Cinq Organisations de la société civile (Osc) exigent le report de la présidentielle du 11 avril prochain et l’organisation d’un dialogue inclusif dans un délai de deux mois.
Ce dialogue, selon elles, aboutira à la mise en place d’un gouvernement de transition dont le mandat sera l’organisation des élections crédibles dans un délai de 18 mois. Elles demandent également le rétablissement de la Constitution de 1996. Et à la communauté internationale (France, Union européenne, Etats-Unis, Allemagne, Union africaine, Suisse, …),“d’arrêter d’apporter leurs soutiens à ce régime totalitaire, sanguinaire et indélicat”.
Pour arriver à ces exigences, ces organisations de la société civile mettent en avant plusieurs arguments. Pour elles, les élections présidentielles de 1996, 2001, 2006, 2011, 2016 n’ont ni apporté l’alternance au sommet de l’Etat, ni un changement de projet de société. En 30 ans de règne, le Mouvement patriotique du salut (Mps) a plutôt créé des monstres, rendant impossible la bonne gouvernance, disent-elles. Des monstres qu’elles ont classés en six catégories.
Violation des droits humains et impunité
Les Osc dénoncent avec véhémence l’interdiction systématique des manifestations pacifiques de leurs leaders et de ceux des partis politiques de l’opposition, constamment filés par l’Ans, la coupure intempestive des réseaux (chaque fois qu’il y a appel à manifestation), la confiscation des médias publics par le régime Mps, … “Les éléments des forces de défense et de sécurité, auteurs des violations des droits humains ne sont jamais inquiétés et même s’ils sont jugés, pour la plupart, ne purgent jamais leur peine”, rappelle Me Kemneloum Djiraïbé Delphine. Sont cités comme exemple, les cas du jeune de 17 ans, Abachou Hassan Ousmane, abattu en 2016 par la police, de la demoiselle Zouhoura, victime de viol, Richard Mbaïguedem torturé à mort au commissariat du 6ème arrondissement et Matayan Matebaye Bonheur, fauché par la garde du président de la l’Assemblée nationale, Haroun Kabadi, en 2019.
Gestion clanique du pouvoir
“Tout se passe comme si le pays est le patrimoine de Idriss Déby Itno. Il a déclaré qu’en dehors de lui, personne ne peut gérer le pouvoir. Comme preuve, des Tchadiens qui ont osé créer des partis politiques ont payé de leurs vies”. Les exemples sont l’assassinat de Guehini Moussa Guetty, leader politique du nord, Abbas Koty et Bichara Digui, accusés de rébellion urbaine puis assassinés. Quant à Youssouf Togoïmi, sa voiture aurait sauté sur une mine lors de sa fuite et Ibni Oumar Mahamat Saleh porté disparu depuis 2008 alors qu’il était porte-parole de l’opposition.
Les injustices sociales aux relents ethnique et religieux
“Il faut être de la famille d’Idriss Déby Itno et de son clan pour prétendre à un poste juteux. Les miettes sont laissées aux courtisans, “intellectuels” majoritairement du sud. Les revenus du pétrole servent uniquement à enrichir la classe au pouvoir, à l’achat des armes et à renforcer la capacité de nuisance de Déby Itno”, constatent les Osc.
Les intouchables
Selon ces Osc, les familles du président de la République et de la 1ère dame jouissent d’une impunité et ont droit de vie et de mort sur les autres citoyens. Le cas de l’actuel trésorier de la Céni, Adam Noki Charfadine, qui a tiré sur un avocat en 2018 quand il était gouverneur à Doba.
Une injustice instrumentalisée et aux ordres
Ici, ce sont les incursions de l’exécutif dans le judicaire qui sont dénoncées. Pour les Osc, la justice n’est utilisée que pour traquer les faibles, les leaders de l’opposition politique et de la société civile.
Une armée à la solde d’Idi
L’armée à la solde d’Idi, qui n’hésite pas à tirer sur la population. Cette armée a plus d’officiers supérieurs que de soldats. Des officiers supérieurs, majoritairement de la province du chef de l’Etat, l’Ennedi, selon les Osc qui rajoutent qu’en plus, les soldats ne sont pas libres d’exprimer leurs voix dans l’urne. L’illustration parfaite est celle de la disparition de 40 soldats qui ont voté contre Déby Itno lors de la présidentielle de 2016. De ce qui précède, ces organisations estiment que les raisons des soutiens de la France et de l’Union européenne au régime de Déby afin de sécuriser le Sahel ne se justifient plus.
Ont signé cette déclaration, Me Djiraïbé Delphine du Public interest law center (Pilc), Mme Ildjima Lokiam de l’Association tchadienne pour la promotion des droits de l’homme (Atpdh), Mme Narmadji Céline de l’Association des femmes pour le développement et de la culture de paix au Tchad (Afdcpt), Ngarassal Saham Jacques de Tournons la page (Tlp), Layibé Tourdjoumane de Droits l’homme sans frontière (Dhsf) et Me Jacqueline Moudeïna.
L’appel à la Cpi
Parallèlement à ce qui précède, les coalitions de l’Afrique francophone pour la Cour pénale internationale (Cpi) exhortent la procureur de la Cpi à “lancer un appel fort aux autorités tchadiennes afin de les dissuader à la commission des crimes graves et ainsi éviter les risques des conflits généralisés”, écrivent-elles. Cette exhortation fait suite à la répression violente des manifestations, de l’attaque du domicile de Yaya Dillo, du désistement de certains candidats à la présidentielle et du refus de président Déby de reporter la présidentielle. C’est une déclaration commune des coalitions du Burundi, de la Centrafrique, de la Guinée, de la Côte d’ivoire, du Mali, du Maroc, de la Rdc et du Tchad.
Lanka daba Armel