Les politiques se disputent la jeunesse

Dans une rendue publiée le 29 août 2020, le président national du parti Union des démocrates pour le développement et le progrès (Udp), Max Kemkoye, dresse un tableau sombre de la situation des jeunes tchadiens et les appelle à s’engager en politique en vue de lutter pour un avenir meilleur.

Pour qui sait lire l’actualité politique au Tchad, tout indique que la jeunesse tchadienne est devenue un véritable objet de dispute des politiques ces derniers temps. Dans le sillage de l’appel des jeunes au gouvernement du 14 juillet 2020 (un appel qui ressemble bien à un appât lancé à l’endroit de la jeunesse dans son ensemble, frange importante de la population nationale, en vue des futures échéances électorales), des appels aussi pressants les uns après les autres sont lancés à l’endroit des jeunes pour leur engagement en politique. Après les Transformateurs, c’est le président de l’Udp qui ne s’est pas fait prier. Max Kemkoye y est allé à sa manière. Le samedi 29 dernier, au siège de son parti sis au quartier Moursal, il s’est fendu d’une missive de quatre pages au style tranchant, adressée à la jeunesse tchadienne. Dans ce document, il n’est pas passé par quatre chemins pour brosser un sombre tableau de l’état dans lequel vit la jeunesse. D’entrée de jeu, le président de l’Udp affirme qu’après une longue réflexion et analyse sur l’étiologie de toutes les politiques depuis trente ans, il conclut par une situation sans appel : “celle d’un futur définitivement compromis, à la limite plié”.

Poursuivant son analyse, il lâche à l’endroit des jeunes tchadiens : “Frères et sœurs, vous êtes des milliers à obtenir chaque année le baccalauréat et des centaines à franchir nos frontières, non pas avec les bourses de l’Etat réservées à certains privilégiés ou en faire partie malgré vos capacités, relève de la croix et la bannière. Et vous êtes contraints de franchir ces frontières avec les maigres ressources de vos parents, parfois obligés de sacrifier une partie de leurs intenables salaires, sinon vendre le bétail, concession, récoltes… ou de vous-mêmes, sur vos propres économies en vendant vos biens propres ou vos héritages, pour aller chercher des connaissances, faute de structures universitaires ou écoles de formation supérieures spécialisées adéquates, répondants aux enjeux et besoins du marché de l’emploi (…) Vous êtes des centaines à vous inscrire dans nos universités dépourvues de moyens avec des conditions d’études exécrables. Tout ça, à l’arrivée pour ne rien faire”.  Et comme si cette situation lamentable dans laquelle vivent les jeunes tchadiens ne suffisait pas, les opportunités d’emploi dans le secteur privé s’amenuisent un peu plus chaque jour. A l’arrivée, constate Max Kemkoye, “ceci vous amène à vous verser si ce n’est, dans les activités d’appoint au péril de vos vies (clandos, fabrication de briques, vacations, préceptorats, gardiennage, lavage des véhicules, revendeurs de friperies et divers articles, cireurs de chaussures (…). Il y en a encore, et des dizaines qui, sur le banc de l’école, sont devenus des proies pour les réseaux bien établis et connus dans les trafics d’enfants qui les considèrent comme des bêtes de somme qu’on traque, enlève et fait prisonniers contre rançon sans que cela n’émeuve le pouvoir en place, pendant que certains sont pris dans l’étau de l’esclavage domestique, ce contre les lois et conventions (…). D’autres, en désespoir de cause, choisissent les métiers des armes ou la rébellion armée, non pas par vocation, mais par contraintes sociales ou à cause de l’injustice et se trouvent dans une spirale infernale où leur cœur est rarement à l’ouvrage”.

De ce qui précède, il ressort que cette situation est savamment orchestrée par le régime en place “pour vous endormir et vous engager dans des choses et débats futiles et stériles à l’effet de ne pas vous préoccuper du pouvoir et de la politique et les laisser gouverner tranquillement et disposer pour eux et eux seuls de toutes le ressources nationales : pétrole, or, ciment, argent, institutions administratives, politiques, appareil sécuritaire ainsi que toutes les entreprises étatiques et paraétatiques”, relève Max Kemkoye.

Pour le leader de l’Udp, le problème auquel fait face la jeunesse tchadienne est le fait d’un parti (le Mps), d’un système d’oppression, d’accaparement et d’exclusion. C’est le problème fondamental d’un homme: “Idriss Déby Itno, obnubilé par les titres et la gloire pour lesquels il a mis tout en œuvre, y compris sacrifié le pays sans compter le commerce de la guerre, la soumission des institutions et des hommes qui les dirigent, pour assouvir ses désirs de gloire”, martèle-t-il.

C’est pourquoi, Max Kemkoye demande à la jeunesse de refuser la résignation et à s’engager en politique à travers des structures politiques ou individuellement pour inverser la tendance actuelle et promouvoir un avenir bien meilleur.

Mais à l’allure où les appels, les clins d’œil et les dragues à travers les nominations des jeunes à des postes de responsabilité au gouvernement et dans l’administration publique par le landerneau politique se multiplient, l’on a fort à parier que celui qui a la jeunesse s’en sortira nettement mieux aux futures échéances électorales.

Togmal David