Dans un ouvrage de 187 pages paru aux éditions Monange basées à Yaoundé au Cameroun, l’anthropologue Pierrot Allayam Ndikinan aborde la kyrielle de problèmes que rencontre le continent africain et propose des pistes de solutions.
L’auteur déroule ses réflexions sous forme de thématiques groupées dans ce livre au titre évocateur, “La cité de l’espoir”. D’emblée, il pointe du doigt un premier problème en remontant l’histoire: la traite négrière. Pour lui, ce trafic des humains reste une plaie béante et ouverte dans la chair de l’Afrique. Il illustre par l’histoire de Kunta Kinté, ce guerrier mandingue capturé, déporté et vendu aux Etats-Unis. Il affirme que l’esclavage est une pratique ancrée dans la culture occidentale si bien que les colons l’on perpétué.
Pour lui, un nouvel ordre mondial s’impose à la nouvelle génération. Mais pour y arriver, il faut aller à la recherche des éléments de fondation de ce nouvel édifice. Il réfute la thèse selon laquelle notre gouvernance d’avant la traite négrière et la colonisation est négative.
Il en vient à aborder la démocratie comme système de gouvernement, qui est une perversité ou simplement un cadeau empoisonné. Car, elle crée plus de problèmes que des solutions, elle fait des exclus. Les rebellions en sont une parfaite illustration.
A propos de l’exploitation de l’Afrique, il donne quelques exemples et demande à ses frères africains de faire bloc commun pour mettre terme à cette exploitation par les puissances occidentales. Pierrot Allayam Ndikinan va plus loin, en martelant qu’il faut repenser l’école qui, dans son approche, joue le rôle d’instrument de soumission et d’aliénation; il préconise même un retour aux sources.
Quant à la dépigmentation de la peau noire, l’auteur sonne l’alerte et crie au scandale: c’est une véritable aliénation. Les produits décapants visent à dévaloriser le noir. Il fait remarquer que les Associations de défense des droits humains et autres organisations de la société civile doivent inscrire ce sujet dans leur agenda de lutte.
En parlant de la culture, il évoque la sorcellerie, une réalité africaine dont l’énergie est très mal utilisée. C’est une réalité spécifique à l’Afrique, c’est notre science dont le laboratoire est la nature, fait-il savoir.
La coopération actuelle n’est plus en adéquation avec nos réalités, parce que les relations sont toujours paternalistes. C’est une coopération d’exploitation.
L’auteur fait quelques propositions. Pour lui, au regard du constat accablant et des manœuvres subtiles utilisées, il faut s’assumer ; puis travailler pour assurer le progrès et l’indépendance économique ; il faut œuvrer pour l’édification d’un monde où il n’y a ni violence, ni terrorisme, moins encore de corruption. Une synergie d’actions s’impose pour amorcer le boulevard de l’émergence et un monde meilleur. La solution à nos problèmes viendra de nous-mêmes, selon l’auteur. On ne peut être émergent en étant sous tutelle : s’affranchir de l’emprise occidentale est un impératif. Autre sujet abordé dans le livre, la langue comme vecteur de communication et identité des peuples. Nos langues sont combattues par les néo-colons, ne soyons pas les fossoyeurs de nos langues maternelles, insiste-t-il.
L’anthropologue Pierrot Allayam rêve d’une Afrique unie, forte, solidaire et prospère. Il croit au panafricanisme mais de grands défis s’amoncellent. Il nous faut de perspicacité, de ténacité, de hardiesse, de bonne foi et surtout de créativité. Une vision prospective s’impose. Le livre rend hommage à Mouammar Kadhafi pour ses mérites, et dénonce également ce qu’il appelle tragédie l’affaire Arche de Zoé.
En guise de conclusion, l’auteur formule un vœu ardent: les Etats-Unis d’Afrique comme ultime solution pour sortir de l’enfer. Les africains doivent s’aimer, c’est à ce prix qu’on parlera de la cité de l’espoir.
Mais la lecture du livre repose sur des contrastes et paradoxes que l’auteur ne cesse de soulever. Il utilise plusieurs types de raisonnements comme carburant de son écriture. En dénonçant ouvertement le mal, il fait des propositions. Il remet donc le noir, sinon l’humain au centre des préoccupations tout en transmettant un message positif.
Pierrot Allayam Ndikinan trempe sa plume au tréfonds de ces préoccupations et éveille les consciences qui sommeillent. Son cri est à la hauteur de sa peine. Il n’admet pas que notre destin soit lié et confondu aux tragédies. Pour lui, il y a une construction de possibilités. Car, l’obscurité du désespoir peut se transformer en “Cité de l’espoir” qui est une allégorie de l’Afrique. Son livre est une mise en garde à l’endroit des acteurs et spectateurs du malheur de l’Afrique. Cet essayiste rêve de liberté et de dignité.
Biographie sommaire de l’auteur
Pierrot Allayam Ndikinan a fait des études de droit à l’université de N’Djaména. Nanti d’un master en anthropologie de développement à Lomé et un autre master en coopération internationale et aide humanitaire à Halu Institute d’Espagne, il a suivi plusieurs formations à l’étranger.
Son parcours professionnel ahurissant sur 15 ans d’expertises techniques et professionnelles dans le suivi/évaluation et les projets sociaux de développement communautaire donne à l’homme de bonnes et solides connaissances pratiques en gestion de projet, qui lui a permis de faire tous les terrains et être en contact avec tout le monde. Cet humanitaire, anthropologue, consultant, formateur des normes fondamentales humanitaires est un féru des belles lettres et de la pensée spéculative. Il croit fermement que les stratagèmes et systèmes actuels tirent toujours l’homme noir vers le bas de l’échelle. Ils sont, hélas, savamment entretenus.
Sosthène Mbernodji