Revisiter les activités sportives réalisées par le Tchad, notamment en national et à l’international donne un sourire mi-figue mi-raisin, avec beaucoup plus de préoccupation dans la réflexion. Tant la face visible de l’iceberg cache d’énormes écueils, qui dénotent d’un manque criard de volonté politique et à la limite de dédain vis-à-vis du sport. Voici ce que l’on peut retenir…
Bétel Casimir, le meilleur sportif tchadien 2024
Le Tchad a été 1er mondial au Taekwondo, lors du classement réalisé par la Fédération internationale de Taekwondo en juillet 2024. C’est grâce à Bétel Casimir, notre ambassadeur dans la discipline. Il a totalisé une note de 20,00 devançant un français et un turc. En mars 2024, il a remporté une médaille de bronze (3e place) aux jeux africains d’Accra (Ghana). Malheureusement, il a été éliminé pour la qualification des Jeux olympiques (Jo) de Paris 2024, lors du tournoi qualificatif de Dakar en février 2024.
Au karaté, le Tchad a pris part au championnat de l’Union des fédérations nationales de karaté (Ufak), région du centre à Yaoundé (Cameroun) en juillet 2024. Ce tournoi a regroupé le Cameroun, la Rd Congo, le Gabon, la Rca et le Tchad. Avec à la clé, 4 médailles d’argent et 6 médailles de bronze, ainsi que l’élection du président de la Fédération tchadienne de karaté et discipline assimilée (Ftkda), Me Tchang Wei Tchang Houloulou, au poste du Président de l’Ufak région centre. Lors des championnats junior et senior qui suivront en Tunisie, Me Tchang a été fait vice-président continental. La Ftkda ne s’est pas contentée de ces lauriers. Elle a également choisi de prendre part au stage technique et d’arbitrage sur les règlements de kumité et kata 2025, à travers le directeur technique national et le représentant de la commission arbitrage. Ce qui met le karaté à jour des règlements internationaux. La preuve, des stages pour ceintures noires et entraîneurs ont été organisés tout le mois de décembre 2024, au niveau des ligues de N’Djaména, Moundou, Doba, Sarh, Koumra et Laï.
Le kung-fu s’installe à N’Djaména, avec l’organisation de l’assemblée générale constitutive de la première ligue de kung-fu de la province de N’Djaména. Une discipline qui fait autant d’émules, au point où les clubs continuent de pousser comme des champignons. Un bureau exécutif de 9 membres est mis en place et présidé par Me Adoum Moussa Adoum.
Au judo, c’est la médaille de bronze obtenue au tournoi open d’Abidjan de juin 2024, par Carine Ngarlemdana (70 kg), première judokate tchadienne à participer aux Jo (Londres 2012). Fatimé Barka (-52 kg) et Memneloum Demos (-70 kg) ont occupé les deux 5e places du tournoi. Memneloum Demos qui a emboîté le pas à Carine (Jo Japon 2021) a réussi sa 2e qualification aux Jo Paris 2024, grâce à un cumul de points favorables. Comme quoi, le judo tchadien continue d’être une affaire de femme battante.
Les archers tchadiens, grâce à la mise au vert, ont connu des progressions significatives et encourageantes au niveau de leur performance. Israël Madaye a atteint les points qualificatifs requis pour sa participation aux Jo Paris 2024, et Hallas Maria Abaifouta, quant à elle, est passée de peu à côté de la qualification à ces Jo. Certainement que sa préparation tardive dans les conditions optimum (mise au vert en France à 3 semaines des Jo), y est pour quelque chose.
Les 4 gymnastes tchadiennes : les révélations sportives de l’année 2024
En gymnastique, nos quatre jeunes pionnières, pensionnaires d’un centre de formation du club Real Madrid en Espagne, ont honoré le Tchad et sont à juste titre les révélations de l’année 2024. Lors du 18e Championnat africain de gymnastique organisé du 3 au 6 mai 2024 à Marrakech (Maroc), elles ont placé le Tchad à la 4e place sur 9 pays. C’est après l’Egypte, l’Afrique du Sud et le Maroc, mais devant le Cameroun, la Libye, la Namibie, le Sénégal et la Tunisie. Nos quatre héroïnes et ambassadrices, âgées entre 16 et 17 ans, ont pour noms Grâce de Dieu Fonai-Gna (née le 2 octobre 2007), Nodjilelmbaye Anne-Marie Dounia Habiba (née le 7 janvier 2008), Achta Dérib Abdoulaye (née le 18 août 2008) et Dénémian Cécilia (née le 15 octobre 2007). Pour une grande première en compétition continentale, elles ont démontré leur talent en progression, depuis quatre ans (janvier 2020) où elles ont embrassé toute jeune cette discipline.
Le handball tchadien dans les versions cadets (U18) et juniors (U20) s’est distingué de la plus belle manière, au tournoi IHF Challenge Trophy de la zone 4 (Cémac), en mai 2024 à Yaoundé au Cameroun. Les Sao juniors se sont adjugés le trophée et la médaille d’or. Chez les cadets, c’est la médaille de bronze (3e place). Il faut signaler que le Tchad remporte ce trophée 12 ans après l’avoir remporté ici à N’Djaména en 2012. Un exploit réédité avec les joueurs d’hier, devenus entraîneurs aujourd’hui, dont le travail technique rassure de la relève.
Au basketball, l’on retient les différentes formations et recyclages qui ont constitué en grande partie, le lot des activités de la Fédération tchadienne de basketball association (Ftba), en vue d’assurer la relève, notamment la “Clinique basket”, une session de formation dispensée à près de 50 animateurs des centres de formation des jeunes des différentes provinces. La session est axée sur le développement des jeunes de moins de 14 ans. Elle a été assurée par l’Association “International mini basket instructor network (Imbin)”, à travers six internationaux homologués par la Fédération internationale de basketball association (Fiba), du 27 février au 2 mars 2024. Ensuite, la formation des entraîneurs des jeunes, encadrés par des experts de la Fiba au Kenya en avril et des arbitres en juin, celle des formateurs pour le Directeur technique national en mai (Abidjan). Le tout couronné par la Journée basket pour femme le 8 mars, l’organisation du championnat des U17 et des dames (juillet à septembre), la création et le lancement de la nouvelle ligue de basket 3×3 (octobre), la participation de 2 représentants de la Ftba au cours avancé de management et des jeunes sur l’éducation et les valeurs olympiques, organisée par le Cost.
L’athlétisme, parent pauvre en termes d’infrastructures, n’a pas croisé les bras. Sur le plan statutaire, il faut relever l’organisation de l’Assemblée générale élective des membres du bureau exécutif (avril) de la Fédération tchadienne d’athlétisme (Fta), pendant que d’autres fédérations prolongent indéfiniment le bail des membres de bureau. On peut également noter la participation du Tchad à l’Assemblée de la Confédération africaine d’athlétisme (Caa) et de la réunion statutaire de la zone 3, en marge des championnats d’Afrique d’athlétisme (Cameroun) avec 6 athlètes ainsi qu’à un stage de haut niveau de 4 athlètes pendant 4 mois au Kenya. Sans oublier l’organisation de la compétition des jeunes filles du centre de formation Al Nadja, suivie de la dotation des matériels grâce à l’appui de l’Ambassade de France.
Au volleyball, il faut signaler l’élection à la vice-présidence de la Confédération africaine de volleyball (Cavb) d’Idriss Dokony Adiker, le président de la Fédération tchadienne de volleyball et président du Comité olympique et sportif tchadien (Cost).
Les Jo Paris 2024 ont donné pour le Tchad des résultats décevants. 34 secondes est le temps mis sur le tatami par notre ambassadrice au judo, Memneloum Demos, pour être battue et finir ses jeux olympiques. Israël Madaye au tir à l’arc, est sorti au 1er tour, battu par le sud-coréen Kim sur un score de 6 à 0. L’on a pensé que le dernier tchadien en compétition, le marathonien Valentin Bétoudji, qui a concouru le 11 août, date anniversaire de l’indépendance du Tchad, allait réussir le sursaut de se classer honorablement au moins. Que nenni ! Mais comme l’avait dit le Baron Pierre de Coubertin, fondateur des Jeux olympiques modernes, “L’essentiel est de participer”, dont acte !
Le Tchad aurait pu mieux faire avec ces disciplines et arriver à des résultats meilleurs. Surtout que tous ces résultats et réalisations sont certainement obtenus avec un investissement de moins d’un demi-milliard de francs CFA, gageons-le. Comparativement à un montant identique, englouti par les Sao football, pour s’enfoncer davantage dans les profondeurs des abîmes. Tout un dossier sera consacré à cet effet, dans les prochaines parutions, tant il y a à redire sur les écueils du sport au Tchad.
Me Hissein Ngaro a conseillé
Dans son livre paru au mois de septembre 2024, titré “Le sport tchadien”, parmi les pistes de solutions, Me Hissein Ngaro propose “la promulgation d’une nouvelle loi pour le sport au Tchad, comme une nécessité absolue, voire un impératif pour une saine décision et gestion du sport en général, dans toute sa diversité. Cette nouvelle loi, pourra définir les axes, les priorités des sports et une vision stratégique profonde, réalisable qui prenne en compte les textes régissant les fédérations et associations sportives nationales, inspirés des textes des instances internationales respectives (Fédérations internationales et Comité international olympique). Une fois cette loi promulguée, suggère-t-il, il faut songer à aller vers les états généraux des sports de manière inclusive, sans occulter les problèmes, avec l’appui et la participation des experts internationaux. Telles sont parmi tant d’autres, quelques recommandations qu’il propose. Des réflexions profondes y sont consacrées.
Roy Moussa