Les avocats de Masra dénoncent une procédure à relent politique

Réuni devant la presse ce mercredi, le collectif des avocats de Succès Masra, président du parti Les Transformateurs, a vigoureusement dénoncé la décision du juge d’instruction du 3ᵉ cabinet de N’Djamena de clôturer l’information judiciaire ouverte à l’encontre de leur client tout en transférant le dossier au procureur général pour d’éventuelles poursuites. Selon les avocats, cette décision marque l’aboutissement d’une procédure qu’ils jugent dénuée de fondements juridiques et entachée d’arrière-pensées politiques.

Les tractions judiciaires entre l’État tchadien et les avocats de Succès Masra ne cessent d’alimenter l’opinion. Ce dernier avait été interpellé à son domicile le 16 mai 2025, aux premières heures du jour, sans convocation préalable ni notification d’infraction. Ce n’est qu’au cours de la journée, à travers une déclaration publique du procureur de la République près le tribunal de grande instance de N’Djamena que les chefs d’accusation ont été portés à la connaissance de la défense. Il lui était notamment reproché la diffusion de messages à caractère xénophobe, l’incitation à la violence intercommunautaire, la tentative d’atteinte à l’ordre constitutionnel ainsi que la complicité d’assassinat, en lien avec les événements tragiques de Mandakao dans la zone méridionale survenus le 14 mai, a rappelé le collectif avant de souligner les irrégularités constatées et de faire le point sur la situation actuelle.

Une instruction jugée biaisée et un procès qualifié de « politique »

Le collectif des avocats souligne l’absence d’éléments matériels nouveaux au cours de l’enquête, regrettant que, malgré cela, le juge ait transmis le dossier au parquet général sans prononcer un non-lieu. Ils relèvent de multiples « incongruités procédurales« , notamment l’absence de toute mention de leur client dans les déclarations des autres inculpés et l’inexistence de preuve directe liant Masra à l’audio incriminé, une déclaration datant de 2023, que l’État considère pourtant comme ayant provoqué les violences de 2025. Ils rappellent par ailleurs que cette déclaration avait déjà fait l’objet en son temps, d’un mandat d’arrêt international émis le 8 juin 2023, levé par la suite à la faveur de l’accords Toumaï et de celui de Kinshasa en octobre 2023. Ces engagements avaient permis le retour au pays de Masra après les tragiques événements du 20 octobre 2022, sa nomination à la tête du gouvernement de réconciliation nationale le 1er janvier 2024 et sa participation à l’élection présidentielle du 6 mai 2024.

Pour le collectif, la décision judiciaire actuelle est la confirmation d’une « machination politique éhontée ». Ils s’appuient notamment sur les propos du porte-parole du gouvernement qui, dans une déclaration publique, avait lui-même qualifié la procédure de « procès politique d’envergure ». Les avocats dénoncent également les critiques émises par ce dernier à l’encontre de la participation d’avocats étrangers à la défense, y voyant une violation manifeste des accords judiciaires entre le Tchad et la France.

Clôturant leur intervention, les avocats ont réaffirmé leur détermination à poursuivre la défense de leur client, estimant que cette affaire dépasse le cas individuel du client pour poser un problème fondamental de respect de l’État de droit au Tchad. Dans un climat qu’ils qualifient de « juridiquement galvaudé », ils se veulent sereins mais vigilants, et entendent mobiliser tous les recours légaux pour faire valoir la vérité judiciaire.