L’Agriculture tchadienne a montré ses limites, dans un contexte de dégradation croissante de l’environnement, qui se traduit par une très faible productivité agricole. C’est l’un des défis auxquels l’actuel ministre de l’Irrigation et de la production agricole, Abdoulaye Diar, compte relever au moyen d’un mécanisme permettant d’intensifier les systèmes de production, mais aussi par la mise à la disposition des producteurs des facteurs de productions essentiels afin de rehausser le niveau de productivité.
Le 16 octobre dernier, le Tchad a célébré de concert avec d’autres pays membres de l’Organisation des nations unies (Onu), la Journée mondiale de l’alimentation (Jma) sous un thème évocateur de “Cultiver – Nourrir – Préserver”.
Une journée célébrée par plus de 150 pays dans le monde entier, dans le but de sensibiliser le public et les dirigeants de la planète sur les questions de la pauvreté et de la faim.
Comme on peut le constater, avec les phénomènes de changements climatiques, le Tchad comme la plupart des pays de la planète n’arrive pas à couvrir, comme il le faut, les besoins alimentaires de plus en plus croissants de ses populations.
Aussi, bien que regorgeant d’importantes ressources en eaux souterraines, leur faible mise en valeur fait de l’agriculture tchadienne une agriculture essentiellement tributaire des eaux pluviales qui conditionnent annuellement les niveaux des productions agricoles.
Pire, “nous assistons aujourd’hui à un phénomène de désintérêt pour le travail de la terre que beaucoup considèrent, par méconnaissance, comme un sous métier”, fait observer le ministre Abdoulaye Diar.
C’est en dépit de toutes ces contraintes que la campagne agricole 2020-2021 a été lancée officiellement depuis le 13 mai 2020. “Pour la campagne agricole en cours, qu’il s’agisse de la zone soudanienne ou sahélienne, les précipitations utiles se sont installées aux périodes habituelles ; ce qui a permis aux producteurs de s’atteler aux opérations culturales dans les différentes provinces parcourues, même si par la suite, deux séquences sèches ont ponctué la saison, notamment en zone soudanienne, avec des impacts relativement mineurs sur le développement végétatif des plantes.
D’une manière globale, avec la reprise généralisée des pluies à la troisième décade d’août et leur poursuite à ce jour, et l’accalmie observée sur le plan phytosanitaire, grâce au dispositif de prospection, d’identification et d’intervention mis en place par l’Agence nationale de lutte anti acridienne (Anla), nous pouvons logiquement espérer à une récolte bonne, en dépit des inondations survenues, par endroits, dans le Salamat et le Batha Est”, annonce le ministre, qui reconnaît que ces inondations sont certes dommageables pour les cultures, mais offrent aussi de précieuses opportunités pour les cultures de contre saison qui pourraient largement compenser les dégâts occasionnés, particulièrement la culture de “bérébéré” et les cultures maraîchères.
Malheureusement, l’essentiel de la production agricole au Tchad est assurée par les petits producteurs isolés sans encadrement spécialisé.
Alors qu’à la faveur des textes législatifs, beaucoup de groupements et d’organisations des producteurs se sont créés, mais peu dynamiques, parce que pratiquement tous à un stade de balbutiement faute de directives et d’orientations claires devant leur permettre de se fédérer et évoluer, comme souhaité, à des échelons supérieurs.
“En effet, la faiblesse de l’encadrement, l’insuffisance des formations spécifiques pour les outiller afin de mieux comprendre leur raison d’être, de s’organiser, de se fixer des objectifs claires, planifier, mettre en œuvre leurs plans d’actions, suivre et évaluer les résultats obtenus, sont les principaux écueils auxquels ces organisations sont confrontées aujourd’hui. Par ailleurs, la faible bancarisation du milieu limite fortement l’accès au crédit, pourtant capital pour le financement de leurs projets dont les succès inciteraient à la nécessité des regroupements beaucoup plus structurés telles que les coopératives et autres”, reconnaît le ministre Abdoulaye Diar.
Corona et chenille légionnaire
Aussi, faute de recensement général de l’agriculture, il est difficile, à la fois, de connaître ne serait-ce que approximativement le nombre des ménages agricoles du pays, ainsi que leur niveau d’équipement. Situation que confirme le ministre. “L’on se contentera simplement de relever que d’une manière générale, le niveau d’équipement de nos producteurs est, de loin, le plus bas comparé à ceux de la sous-région, car il ne dépasserait guère les 10%”, estime-t-il.
Pour limiter les dégâts de la Covid-19, le gouvernement a pris une batterie de mesures qui ont entraîné un dysfonctionnement dans les chaînes d’approvisionnement, notamment les importations et les exportations.
Les difficultés d’importation n’ont pas permis de pré-positionner, au moment opportun, les équipements et les intrants agricoles, pourtant indispensables dans une option d’intensification et de diversification de l’agriculture. “Cette situation doit nous interpeler sur la nécessité de penser à la constitution des stocks stratégiques d’intrants pour parer à toute éventualité”, interpelle le ministre.
Bien avant le coronavirus, la chenille légionnaire, très redoutable pour les céréales, sévit dans certaines provinces du pays il y a déjà 4 à 5 ans. Faute de moyens de lutte adéquats, elle continue son envahissement, tout en occasionnant des pertes importantes sur les cultures. “Il est plus qu’urgent de contenir sa propagation afin de limiter les pertes sur la production agricole, déjà faible. Comme on le dit, mieux vaut prévenir que guérir, à défaut des produits chimiques systémiques spécifiques, il serait bon d’étudier les alternatives d’intervention à partir des semences; ce qui suppose une disponibilité en quantités suffisantes, et au moment opportun des facteurs de production”, suggère-t-il.
Démographie et sécurité alimentaire
Un des déterminants majeurs de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle au Tchad, c’est aussi la croissance démographique rapide et incontrôlée. Le taux de croissance démographique au Tchad est établi à 3,6% par an et un taux de fécondité élevé de 6,3 enfants par femme. Ce qui fait que la population à nourrir va doubler tous les 20 ans et va continuer à alimenter les différentes formes de précarité et de vulnérabilité auxquelles les populations font face. Pour répondre aux besoins alimentaires des populations tchadiennes, le sous-secteur agricole du Tchad possède d’importantes ressources naturelles et des marges de développement, pour peu que de nombreuses contraintes d’ordre technique, financier et institutionnel auxquelles font face les exploitations familiales qui assurent l’essentiel de la production agricole trouvent des solutions idoines.
Les principaux enjeux et défis pour le sous-secteur agriculture sont de pouvoir mettre en valeur l’important potentiel agricole pour résorber le déficit en produits vivriers, satisfaire les besoins importants des populations et garantir ainsi la souveraineté alimentaire du pays. “Pour relever ces enjeux et défis, le ministère de l’Agriculture a identifié cinq axes prioritaires d’interventions, qui ont été reversés dans le document du Plan national de développement du Tchad dont les actions essentielles à mener portent sur la maîtrise et la gestion de l’eau à travers divers types d’aménagements, l’intensification et la diversification des productions agricoles en facilitant l’accès des producteurs aux principaux facteurs de production, le renforcement du dispositif de prévention et gestion des crises alimentaires, le renforcement des capacités des services d’appui techniques et des Organisations des producteurs et l’appui à la promotion des filières porteuses”, rappelle le ministre Abdoulaye Diar.
En dépit des politiques
Pour lui, l’insécurité alimentaire et nutritionnelle qui compromet la vie de milliers de personnes au Tchad, résulte de la combinaison de plusieurs facteurs, notamment ceux relatifs à la faible disponibilité alimentaire due à la mauvaise performance des systèmes de production, à la faible accessibilité des populations aux denrées alimentaires du fait des prix élevés et de la pauvreté monétaire, à un régime alimentaire déséquilibré, des pratiques non adéquates d’alimentation des nourrissons et du jeune enfant, l’insuffisance de l’accès à l’eau potable, etc.
Face à cette situation, le Tchad s’est engagé dans une démarche multisectorielle. Ce qui a conduit à la mise en place des institutions spécialisées rattachées à des ministères, l’adhésion du gouvernement en fin 2012 à l’initiative de partenariat Reach (Renewed efforts against child hunger), dans une dynamique de coordination de tous les acteurs clés afin de renforcer les activités de nutrition et d’alimentation au pays, y compris le secteur privé, la société civile, les donateurs et le système des Nations unies.
Toutes ces politiques et stratégies et ces plans viennent renforcer l’engagement du gouvernement à conforter les conditions idoines à la mise en œuvre d’interventions multisectorielles pour améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle sur l’étendue du territoire national. Les principales actions sensibles à la nutrition sont également développées dans le cadre de nombreux projets mis en œuvre par les différents départements du ministère.
“C’est ici le lieu de reconnaitre les appuis importants des agences du système des Nations Unies (PAM FAO UNFPA et UNICEF) et l’Union Européenne dont les contributions n’ont jamais fait défaut afin de réduire l’insécurité alimentaire et la malnutrition chronique dans notre pays”, salue Abdoulaye Diar.
Alladoum Leh-Ngarhoulem G.