L’ire des éternels assistés

Un regroupement spontané dénommé Collectif des artistes tchadiens en colère, a organisé un point de presse debout, le 14 janvier 2022 à l’Espace culturel Talino Manu.

L’objet est d’exprimer le ras-le-bol des artistes face à la mauvaise gestion de leurs intérêts par le ministère de tutelle et ses démembrements, et la spoliation de leurs droits d’artiste, fulminent-ils. Ils sont donc en colère contre le non financement de leurs activités par le ministère de tutelle depuis plus de 10 ans ; contre le Bureau tchadien du droit d’auteur (Butdra) dont l’administration gère très mal les redevances et octroie des droits d’auteur médiocres aux artistes sociétaires ; contre les multinationales installées au Tchad qui accordent plus d’importance aux financements des artistes étrangers au détriment des artistes tchadiens ; et en colère, parce que leur condition de vie ne change pas et devient de jour en jour misérable.

Une colère justifiée par un certain nombre de griefs : le ministère en charge des arts et de la culture ne finance aucun projet d’artistes faute de budget conséquent, mais paye des salaires aux fonctionnaires au lieu d’œuvrer pour le développement de la culture et de l’art ; l’Office national de promotion du tourisme, de l’artisanat et des arts (Onpta) s’occupe plus du tourisme et semble n’exister que pour organiser deux événements le Festival international des cultures sahariennes (Ficsa) et le festival Dary au mépris des artistes locaux. Le Bureau tchadien du droit d’auteur créé par la loi N°005 de 2003, portant protection du droit d’auteur, des droits voisins et des expressions du folklore, existe depuis 19 ans. Malheureusement, il est très mal géré, puisque les œuvres des artistes sont consommées chaque jour, et pourtant, ils vivent très mal ; certains meurent en laissant leurs familles dans un désespoir insultant.

“Aux yeux du monde, l’artiste tchadien passe pour un mendiant, un éternel assisté, incapable de produire, de nourrir ou de soigner sa famille”, font-ils remarquer. Ainsi, le Collectif des artistes en colère ne veut plus désormais d’un ministère qui n’a rien à lui offrir. Il demande une autre entité pour assurer la promotion des arts et de la culture en lieu et place de l’Onpta, et la mise en place d’un autre mécanisme de perception et collecte des redevances des droits d’auteur au regard de l’inefficacité et de la mauvaise gestion du Butdra.

Le Pcmt sollicité à la rescousse

“Nous exigeons un budget conséquent pour la promotion de l’artiste tchadien et l’accélération de la mise en place d’une politique culturelle qui mette en priorité la prise en charge des artistes locaux par les multinationales (firmes nationales et internationales) exerçant sur le territoire tchadien ; nous réclamons le détachement du Bureau tchadien du droit d’auteur (Butdra) de la Maison des patrimoines culturels du Tchad et la révision des textes le régissant. Nous plaidons à l’urgence pour que le gouvernement intervienne, afin d’accélérer le processus d’adoption du statut de l’artiste tchadien en cours ; nous exigeons l’accélération du processus de mise en place du fonds d’appui à la création artistique, en instance au ministère de la Culture et de la promotion de la diversité ; nous réclamons la mise sur pied d’un mécanisme permettant d’accéder aux ressources disponibles par le biais de la représentation nationale de l’Unesco  qui valide ou envoie les projets au siège ; et exigeons l’implication des artistes dans les instances de décisions et dans le dialogue national inclusif à venir”, adressent les artistes comme doléances au Président du conseil militaire de transition. Et par cette adresse au premier responsable de la République, les artistes entendent marquer leur volonté commune d’agir contre tout comportement visant à faire mourir le travailleur des arts et de la culture au Tchad. Une première sortie d’une série d’actions, qu’ils entendent mener pour entrer dans leurs droits.                                                                                                   

Roy Moussa