“Nous n’envions pas les fonctionnaires”

N’Djaména Hebdo vous propose tout le long de ce mois de mars dédiée à la femme, un éclairage sur certaines dames qui, par leur détermination, courage et volonté, s’affirment tantôt comme leaders, tantôt comme maillons de la chaîne de développement, et contribuent au bien-être dans leur environnement.

Khadidja Kotouba Koulou, présidente du groupement Ab-Zhona du secteur 9 de la ville de Mongo (province du Guéra), ouvre le bal. Ce 4 mars à 15 h lorsqu’on a franchi le seuil de son portail, elle est assise devant plusieurs bidons pleins d’huile et vides. Tout en nous souhaitant la bienvenue, elle continue de filtrer de l’huile dans une grande tasse, puis les transvase par la suite dans des bidons à l’aide d’un entonnoir. Très en bon point, elle offre un sourire et hèle une autre dame qui a l’air de jouer le rôle d’assistante, pour nous trouver des bancs et nous offrir de l’eau à boire. Ce qui a aussitôt attiré mon attention, c’est qu’en face d’elle sous un hangar délimité par un muret, un veau bien dodu dont on a bandé les yeux, tourne comme une toupie sous le hangar. La curiosité étant plus forte, je m’excuse et m’approche. Le spectacle est saisissant. Le bœuf en question est relié à un long tronc d’arbre, qui le maintien à une distance d’un gros mortier en bois posé au pied d’un piquet, qui est supporté par un autre tronc d’arbre de même dimension qui se prolonge vers le premier, en formant une équerre ou un V. Un autre tronc d’arbre en forme d’arc attaché au piquet prolonge également verticalement un autre morceau à l’intérieur du mortier, dans lequel est mis du sésame. Lorsque le bœuf est en mouvement de rotation, le mécanisme s’enclenche et le tronc d’arbre enfoui dans le mortier presse le sésame versé à l’intérieur, qui se compacte en libérant de l’huile et les déchets restent compactés en plaque (tourteaux). Cela se passe sous les yeux surveillants du petit Abakar et de l’assistante, qui de temps en temps, se retrouvent au milieu du cercle pour surveiller le débordement des tourteaux.

 

L’usine As sarra performante

Une usine de fabrication d’huile de sésame en somme, qui s’appelle “As sarra”, informe Kadidja, qui explique que c’est de cette manière que les grands-parents produisaient de l’huile à l’époque. “J’ai opté pour garder cette méthode parce qu’on obtient de l’huile pure (sésame, noix de savonnier), dénués d’impuretés et de corps étrangers chimiques”. Une fois l’huile pressée, les déchets (tourteaux) sont conservés pour nourrir les animaux ou pour la préparation des sauces. Ils jouent le rôle de condiment parfois. “Regardez mes moutons et bœufs comment ils sont dodus et leur peau luisant. C’est parce qu’ils sont nourris de ces tourteaux comme complément alimentaire à leur foin”, dit-elle fièrement. Un sac de tourteaux coûte 10 000 francs CFA, celui de sésame produit 32 litres d’huile et actuellement la production d’huile est de sept sacs par semaine, renseigne Khadidja. Elle ajoute que c’est à défaut de moyens pour disposer d’une grande quantité des sacs de sésame. Un litre coûte entre 1 500 et 2 000 francs CFA actuellement, à cause des récoltes qui ne sont pas bonne cette année, dues à une mauvaise pluviométrie.

L’usine produit également de la pâte de sésame appelée Tania. “Nous lavons le sésame puis le mettons à sécher. Pendant ce temps, on enlève les graines des dattes puis on les pile mélangées avec du mil pénicillaire. Ensuite, on y ajoute quelques épices comme le gingembre, poivron et autres. On mélange le tout avant de le malaxer comme le faisaient jadis nos grands-parents. On obtient un aliment très riche, qui peut se conserver plus d’une année sans se décomposer. C’est un repas complet, très riche et nourrissant qui vous donne du tonus, et contribue à bâtir des enfants solides et robustes”.

Pour Khadidja, le plus difficile dans ce travail, c’est son âge avancé qui ne lui permet pas de se dépenser physiquement comme dans le temps. Aujourd’hui, les besoins s’expriment en la construction d’un grand magasin de stockage pour entreposer les sacs de sésame et tourteaux. “Dès le mois d’octobre, le coro coûte entre 600 et 750 francs CFA. En ce moment (mars), le coro coûte déjà 1 500 francs et nous n’avons pas assez de moyens pour disposer de grande quantité à ce prix”, plaide-t-elle. Les besoins s’expriment également en matière de construction d’un entrepôt de stockage du foin pour les bœufs pour leur alimentation, pendant la période de soudure, et d’une étable avec un enclos pour les animaux, pour éviter qu’ils soient volés. “Nous avons besoin aussi des bœufs et charrues pour agrandir notre culture de sésame”, projette Khadidja. Elle informe que c’est grâce au projet Swissaid que le groupement a bénéficié du hangar qui abrite l’usine, avec son dispositif. Et également de 10 sacs de sésame et une paire de bœufs il y a de cela 10 ans. Le seul appui qui a permis de développer les activités de production jusqu’aujourd’hui.

“Nous avons commencé nos activités agricoles de production de sésame il y a plus de 20 ans, mais nous sommes devenus membres adhérents de l’antenne Céliaf de Mongo depuis 12 ans déjà. Nous avons 32 associations réunies dans le groupement qui est maintenant devenu une coopérative (documents administratifs de reconnaissance officiels produits). Nous sommes un regroupement des veuves qui avions commencé nos activités par des tontines. Aujourd’hui, Dieu merci nos activités nous permettent de nous prendre en charge, d’envoyer nos enfants à l’école, et de subvenir à nos besoins. Nous n’envions pas les fonctionnaires”, conclut-elle.

Roy Moussa