“Lune de miel entre Mahamat Kaka et Laoukein”

L’opposant Laoukein Kourayo Médard, président de la Convention tchadienne pour la paix et le développement (Ctpd) s’est entretenu avec le Pcmt Mahamat Idriss Déby, des perspectives économiques et de la situation politique et sociale du Logone occidental. Il se prononce à N’Djaména Hebdo sur l’accueil réservé à l’hôte des Ngambaye, sur la situation précaire qui prévaut à la mairie et n’entend guère y revenir si ces trois conditions posées ne sont pas satisfaites. Une sorte de lune de miel entre l’opposant fédéraliste et le successeur du Maréchal du Tchad.

La rumeur véhicule à Moundou que vous auriez déclaré que le Président du Conseil militaire de transition, Mahamat Idriss Déby Itno, alias Kaka devait vivre à son arrivée ce que même l’ancien président de la République Ngarta Tombalbaye n’avait vécu en son temps. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Je n’ai pas dit cela, mais je me suis quand même impliqué dans l’accueil. Pourquoi ? Vous savez que le Président du Cmt est allé à Abéché et à Faya, parce qu’il y a eu des événements qui se sont soldés par mort d’hommes, compatir avec les familles endeuillées. De là, il est revenu pour continuer à Sarh, parce qu’il y a eu les événements similaires à Sandanan qui se sont soldés par une dizaine de morts, où il est allé également compatir avec la province du Moyen-Chari.
Mais à Moundou, chef-lieu du Logone occidental, il a décidé venir nous faire le compte-rendu des 11 mois de gestion, d’exercice du Cmt et parler également économie. Le Logone occidental est aujourd’hui la province la plus calme dans la partie méridionale du pays. Moundou a été toujours considérée comme deuxième ville du Tchad après N’Djaména. Mais ces derniers temps, elle occupe la 5ème place.
Quels sont les indicateurs qui vous permettent ce classement ?
Je vis là. Je connais également d’autres provinces. Les unités industrielles comme la Manufacture des cigarettes du Tchad (Mct) a fermé la porte. Toutes ses machines sont démontées. Une partie ira en République centrafricaine et une autre au Mali. La Savonnerie de l’huilerie ne fonctionne plus. La Cyclotchad est enterrée. Moundou n’est plus une ville économique. Et le Complexe des abattoirs moderne est en ce moment envahi par des herbes depuis son inauguration.
Justement, une controverse sur l’appartenance de ce complexe à l’un des deux Logone (occidental ou oriental) continue à faire des gorges chaudes. A qui des deux Logone appartiennent ces abattoirs ?
On nous a fait savoir que ce complexe moderne allait générer 7 000 emplois aussitôt après son inauguration. Or, aujourd’hui il est envahi par les herbes. Donc, qu’on le veuille ou non, Moundou est en ce moment une ville morte qui n’attend qu’à être enterrée, par rapport à N’Djaména ou à Abéché qui prend aujourd’hui la 2ème place. Je le dis parce qu’Abéché vit ainsi que Sarh. Amdjarass vit mieux que Moundou. Comme le Pcmt a voulu venir nous faire le compte-rendu de son exercice et parler également économie pour ressusciter notre ville, nous avons dit qu’il fallait tenir la perche tendue et essayer de l’accueillir.
Sur l’appartenance du Complexe des abattoirs modernes, je vous dis qu’il est bel et bien dans le territoire de Moundou. J’ai des références.
Pourriez-vous expliquer ces références en votre possession ?
Les limites de la ville de Moundou d’après l’arrêté 770/ADG du 20 novembre 1958 signé conjointement par Messieurs Gabriel Lisette et Vazel disent que N’Gara est bel et bien dans la ville de Moundou. Et il n’y a pas que N’Gara. La limite s’étend jusqu’à 4,5 kilomètres dès qu’on franchit le pont vers Doba. Cet abattoir est bel et bien dans la ville de Moundou. Il y a également l’ordonnance 4 du 29 janvier 1962 qui a divisé le Logone en trois préfectures : les deux Logone plus la Tandjilé. Cette ordonnance 4 signé par délégation du ministre de l’Intérieur de l’époque Monsieur Abbo Nassour, mentionne bien ces limites-là. Et Il en est de même du décret de l’an 2000 divisant la ville de Moundou en quatre arrondissements qui stipule que N’Gara fait partie du 1er arrondissement municipal de la ville de Moundou. Je ne sais pas sur quelle base s’appuient les gens pour dire que cet arrondissement n’appartient pas à Moundou.
A la rencontre avec le Président du conseil militaire de la transition, je sais qu’il a dit que l’entreprise Olam est preneur du Complexe des abattoirs moderne et qu’à son retour à N’Djaména, il accélérera le processus pour que les abattoirs soient opérationnels d’ici peu de temps.
La mobilisation à l’accueil du Pcmt, le 29 mars 2022 a été plus que gigantesque en comparaison à celles réservées à son feu père au cours desquelles, il a eu à être hué une fois sur le sol moundoulais. Qu’est-ce qui explique ce revirement ?
Un revirement dans quel sens, puisque le Pcmt n’est pas venu sous l’étiquette d’un parti politique. Déby venait avec à ses côtés tous les ténors du Mouvement patriotique du salut (Mps). Mais Mahamat Idriss Déby est venu sous l’étiquette du Conseil militaire de transition (Cmt). Vous savez également que dans tous les pays du monde, l’armée est apolitique. Donc, le Cmt ne peut pas être un organe politique. Le Cmt a été installé après la mort de Déby pour contrecarrer certaines actions vers le Nord avec les politico-militaires. Ce n’est pas un organe purement politique, nous avons dit que pour réveiller notre ville, parce qu’il fallait ressusciter Moundou, alors il faut mettre la main dans la pâte pour que le Pcmt soit content et à son tour nous réveiller notre ville. N’oubliez pas que je n’ai jamais participé à l’accueil de Déby. Mais exceptionnellement, pour l’inauguration du Complexe des abattoirs moderne, puisqu’il était venu dans le cadre purement économique, j’ai fait la même chose qu’hier (Ndlr : 29 mars à l’accueil) en mobilisant la population du Logone occidental. Ce n’est pas à cause de mon égo personnel que je vais faire mourir toute une population qui ressort de la province qui m’a vu naître.
Moundou a été quand même une ville singulière du Tchad où la population a hué son président de l’époque, au moment où vous étiez le premier magistrat de la ville. En portez-vous le chapeau ?
Ceux qui ont hué Idriss Déby, après leur prison, je les ai personnellement recrutés à la mairie. Pour la petite histoire, ils ont d’ailleurs été montés par les militants du Mps contre moi pour faire tomber le problème sur l’opposition. Je connais celui-là – un militant du Mps qui est encore en vie – qui a été à la base de ce montage grossier. Ils ont monté cette affaire pour faire croire aux gens que c’était l’opposition qui a agi. Non !
Votre appel a donc porté fruit au regard de la mobilisation constatée. Qu’attendez-vous concrètement du Pcmt ?
Nous l’attendons qu’il passe à l’action. Si ce n’est que pour parler seulement, nous verrons bien la prochaine fois.
Après votre éviction de la tête de la commune, accusé d’avoir détourné les deniers publics avant qu’une expertise comptable ne vous blanchisse, celle-ci ne semble pas encore avoir trouvé la stabilité de ses dirigeants au sommet. Quel problème se pose effectivement à la gestion de cette ville ?
Arrêté injustement, j’ai mis quatre mois et onze jours. C’est pendant que j’étais en prison qu’on a diligenté une expertise judiciaire-comptable ici et sur les 45 noms sur la liste, seul devant Laoukein Kourayo Médard, cette expertise a marqué zéro. Malgré tout cela, j’ai passé gratuitement les quatre mois et onze jours derrière les barreaux. Tout simplement, parce qu’à l’époque les autorités voulaient mettre la main dans le grenier de la mairie, et que par trois fois, j’ai dit non. La 3ème fois, j’ai dit si vous voulez prendre de l’argent, donnez-moi un papier pour me justifier en cas de contrôle. Ce qu’on n’entendait pas de cette oreille, car on veut que tout retombe sur moi. Et donc, il fallait quand même trouver un alibi pour envoyer le récalcitrant en prison subir quatre mois et plus l’humiliation la plus totale pour rien, je ne sais pas si ces gens ont un caillou à la place du cœur. Est-ce qu’ils dorment même aujourd’hui ? En tout cas, Dieu nous le dira un jour. Mais la mairie, je ne peux pas la juger aujourd’hui. Ils n’ont qu’à chercher quelqu’un pour la gérer, sinon, on risque de l’enterrer.
Et si les autorités vous demandaient de reprendre ses rênes ?
J’ai mes conditions et j’en ai trois !
Lesquelles ?
Il faut d’abord que l’Inspection générale d’Etat qui a diligenté l’enquête mette aux arrêts tous ceux qui ont été incriminés. Or, tous sont là en ce moment et jouissent de leur liberté totale. Ça, c’est en ce qui concerne la première inspection. La deuxième inspection qui vient de passer, du bruit a été fait à sa suite, mais les concernés jouissent encore de leur liberté. Alors, pourquoi aller me salir ? C’est vrai que je suis né ici, c’est ma terre natale, mais je ne suis pas prêt, cette fois-ci, à aller me sacrifier.
Comment, en cette période cruciale de l’avenir du Tchad, appréciez-vous la conduite des préparatifs du Dialogue national inclusif et souverain conduite par le Codni ?
Nous nous sommes déjà organisés en un regroupement et sommes prêts à y aller. Nous nous sommes dit, que nous sommes des Tchadiens à part entière comme les autres, et nous n’allons pas accepter rester à l’écart voir les autres à partir de la fenêtre sceller notre destin. Même s’il faut se battre à l’intérieur, nous allons le faire parce que ce pays-là est un patrimoine commun. Il ne faut pas qu’on fasse croire aux autres qu’ils sont plus tchadiens que nous. Nous y iront et nous verrons bien ce ça va donner et si nous n’y allons pas, ce sera par notre faute.
Quelles appréciations faites-vous alors du pré-dialogue qui n’en finit pas de se tenir à Doha ?
Là, je crois qu’ils finiront par trouver une solution pour assister au dialogue. Je suis optimiste là-dessus, parce que le Qatar ne va pas les laisser se séparer en queue de poisson. Il y va aussi de l’honneur des Qataris et ils feront tout pour que ceux-là s’entendent pour assister effectivement au dialogue du mois de mai, et que peut-être à partir de ce dialogue, nous allons amorcer le véritable développement de notre pays.
Dites-nous quels sont les sujets importants qu’il faut discuter au cours de ce dialogue, pour s’attendre à un accord qui puisse permettre désormais aux Tchadiens de s’atteler à un véritable développement de leur pays ?
C’est un domaine purement secret que je ne peux pas sortir ici. Nous avons confectionné un volumineux document à ce sujet, que nous gardons top secret pour sortir le jour et moment venus
Interview réalisée par

Djéndoroum Mbaïninga