La Ligue tchadienne des droits de l’homme (Ltdh) a tenu du 23 au 25 janvier dernier, son 9ème congrès ordinaire. L’Etat des lieux des droits de l’homme et la situation des défenseurs des droits humains ont été au centre des échanges.
La plus récente violation en matière des droits de l’homme qui marque les esprits est l’assassinat de Mateyan Manayel Bonheur en novembre 2019 par la garde rapprochée du président de l’Assemblée nationale, Haroun Kabadi. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
Dans sa leçon inaugurale au congrès, le directeur général du Cefod, Ludovic Lado a relevé que beaucoup de rapports font mention des cas de violation des droits par l’Etat à travers ses institutions. La police, la gendarmerie, l’armée, la douane, la prison, etc. sont citées régulièrement dans les cas de violation de droit de l’homme. Ludovic Lado explique que “dans la plupart des Etats qui violent les droits de l’homme, les deux libertés fondamentales les plus compromises sont, la liberté de manifester et la liberté de presse. Or ces libertés sont les deux principaux outils de lutte pour les droits de l’homme dans les Etats de droit”.
Le rapport 2018 sur la situation des droits de l’homme au Tchad pointe du doigt, le ministère de l’Administration du territoire, de la sécurité publique et de la gouvernance locale qui “interdit toutes les manifestations, même pacifiques, tendant à dénoncer la situation sociale du pays et la mal gouvernance. Plusieurs manifestations ont été violemment réprimées, avec usage excessif de la force faisant ainsi plusieurs morts et blessés». En plus, les pays violateurs des droits de l’homme prennent en otage l’appareil judicaire. Plus récent encore, en octobre dernier, le Syndicat des magistrats tchadiens a dénoncé l’injonction de certaines autorités administratives dans les affaires judicaires pour libérer les leurs, perpétuant ainsi l’impunité et par ricochet, les violations des droits humains. Il ne faut pas non plus oublier la persistance des conflits intercommunautaires et agriculteurs-éleveurs qui impliquent le plus souvent des autorités administratives.
Au lendemain du Forum national inclusif, le président de la République a pris quelques ordonnances en vue de restreindre la liberté des organisations de défense des droits de l’homme (Odh) qui ont estimé que le pouvoir en place s’illustre dans un recul par rapport au respect des libertés fondamentales. Pour illustration, les Organisations de défense des droits humains considèrent comme liberticides les ordonnances relatives à la mise en place de la Haute autorité des médias et de l’audiovisuel (Hama), au régime des associations, à la charte des partis politiques et au statut des Organisations non gouvernementales.
Ne pas confondre élections et démocratie. Le directeur général du Cefod trouve paradoxal, tout ce qui est précité dans un pays qui se veut respectueux des droits de l’homme et surtout démocratique. En Afrique et particulièrement en Afrique centrale, les dirigeants croient appliquer la démocratie en organisant les élections, or éclaire-t-il, “une société démocratique est une société où on respecte les droits de l’homme, et non une société où on organise les élections dites démocratiques tout le temps. Un Etat démocratique, insiste-t-il, est d’abord un Etat de droit, et les élections sont là uniquement pour donner à chaque citoyen l’opportunité d’exercer certains de ses droits civiques et politiques”. Ludovic Lado rdélore qu’en Afrique, les élections dites démocratiques soient plutôt devenues des occasions de violation de droit de l’homme.
La Ltdh a choisi comme thème de son 9ème congrès, “la Ltdh, entre militantisme et professionnalisme engagé face aux défis actuels des droits de l’homme”. Réfléchissant sur ce thème, le conférencier indique que le défi actuel des Odh est de savoir comment lutter pour les droits de l’homme en situation de restriction et de répression des libertés fondamentales. Pour le directeur du Cefod, il est clair que les pays non respectueux des libertés “n’aiment pas les militants des droits de l’homme”. Ce qui fait qu’être militant de droit de l’homme dans de tels pays demeure, pour le moins, dangereux. Cette analyse vient corroborer l’arrestation du secrétaire général de la Convention tchadienne des droits de l’homme, Mahamat Nour Ibedou le 3 décembre dernier. Ludovic Lado rajoute que l’Etat l’utilise l’argent pour faire la cacophonie entre les organisations de défense des droits de l’homme. Il conseille aux Odh de résister à l’appât de l’argent et à avoir des compétences professionnelles sur les sujets qu’elles abordent. Il les exhorte à s’intéresser également au secteur privé car l’Etat n’est pas le seul violateur des droits de l’homme.
Lanka Daba Armel, stagiaire