Médicaments de la rue: La guerre qui dépasse les autorités sanitaires

Malgré les mesures d’interdiction de la vente des médicaments dans la rue, le nombre des vendeurs augmente sans cesse dans les marchés, voire devant les hôpitaux.

En face de l’hôpital de la Mère et de l’enfant, les vendeurs des produits pharmaceutiques se placent un peu partout à l’entrée. “Quels produits veux-tu? Je vais te  vendre moins cher. Je peux t’aider à trouver le médicament que tu cherches”, entend-on en passant par ces lieux. Pour certains clients, ces produits constituent un danger. “Je ne sais pas pourquoi ces vendeurs sont pleins devant les hôpitaux. Pourtant, un grand hôpital comme celui de la Mère et de l’enfant est censé avoir une pharmacie digne de ce nom”, lance une dame. Djérané David, pour sa part, est catégorique: “je ne peux pas acheter un produit exposé au soleil pour soigner mon enfant, la majorité de ces produits sont des produits frelatés”.

Némadji  Cécile, elle, s’interroge sur la provenance des produits vendus devant l’hôpital. “Je ne sais pas comment et où ces gens trouvent ces produits pour venir les vendre ici. Personnellement, je n’ai jamais acheté ces produits”. Même constat à l’Hôpital général de référence national (Hgrn) et à l’hôpital  de l’amitié Tchad-Chine.

Si pour certains, ces produits constituent un danger, pour d’autres, ces vendeurs leur facilitent la tâche en leur trouvant certains produits qu’on ne trouve pas facilement dans les pharmacies des hôpitaux. “On m’a donné une ordonnance pour acheter Doliprane,  mais quand je me suis rendu à la pharmacie de l’Hgrn  où ma femme a été hospitalisée, on m’a dit qu’il n’y en a pas et que je peux trouver dehors. C’était ainsi que je suis sorti pour acheter avec les “Choukou” qui sont devant l’hôpital”, nous raconte un père de famille. Certaines personnes rencontrées mettent en cause des infirmiers. “C’est un infirmier qui m’a dit d’aller vers les Choukou  pour acheter mes médicaments”, raconte Daniel devant l’hôpital de la Mère et de l’enfant. Des allégations mensongères, réplique un infirmier dudit hôpital. “Comment peut-on demander aux gens d’acheter les médicaments de la rue? Ce n’est pas possible. Nous donnons une ordonnance et nous recommandons toujours d’aller à la pharmacie. Mais ces vendeurs bloquent souvent les gens devant l’hôpital en arrachant les ordonnances que nous leur donnons”. Un autre infirmier de l’Hôpital général de référence nationale souligne que ces mêmes vendeurs arnaquent les citoyens, surtout ceux qui viennent des coins un peu reculés de la ville.

D’où viennent ces médicaments?

Certains “Choukou” confient que ce sont les corps soignants qui leur fournissent les médicaments dits de la rue. “Personnellement, j’ai un cousin qui travaille à l’hôpital qui me vend certains médicaments”, informe un “docteur choukou” devant l’hôpital de la Mère et de l’enfant. D’autres, par contre, disent qu’ils achètent leurs médicaments au Marché à mil. “Me demander d’où est-ce que j’achète mes produits, c’est de me demander de dévoiler mon secret professionnel. Mais je vous dirais que la majorité de nos produits, nous les achetons au Marché à mil. C’est là-bas que se trouvent nos fournisseurs”.

Des produits contrefaits

Pour le président de l’Ordre des pharmaciens, Haroun Badaoui, ce sont des médicaments contrefaits qui entrent au pays par la voie frauduleuse. “Ce sont des produits qui ne sont pas enregistrés au pays. Ces produits contrefaits ne contiennent pas les principes actifs indiqués”. Le pharmacien accuse certaines personnes haut placées. “Ceux qui vendent ces produits s’approvisionnent quelque part, et le fait qu’ils vendent au vu et au su de tout le monde, et la mairie qui prélève des taxes,  prouvent qu’ils en savent quelque chose”. Diverses sources font noter que ces médicaments entrent frauduleusement par la complicité de certaines autorités. Le président de l’Ordre des pharmaciens met l’accent sur la dangerosité de ces produits tant sur le plan sanitaire que sécuritaire. Parmi ces produits, dit-il, se trouvent des psychotropes qui doivent être réglementés mais qui sont laissés à la portée de la population. “Aujourd’hui, les produits contrefaits sont l’une des causes des décès qui s’élèvent entre 700 000 à 800 000 par an”.

Mendjiel Virginie, stagiaire