Les jeunes et la politique: quand Masra fait peur!

Ils sont légion, ces jeunes stagiaires de la Fondation Grand Cœur appelés au gouvernement. Beaucoup  sont de vilains merles des réseaux sociaux. N’oublions pas qu’une répartition des rôles a confié l’armée au président de la République et la guerre sans merci aux leaders politiques de l’opposition au secrétaire général du Mps et l’envahissement de la toile aux jeunes du pouvoir.

Le régime, sur la défensive, sonne le tocsin. Ces jeunes, appelés à la rescousse, ne sont pas des militants. La fonction qui leur est assignée, c’est d’être des ministres pour polluer les réseaux sociaux. Masra et sa bande de jeunets y recrutent et tiennent la dragée haute à Idriss Déby Itno (IDI). A terre, on fait appel aux terroristes armés. Le ciel doit être occupé par des mercenaires idéologiques. Là-haut, la menace du Famas est inefficace. Et le temps presse. Les élections de la conservation du pouvoir approchent.

La mobilisation des jeunes contre les intellos des Transformateurs est une étape pour capter le vote de la jeunesse. IDI ne fait rien de gratuit et d’innocent. C’est le lion et le renard de Machiavel. L’entrée massive des jeunes en politique est un défi et un enjeu de taille. Mais faut-il bien comprendre la question: qui est jeune?

Donnons sens à ce mot pour comprendre, en effet, l’enjeu qu’il cache. Et si la lutte contre IDI en vaut la chandelle, alors les jeunes doivent se draper de tee-shirts “Nous sommes MASRA!” Car l’écho du jeune politicien dépasse toutes les barrières. Est donc jeune celle ou celui qui a l’âge de transition entre l’adolescent et l’adulte. Les statistiques, non dénuées de critiques, disent qu’entre 15 et 25 ans l’on est jeune. Cette franche de la population de notre pays serait environ 60 à 70%, donc la plus grande composante  de la société d’ici à 2030.

Manifestement, les djidos et autres rombières aux paupières fatiguées ne sont plus de ce monde. Pourquoi tiennent-ils tant à être des jeunes? C’est une question de libido que l’on ne saurait expliquer.

En effet, des caractéristiques rythment la jeunesse. Est jeune, qui est non-reproductif mais en préparation. Il est en formation, à l’école. Mâle, il a une grande quantité de testostérone et est porté vers l’hédonisme. Le jeune manifeste un comportement sexuel mâle et est porté vers la violence. Cette violence potentielle l’expose à un risque de récupération par des acteurs de tout acabit. Etre jeune, c’est avoir l’âge de l’affirmation de soi.

Celui qui a fait des études, a appris un métier. C’est un âge de croissance, âge de compétition où l’on dépense beaucoup d’énergie et on imite ses égaux, les autres.  C’est à cet âge que l’on est en contact avec beaucoup d’attentes: politiques, économiques, sociales, religieuses, et culturelles. C’est aussi l’âge de tous les dangers parce que le jeune cherche son identité. Il veut faire ses preuves. C’est en cela  que les jeunes  sont facteurs de risque et de conflit. A ce sujet, les sociologues et les éducateurs ont des arguments. Par rapport au niveau de risque qu’un jeune peut prendre pour atteindre un objectif, une année d’éducation réduit de 5% le risque, une formation complète plus un emploi réduit le risque de 40%. Dans un Etat démocratique le risque est réduit de 60%; dans un Etat de ni démocratie et ni dictature, c’est-à-dire semi-démocratique, le risque est plus dangereux qu’une dictature. On pense que l’éducation rend conscient un être humain. L’individu éduqué connaît ses droits et ses devoirs. Il est de nature protestataire.

Ces généralités permettent de cerner de plus prés les jeunes tchadiens. D’abord entre 15 et 25 ans, nos jeunes sont en majorité analphabètes et ignorants. Dans le monde rural, leur éducation se résume à l’assimilation des us et coutumes et à la défense de la tradition. Ils sont loin de la modernité. En ville comme dans les terroirs, les jeunes vivent  l’exclusion. Ils n’ont pas accès à la terre, à l’emploi, à l’éducation. Dans les cités urbaines, ils vivent les contraintes de la promiscuité. Ils sont entassés dans des chambres exigües, insalubres et sombres. Ils n’ont pas de terrain de jeux, de sports, cloitrés dans des enclos-prisons sans accès à des espaces verts. Les jeunes n’ont pas des lieux ni les moyens d’expression de leur intimité.

En proie à tous les discours, toutes les images, toutes les pratiques, les jeunes ne sont pas eux-mêmes. Ils vivent l’aliénation. C’est ainsi qu’ils sont facilement poussés à l’action par des discours. Comme ils ne sont pas éduqués, ils sont vulnérables. Copiant des exemples d’une société de corruption, d’impunité, et où l’Etat est, les jeunes sont dans la facilité, les trafics, les divers recrutements et les mœurs contre valeurs. L’homosexualité est par exemple en hausse malgré les pesanteurs religieuses et socioculturelles. Ceux qui, grâce aux médias, se posent des questions sur les riches du pays, le bien-être et les inégalités sont poussées vers la contestation voire vers les rebellions. Echappant à tout contrôle des carcans familiaux et coutumiers, ils peuvent être recrutés comme coursiers pour la drogue, guides pour les trafics humains et autres; ils sont de la chair à canon pour des causes lointaines (une année clef en main). Ils sont des livreurs pour les trafics d’armes, des porteurs de valisettes pour le blanchissement d’argent etc. Quelle misère! Sombre tableau pour notre jeunesse. Elle estime à juste titre qu’elle est la cause perdue du développement du Tchad, la victime expiatoire de l’exploitation de notre pétrole

Elle est, en effet, une majorité, mais une majorité exclue. Dans cette situation, les femmes sont les exclues des exclus, à cause du rapport de force économique et politique défavorable, des préjugés socioculturels archaïques persistants et la vulnérabilité de la femme, sujette à l’exploitation des hommes.

Au vu de cette situation, on peut dire haut et fort que la jeunesse tchadienne est vulnérable. Elle est un danger potentiel mais les jeunes, eux-mêmes, n’en sont pas conscients. Eduquée, la jeunesse est le levier du développement. Manifestement, la jeunesse tchadienne vient de loin. Elle voit le jour pendant et après la guerre civile de 1979. Arrivée qui marque le sommet d’une crise politique nationale, moment de la rupture, de la cassure du pays et de la nation. C’est donc une jeunesse meurtrie, divisée fractionnée, enfermée dans des ghettos tribaux et claniques. Elle a besoin d’être ressoudée, réconciliée avec elle-même. Elle vit la crise économique dans un pays en proie à tous les problèmes avec un Etat faible et un pouvoir autoritaire. Elle est désorientée et abusée. Elle a besoin de repères et d’éducation. On ne saurait expliquer en des termes positifs à une telle jeunesse ce que c’est que la politique. Elle la vit de manière négative, bref tout ce qui provoque dégout et rejet des hommes qui gouvernent ou qui prétendent accéder au pouvoir. Pour elle, la politique c’est l’injustice, la répression, les inégalités, la pauvreté, les discriminations, l’insécurité, les crimes, les assassinats de masse. C’est en cela que l’engagement pour un Etat démocratique et de droit est un bienfait pour la population. Car la démocratie est la société des égaux en droits. C’est “une forme de société”, une façon de vivre ensemble  où chacun possède un même droit au respect, à l’autonomie et à la participation. Or polis, c’est la cité. Faire la politique, c’est participer à la gestion de la cité. Cette dernière peut être un carré, un quartier, un arrondissement, une ville, une région, une partie d’un pays ou le pays tout entier. Ce pays doit promouvoir une façon de vivre ensemble où l’égalité de droit et le rejet des privilèges soient de règle, pour que chacun soit égal en respect et en dignité. Personne ne doit être dépendant et esclave de l’autre. Il n’y a pas de société sans institutions et pas d’institutions sans règles. Les institutions sont des réalités humaines forgées autour des règles communes, permettant de se comprendre, de coopérer, d’agir en commun. Sans règle de jeu, aucun match de foot ne serait possible; sans code de la  route, la circulation automobile serait presque impossible; sans la monnaie représentant une valeur conventionnelle donnée, aucun commerce développé ne pourrait exister. Les règles sont un élément déterminant de la vie sociale.

Nous vivons dans un Etat sans règles où prévaut la loi de la jungle. Il est temps que les jeunes s’engagent. Leur avenir est en jeu. Faire de la politique est un droit. Jeunes, faites de la bonne politique comme Masra. N’ayez pas peur! Cabri mort ne craint pas couteau, dit un proverbe ivoirien. Il n’y a rien à perdre. En effet, pauvres les jeunes le sont. Sans travail, sans revenus, ils sont malgré la trentaine à la charge des parents. Ils sont à l’affut de toutes les opportunités. Si le diable recrutait, ils formeraient la légion. Barrez la route à l’injustice, à la forfaiture et à l’imposture! Construisez un autre Tchad, un Tchad nouveau pour tous ces peuples avec leurs langues, leurs cultures et leurs religions! Bref un Tchad ARC-EN CIEL. Rêvez grand! Car la liberté et le bonheur sont possibles. Il faut juste s’engager et lutter. Seule la lutte libère.

Gali Ngothé Gata, Député