La Journée de l’enfant africain (Jea) a été célébrée avec faste ce 16 juin. Si le ministère de la Femme, de la famille et de la protection de l’enfance fait mention de plusieurs avancées en faveur de l’enfant, les rapports des Organisations non gouvernementales nationales sont par contre accablants.
S’il faut se contenter de lire les textes et réalisations théoriques en faveur de l’enfant, le Tchad est un exemple en matière de la protection et de la promotion du droit de l’enfant. A titre d’illustration, on peut citer l’institutionnalisation du parlement des enfants pour plaider leur cause, l’adoption en 2015 de la loi interdisant le recrutement des enfants dans les forces armées, la prise en compte du cas spécifique de l’enfant dans le nouveau code de procédures pénales, la ratification de l’ordonnance portant interdiction du mariage des enfants. D’ailleurs, la feuille de route portant interdiction du mariage d’enfant est prise en compte dans le budget de l’Etat, s’est félicitée la ministre de la Femme, de la famille et de la protection de la petite enfance, Amina Priscille Longoh. Des réalisations élogieuses, dirait-on, mais qu’est-ce qui se fait réellement dans la pratique?
Le 16 juin 1996, l’Organisation de l’unité africaine (Oua) désormais Union africaine (Ua) a institué la journée de l’enfant africain en mémoire du massacre des enfants à Soweto (Afrique du sud) qui marchaient pour revendiquer leur droit. Force est de constater que 25 ans après, les enfants continuent à perdre la vie dans les mêmes circonstances au Tchad. Il suffit de lire le rapport du Réseau des associations pour la protection des enfants au Tchad (Reaspet) sur le laps de temps allant du 19 avril au 25 mai 2021 pour comprendre la situation. “Une fille de 14 ans tuée à l’école Belle vue à la suite des bavures policières ; 5 enfants âgés de 7 à 9 ans blessés par balles perdues tirées par les fêtards lors de la proclamation des résultats des élections présidentielles 2021”. Voilà pour le bilan macabre que dresse le rapport. Il fait également état des violations récurrentes des établissements scolaires par les forces de l’ordre. “17 enfants dont l’âge varie de 7 à 13 ans évanouis par suite des gaz lacrymogènes lancés par des agents de forces de l’ordre lors des différentes manifestations organisées par quelques organisations de la société civile et partis politiques; 27 enfants dont l’âge varie de 15 à 17 séquestrés, arrêtés avant d’être libérés plus tard; une fille de 15 ans a reçu une balle à la joue droite perdant ainsi 3 dents”, cite le Reaspet, avant d’ajouter le cas de viol collectif d’une “fille de 15 ans, victime d’un viol collectif par les enfants des personnes haut placées dont la vidéo a fait le tour du monde entier à travers les réseaux sociaux, sapant les us et coutumes de la société”. Il faut ajouter à ce sombre tableau, des cas de violations de droit de l’enfant dans les quartiers. En 2018, le Reaspet rapporte qu’un homme en complicité avec sa femme a brûlé la main de sa fille pour avoir mangé du riz non cuit; une autre dame a abandonné son enfant de 3 ans à un gérant d’un bar en échange de 4 bières ou encore le cas d’un député du Kanem qui s’est marié à une fille de 14 ans et d’un enfant de 13 ans vendu par son père à Maïlao dans le Chari-Baguirmi à 13 000 francs CFA.
Que dire des arrêts intempestifs des cours pendant les années scolaires! Rien que pour l’année scolaire 2020-2021, les cours ont connu plusieurs arrêts allant de 3 jours à un mois soit suite à l’inondation, au confinement, aux grèves de la Plateforme syndicale revendicative ou encore à des grèves de protestations du Syndicat des enseignants du Tchad (Set) contre les violations des établissements scolaires par les forces de l’ordre. Ces multiples arrêts de cours sont assimilés aux violations du droit de l’enfant car ils le privent de son droit à une bonne éducation.
L’interdiction de recrutement des mineurs dans les forces de défense est loin d’être mise en pratique. L’on se souvient encore de la présence des mineurs parmi les rebelles du Fact (Front pour l’alternance et la concorde au Tchad) faits prisonniers lors de leur présentation il y a plus d’un mois. Le gouvernement dira peut-être que les rebelles sont des hors-la-loi. Mais lui-même est en train de recruter à la Dgssie (Direction générale de service de sécurité des institutions de l’Etat) sans aucune pièce d’identité tout en sachant qu’il y a de forte chance que les mineurs glissent parmi les nouvelles recrues. Ces enfants soldats, qui ne se cachent pas d’arborer ostentatoirement la tenue militaire, se promènent à N’Djaména au vu et au su de tous.
Lanka Daba Armel