1er décembre 1990-1er décembre 2020! Cela fait 30 ans que le Mps et le président Idriss Déby Itno ont promis la démocratie aux Tchadiens. Que retenir des 30 années après cette promesse? Le bilan est bon pour la majorité alors que l’opposition le trouve médiocre.
“Je ne vous apporte ni or, ni argent mais la démocratie”, a déclaré le président Idriss Déby, le 4 décembre 1990, trois jours après avoir renversé par les armes, le régime dictatorial et sanguinaire de Hissène Habré, auteur de 40 000 morts en 8 années de règne. Au nom de la démocratie, Idriss Déby ouvre la voie au multipartisme, libéralise la presse et organise des élections présidentielles qu’il a toujours gagnées (6 mandats en modifiant plusieurs fois la Constitution). Mais pour l’opposant Nasra Djimasngar, président du parti “Un nouveau jour”, tout cela n’est que démocratie de façade. “Toutes les élections, que ce soit la présidentielle, les législatives et municipales, qui se sont suivies depuis 1996, tous les résultats ont été contestés parce qu’ils étaient contestables. Toutes les preuves étaient réunies que ni Idriss Déby, ni ses députés, ni ses conseillers municipaux étaient élus démocratiquement”. Pour lui, il n’y a pas de démocratie si les autres partis politiques ne peuvent pas organiser librement des manifestations, si la population n’a pas d’eau, d’électricité, de soin de santé, s’il y a des grèves répétitives des fonctionnaires et des étudiants, s’il y a l’insécurité avec les conflits éleveurs-agriculteurs. C’est plutôt un recul, déplore-t-il. Il ajoute que le peuple est exclu de l’exercice du pouvoir comme le stipule la définition de la démocratie. “Quand on emploie les termes pouvoir ethnique ou clanique, ça peut offusquer certaines personnes mais n’ayons pas peur des mots. 90% des décrets et arrêtés qui nomment des personnes civiles ou militaires à la tête des services de l’Etat, il y a 95% de Tchadiens qui sont exclus”, relève l’universitaire. Il résume qu’en “30 ans, le Tchad a connu une démocratie de façade.Ce n’est pas différent d’un régime dictatorial”. Pour Nasra, pour qu’il y ait démocratie, il faut réunir les conditions des élections libres et transparentes, la répartition équitable des biens et aussi l’alternance. “Qu’est-ce qu’on peut encore espérer d’un régime qui n’a pu faire le minimum en 30 ans. Il n’y a que des nouvelles personnes pour impulser des idées nouvelles, des comportements nouveaux pour que le Tchad connaisse un nouveau jour”, tranche-t-il.
Djasnabaille à la défense
Pour le coordonnateur de la majorité présidentielle, Abdéramane Djasnabaille, le Tchad est bel et bien en démocratie. “Les élections se déroulent à la date échue telle que la présidentielle et c’est pour des raisons de circonstance qu’il n’y a pas des législatives et communales. Il y a un multipartisme intégral. Il y a une société civile multiple et variée et en même temps une presse multiforme. Les gens s’organisent et se réunissent librement”. Pour lui, si le Mps a une longévité au pouvoir, c’est parce qu’il a le soutien du peuple. Sinon, “pour qu’il y ait alternance, il faut que les gens luttent. Mais depuis le début jusqu’à présent, tous ceux qui sont dans l’opposition à un moment donné étaient venus gérer avec ceux qui ont le pouvoir. Que ce soit de l’opposition ou de la majorité, nous sommes tous comptables de ce qui se passe”, se défend-il. Abdéramane Djasnabaille a toutes les réponses aux questions que pose la démocratie tchadienne. L’influence de l’exécutif sur le judiciaire existe partout dans le monde, pense-t-il, même dans les vieilles démocraties. Quant au conflit éleveurs-agriculteurs, il persiste “parce que nous ne sommes pas encore une nation. Le communautarisme est encore là”. Sur la mobilisation permanente des forces de défense et de sécurité en ville, “nous sommes au moment où le climat sécuritaire est hostile. C’est pourquoi les forces de défense et de sécurité sont éveillées’’, argumente-t-il. Abordant la limitation d’âge de candidature à la présidentielle fixé à 40 ans lors du dernier forum dit inclusif, “c’est un faux débat. Les jeunes cherchent un emploi, pas le pouvoir. Quelqu’un qui a 18 ans est encore chez ses parents, il ne peut pas chercher à être président. Ce n’est pas réaliste. A 40 ans, on est jeune au Tchad. Les jeunes n’ont pas d’expérience. Ce n’est pas en manipulant le téléphone qu’on devient président. Les élections c’est autre chose. Ce jeune s’agite pour rien. Il n’est pas meilleur que les autres opposants”, répond Djasnabaille en faisant allusion au président des Transformateurs, Succès Masra. Il défend également bec et ongle la modification permanente la Constitution. “Nous sommes une jeune démocratie. Il a fallu au moins un siècle pour que la démocratie française se stabilise. Il ne faut pas être statique, on évolue. A un moment donné, les choses vont se stabiliser. Pour le moment, on améliore ce qui existe pour trouver ce qui correspond le mieux aux Tchadiens”, conclut le coordonnateur de la majorité présidentielle qui reconnaît tout de même quelques dérives.
Lanka daba Armel