre parti. Le Mps encourage les jeunes à penser pleinement à la vie politique”, dit-elle en faisant ainsi un clin d’œil aux enfants du président-fondateur, qui tiennent en ce moment les rênes du pouvoir. Un discours assez clair qui insinue qu’au sortir de ces assises, c’est un jeune qui prendra la tête du Mps. Justement à ce sujet, des langues se délient sur le choix porté sur l’un des fils du feu Idriss Déby Itno. Tant l’atmosphère tendue qui prévaut en salle, le précise. Comme d’habitude, au Tchad, les partis politiques sont considérés comme patrimoine familial. Les enfants Déby veulent récupérer la chose de leur père, ce qui va évidemment dans l’intérêt des caciques du Mps, qui s’accrochent inlassablement au Conseil militaire de transition, en vue de leur maintien aux affaires.

Nadjidoumdé D. Florent