Les œuvres musicales de la cantatrice Mbaïrapi Rachel, continuent d’être diffusées sur les ondes de la radio nationale depuis les années 70. Mais curieusement, ce patrimoine vivant n’a jamais été associé à la célébration de la Senafet.
Tous ceux qui avaient eu la bonne idée de passer un moment de détente, le 21 juin 2019, lors de la fête de la musique, au bar-restaurant “Le Séminaire” y repassent régulièrement s’enquérir des nouvelles de Mbaïrapi Rachel. Madame Claire épouse de Me Ngaré Adda Edouard, avait été bien inspirée de convier sa cousine ce jour. A un moment quand Youssouf Djaoro (acteur de cinéma) a déplacé une chaise et invité une dame d’un âge avancé à y prendre place, une grande interrogation se lisait sur la plupart des visages. Toute souriante, l’invitée s’installe, salue le public et lâche: “je vais vous proposer juste quelques minutes de cette chanson que beaucoup aime tant”. Puis elle l’entonne et … surprise générale! Cette chanson qui est jouée depuis les années 70 par la radio nationale (Rnt) a enfin un visage. Dame Mbaïrapi Rachel en personne! L’une des cantatrices tchadiennes les plus jouées par la radio nationale, en direct ce 21 juin pour le bonheur des clients et passants dont le nombre s’est considérablement agrandi. La plupart la découvrait pour la première fois, 40 ans après l’avoir écoutée. L’essentiel pour le public de ce jour, c’était le partage d’un moment de bonheur, d’émotion et de réminiscence. Pour dire aussi que l’art a été, est et sera.
Dame Mbaïrapi Rachel de sa petite taille est de teint brun. Une frêle stature que le temps a marqué de ses empreintes, mais n’a pas réussi à altérer son timbre vocal. Sa voix à elle seule est toute une musique faite de parole, rapsodie, rythme et mélodie. Elle est une artiste qui traverse le temps, et dont les propos doucereux, exprimés directement ou en parabole sont autant de messages que de conseils.
Aussi loin que remonte sa mémoire, elle se rappelle particulièrement de sa chanson phare dont l’une des phrases dit “Ngariria mara” (“que dois-je faire”) qui est en somme une complainte. Une chanson composée et chantée dans les années 70, lorsqu’elle habitait au quartier Ambassatnan en face de l’arrondissement de police. Elle avait l’habitude de chanter en pilant. Mais ce chant-là, elle l’avait composé beaucoup plus pour se consoler de la perte de ses deux premiers enfants. A son insu, quelqu’un de la maison l’a enregistré et a fait écouter son mari qui l’avait assiégée de questions par la suite. Elle lui avait répondu que c’est une chanson destinée à conseiller et encourager les filles, les femmes à piler le mil et à s’occuper davantage du ménage. Son époux avait trouvé que c’était une très bonne chose et que la chanson devrait plutôt être vulgarisée. Un bon jour, Ndiguinan Pierre de la Radiodiffusion nationale tchadienne (Rnt) arrive à leur domicile et l’enregistre une première fois. C’était en 1971. Quelque temps après, elle apprend qu’il avait été arrêté. Puis vint Matta Daniel de la même radio pour un second enregistrement. Elle se souvient très bien de cette période : “ma belle-sœur Morsilé (une autre cantatrice) venait d’arriver à Fort-Lamy et habitait aussi Mbassatnan chez mon frère Tarda de la douane qui était en fait son beau-frère. Morsilé est la sœur de sa femme Haoua. C’est la même période où elle aussi avait été enregistrée par la radio. Nous étions très amies. Nous avions l’habitude d’aller chercher du fagot ensemble. Notre champ de gombo se trouvait là où il y a actuellement l’école Padanou”.
Ngon Koutou, le cantateur qui avait été fait poète national par feu le président Ngarta Tombalbaye, habitait non loin de là et recevait régulièrement leur visite. La radio Tchad avait par la suite enregistré plusieurs de ses chansons qui continuent d’être diffusées. Aujourd’hui, Dame Mbaïrapi Rachel que beaucoup rencontrent en chemin sans la (re)-connaître, demeure un patrimoine musical vivant qui a encore à conter, à raconter et à chanter! RM