Les œuvres universitaires, quel gâchis!

Depuis cinq ans, le Centre national des œuvres universitaires (Cnou) est devenu une coquille vide, qui n’arrive pas à assurer le transport et la restauration des étudiants tchadiens. Et pourtant…

En dehors de la bourse des étudiants de la faculté de médecine, le Cnou ne paye plus de bourses d’études depuis octobre 2016. Alors que la création de cette institution participe de l’engagement du Tchad dans la réalisation des grands chantiers de développement parmi lesquels, la création de plusieurs universités, instituts universitaires et écoles normales supérieures, pour soulager les conditions d’études. A part l’université de N’Djaména, il y a sept autres universités, sept instituts universitaires et quatre écoles normales supérieures, repartis dans les grandes villes à l’intérieur du pays. Tout cela pour faire face au nombre de plus en plus croissant des jeunes tchadiens en soif du savoir. Face à cette réalité, il fallait avoir une structure de gestion de tout ce qui est œuvre universitaire pour enfin offrir des conditions d’études plus acceptables  en vue de limiter les déplacements massifs des jeunes tchadiens vers d’autres horizons, à la recherche de connaissances. C’est ainsi que le Cnou a été créé en 2008, mais prend forme véritablement en 2011. Ses principales missions : assurer le transport, la restauration, les bourses des étudiants. C’est le strict minimum pour répondre aux conditions d’études déjà très précaires dans les facultés de nos universités, qui ont pour conséquences de très longues grèves causant des années élastiques, dommageables dans le fonctionnement de celles-ci.

La belle époque

Mais l’heure de gloire du Cnou n’aura  été que d’une très courte durée, entre 2012 à fin 2014. La mise en mouvement des bus qui transportent les étudiants, le paiement à échéance des bourses d’études, des restaurants universitaires ouverts, etc. A cette période, le soleil “brillait à midi” dans les structures publiques de formation. Mais c’était sans savoir que le pire se cache dans les coins des amphithéâtres. Tous les étudiants sont devenus nostalgiques de la bourse mensuelle de 30 mille francs, du repas de qualité qu’on servait du matin au soir dans leurs restaurants et surtout du transport dans des bus encore climatisés qui force l’admiration des populations aux passages rythmés des étudiants. Les parents avaient estimé qu’il ne fallait pas envoyer les enfants étudier ailleurs, puisque les conditions d’études étaient plus ou moins acceptables sur place. C’est ainsi que dès 2012, le nombre d’étudiants va augmenter. A cette date, les données fournies par le Cnou dénombrent 26 000 étudiants sur l’ensemble du territoire couvert par le réseau universitaire. En 2018, ils étaient 41 000 et aujourd’hui à plus de 54 000 étudiants. C’est face à cette évolution que le Cnou va afficher son incapacité, ses limites et les universités, instituts et écoles normales supérieures tchadiens vont redescendre aux enfers. Il y aura alors un divorce entre les étudiants et le Cnou qui ne peut plus offrir ne serait-ce qu’un verre d’eau dans ses restaurants implantés un peu partout sur les sites universitaires.

Les étudiants sacrifiés 

A cet effectif évolutif des étudiants, les missions du Cnou s’accroissent, et l’institution est devenue l’ombre de lui-même à partir de 2016, période à laquelle le pays est confronté à une crise économique et financière qui a amené le gouvernement à prendre des mesures très sévères. Durant ce marasme économique dont les conséquences ont été lourdes pour le Cnou, ce sont les étudiants qui seront sacrifiés avant tout le monde. Le 31 octobre 2016, le gouvernement tchadien à travers le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation annonçait la suppression de la bourse des étudiants qui était de 30. 000 francs le mois. Le Cnou n’accorde désormais la bourse qu’aux étudiants de la faculté de médecine de N’Djaména et d’Abéché. Malgré les justifications des responsables en charge de l’enseignement supérieur, ce fut un bras-de-fer entre ceux-ci et les autres étudiants écartés de cette manne estudiantine. “La bourse est source d’injustice sociale, car il y a 55 000 étudiants au Tchad et seulement 18 000 sont boursiers ; la nécessité de régler les inégalités sociales, l’incapacité du gouvernement à supporter la bourse des étudiants, la crise économique, le désir d’uniformiser la situation des étudiants tchadiens à celle de la sous-région”, telles étaient les raisons avancées par le ministère aux responsables de l’Union nationale des étudiants tchadiens (Unet). Après avoir examiné toutes ces raisons, les représentants des différentes sections avaient conclu que cette suppression de la bourse était inopportune, compte tenu des réalités quotidiennes que vivent les étudiants.  Ils avaient exigé l’annulation de la décision, mais c’est peine perdue. L’ancien ministre de l’enseignement supérieur Makaye Hassan Taisso avait, lui, levé l’équivoque que les bourses n’étaient pas supprimées, mais plutôt reversées dans les œuvres universitaires. Mais depuis 2016, les œuvres universitaires en question sont inexistantes : le restaurant moderne de Toukra par exemple reste fermé, les bus en nombre insuffisant sont devenus des cercueils ambulants, pas de bibliothèque, pas de centre de santé, etc.

Que devient Cnou?

Le Cnou n’a pas la capacité de satisfaire les besoins des étudiants qui ne veulent juste que le transport, la restauration et l’Internet. Cela a été la cause de plusieurs manifestations des étudiants, perturbant chaque fois les activités académiques dans les universités. A l’université de N’Djaména où l’on dénombre plus de 17 000 étudiants, la situation est intenable. On se souvient encore d’une manifestation remarquable des étudiants, et pour une fois, encadrée sans incident par les agents du Groupement mobile d’intervention de la police (Gmip). Cette manifestation du 19 février 2020 sur l’avenue Jacques Nadingar jusqu’à la faculté d’Ardep-Djoumal est un ras-le-bol des étudiants exprimé à l’endroit des autorités du Cnou. Ce jour-là, les bus n’arrivent pas à temps dans les points de ramassage.  Actuellement, le Cnou est presqu’aux arrêts. Ses problèmes ne sont pas seulement d’ordre académique. Selon les informations qui nous parviennent de la direction de cette institution,  le Cnou n’est pas un bon client vis-à-vis de ses partenaires. Les fournisseurs et les partenaires sont à bout de souffle et le considèrent désormais comme un mauvais payeur. Il doit beaucoup à ses fournisseurs et tant qu’il ne règle pas ses dettes, la situation va davantage se détériorer. Certaines langues réclament même l’envoie de  l’Inspection générale d’Etat au Cnou pour situer les choses, car des pratiques malsaines et égoïstes se vivent là-bas. Comme quoi, le Cnou serait un creuset des détournements. Mais après tout, ce sont les enfants des pauvres qui sont victimes.

Nadjidoumdé D. Florent