Parce que c’est une institution inopérationnelle, a conclu le gouvernement pour justifier sa dissolution à travers un projet de loi, soumis aux conseillers nationaux, qui l’ont adopté le 24 septembre 2024 par 126 voix pour, 28 contre et 12 abstentions.
Aujourd’hui, l’on comprend mieux pourquoi le sport au Tchad ne marche pas, et la jeunesse continue de connaître un désœuvrement sans précédent. A travers les débats lors de la plénière consacré à ce projet de loi, les questionnements et interrogations qui sont toujours restés en suspens sont levés.
L’Onajes est enterré avec un passif de 20 milliards francs CFA dont 14 milliards de dettes bancaires. Pour rappel, l’Onajes créé en 2016 par ordonnance n°05 du 15 septembre, est né de la fusion de trois organismes sous tutelle du ministère, notamment le Fonds national d’appui à la jeunesse, le Fonds national de développement des sports et l’Office national d’appui aux sports. Avec pour mission de “soutenir les initiatives des jeunes pouvant contribuer à leur réinsertion socioéconomique et professionnel ; promouvoir le sport à la base et rechercher des ressources financières extrabudgétaires, parafiscales et privées pour financer les initiatives des jeunes et le sport, en collaboration avec le ministère des Finances ; et assurer le suivi technique, la gestion et l’entretien des stades et autres structures sur le territoire national”. Les ressources fiscales dédiées à l’Onajes proviennent des fonds collectés sur les sociétés de téléphonie mobile (Airtel et Moov) dont les prélèvements automatiques sont taxés à 1 franc sur les appels téléphoniques, le prélèvement de 20% sur les sommes engagées sur le Pari mutuel urbain (Pmu), 10 francs CFA par bouteille d’alcool sur les brasseries du Tchad (Bdt) et 10 francs CFA par paquet de cigarette produit à l’usine par la Manufacture des cigarettes du Tchad (Mct).
“Par rapport au montant, j’ai ici l’arrêté n°24 du ministre des Finances de 2022, qui a fait la répartition des taxes perçues sur les téléphonies mobiles. Pour l’année 2022, le total est de 17 milliards 500 millions francs CFA, dont l’Onajes reçoit 25% soit 6 milliards francs CFA par an. C’est ce qui devrait être envoyé à l’Onajes annuellement. Les 75% restants sont répartis entre le ministère de la Santé, l’Onama et le ministère des Finances. Tout ce qui est prélevé sur les téléphonies mobiles ne vient ni au département de la jeunesse ou aux sports”, a révélé le ministre de la Jeunesse, des sports et de l’entreprenariat, Abakar Djermah Aumi.
Malgré ces ressources fiscales permanentes générées, le gouvernement réalise huit ans après que des milliards sont engloutis, sans qu’aucune des missions assignées à cette institution sous tutelle du ministère de la Jeunesse, des sports et de l’entreprenariat, n’ait obtenu des résultats probants. D’où la décision de dissoudre l’Onajes, qui sonne comme un cinglant aveu d’échec du gouvernement.
Une institution inopérante
L’Onajes, dans son contexte actuel, n’est plus en mesure de remplir convenablement et efficacement sa mission, a tranché le gouvernement. Les raisons avancées pour cela, sont entre autre les passifs et les actifs des dettes cumulées des banques et fournisseurs, la mauvaise gouvernance globale des ressources humaines, financières et matérielles. En filigrane, il faut comprendre le vrai problème qui est la difficulté liée à l’unicité de caisse relatif géré par le Trésor public et non par le département de la Jeunesse et aux sports, en plus du faible pourcentage du montant alloué à la jeunesse et aux sports dans le budget de l’état. Ce qui n’a jamais ému les parlementaires, lors de l’adoption des lois de finances successives.
Aujourd’hui, les fonds de l’Onajes disponibles au niveau du Trésor public, tournent autour de 9 milliards francs, informe le ministre. Or, les comptes de l’Onajes dans toutes les banques de la place sont au rouge. Il est devenu difficile pour l’Onajes de disponibiliser de l’argent pour son fonctionnement. “Soit la banque va avaler ce que vous allez positionner pour vous faire rembourser, soit les fournisseurs, qui sont toujours informés des mouvements des comptes, vont saisir un huissier et bloquer le compte. Voilà des réalités qui ont été prises en compte et qui conduisent à prendre cette décision”, clarifie le ministre Abakar Djermah.
Des mécanismes nouveaux à expérimenter mis en place
L’Onajes est dissout au profit d’une direction générale (organigramme en cours de validation) qui sera rattachée au ministère de tutelle, avec les mêmes prérogatives. A la différence que cette fois-ci, suivant les mécanismes mis en place, du côté des sports, l’argent transitera désormais du Trésor public directement au compte des 23 fédérations sportives signataires des conventions d’objectifs, avec le ministère. Le montant total annuel, à allouer aux 23 fédérations, pour leur budget de fonctionnement, de participation aux diverses activités, y compris le développement de leur discipline à l’intérieur du pays. Le montant est de 2 milliards 400 millions francs CFA. “Nous l’avons soumis au chef de l’état qui a marqué son accord pour le financement des 70% dans le budget de l’état, soit 1 milliard 600 millions francs CFA. Le ministre en charge des Finances et du budget est instruit à cet effet”, rassure Abakar Djermah Aumi.
Pour le volet entreprenariat jeune, le mécanisme qui est maintenant mis en place prend en compte deux entités importantes au sein du ministère, à savoir le “Projet 50 000 emplois” et l’Agence nationale de volontariat au Tchad (Anvolt). Lorsque le projet soumis est évalué et jugé éligible, il est orienté vers n’importe quelle banque pour son financement. Une fois que la banque l’estime bancable et exige une garantie bancaire, le dossier sera transmis au ministère des Finances pour assurer la garantie, à travers l’émission de la lettre de caution bancaire. “Cela fait trois ans, que le ministère des Finances dispose de 30 milliards de francs pour la garantie des projets jeunes. Nous avons discuté avec le ministre des Finances qui trouve que ce mécanisme lui sied. Nous n’avons pas besoin d’aller toucher les 30 milliards”. Par contre, dit le ministre, dans la convention de partenariat entre le ministère et la banque, le financement de tout projet validé ne sera disponible que six mois après. Cette période est mise à profit, afin que le bénéficiaire puisse passer un stage de volontariat, dans une structure en lien avec son projet, identifié par le ministère, pour renforcer ses capacités à gérer le projet. “C’est ceux qui recevront leur attestation de stage de six mois, délivré par l’Anvolt, qui pourront bénéficier des financements jeunes. Voilà le mécanisme qui est mis en place afin de garantir et promouvoir efficacement l’avenir des jeunes dans le domaine de l’entreprenariat”, justifie le ministre. Pour lui, le ministère n’a pas besoin de toucher ces sommes d’argent, afin qu’il soit assuré un bon mécanisme pour les jeunes et le développement des sports.
Roy Moussa