Création du regroupement des “partis insoumis”, composition du Cndp et les préparations des échéances électorales sont entre autres des sujets abordés par Me Bongoro Théophile, président national du Parti pour le rassemblement et l’équité au Tchad (Pret) dans cet entretien.
Ce qui a prévalu à notre regroupement se situe à deux niveaux. D’abord, nous sommes arrivés nouvellement sur le champ politique. Comme tel, nous voulons nous-mêmes prendre des risques pour évaluer après la méthode qu’on a choisie. Celle de nous mettre en groupement, sans entrer dans ceux qui existent. Les gens se sont regroupés, soit par affinité, soit par vision politique. Avec la jeunesse de nos formations politiques et surtout avec notre virginité en tant que dirigeants, nous nous sommes dit que c’est un petit risque de rejoindre des gens qui ont déjà une longueur d’avance et qui ont eu des raisons pour se mettre ensemble. Nous avons préféré mettre ensemble nos moyens, nos difficultés, nos défauts infantiles. Nous sommes encore vierges sur le marché politique. Les gens n’auront pas grand-chose à nous reprocher pour l’instant. Nous voulons nous en tenir à cela. Parce que nous disons que c’est plutôt une qualité même si cela peut être perçu ailleurs comme un défaut. Tout de même, nous sommes déjà dans d’autres plateformes comme le G24. Nous apprenons aux côtés des dinosaures, des baobabs. En même temps, nous sommes lucides parce que nous faisons le tri de tout ce que nous apprenons.
Nous étions initialement quatre à mener les réflexions de début, mais les deux autres ont préféré aller regagner la lutte armée pour des raisons qui leurs sont propres.
Sur quels critères, les insoumis accepteront d’être rejoints par d’autres partis politiques?
Notre charte permet l’ouverture aux autres formations politiques. Les critères, c’est de ne pas user de sa formation politique pour avoir du pantin tout de suite, mettre ensemble nos moyens pour pouvoir se soutenir pendant les consultations qui vont venir, n’avoir pas appartenu à un groupement qui s’est tout de suite rapproché du pouvoir parce que nous nous sommes dit que l’opposition s’oppose, le gouvernement gouverne.
S’agit-il d’un début d’une alliance entre deux chefs fondateurs de partis pour les prochaines élections?
Tout à fait! C’est possible que l’Uspr et le Pret présentent un seul candidat ou une liste de candidats aux élections à venir. Les “Insoumis”, ça veut que nous ne sommes pas venus pour suivre quelqu’un. Ni la majorité, ni l’opposition classique. Nous ne reprochons rien à personne mais nous avons un projet de société que nous voulons proposer au peuple tchadien.
L’inversion du chronogramme électoral a poussé certains opposants à appeler au boycott des élections. Quelle est la position des “Insoumis”?
Nous appartenons à une plateforme qui s’appelle le G24. Nous avons à cœur de participer aux jeux politiques parce que nous voulons nous évaluer tout de suite mais pas à n’importe quelle condition naturellement. L’inversion du calendrier procède de la volonté de l’autre camp de biaiser le jeu au départ. Ils ne veulent pas partir handicapés aux élections présidentielles. Quand vous allez aux présidentielles avec une minorité acquise à l’Assemblée nationale, cela vous affaiblit. Avec la configuration actuelle du parlement, le Mps a évité qu’on aille aux législatives avant parce qu’il sait qu’il peut se faire battre. Avec l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché politique, c’est une évidence que la configuration va changer.
Le 1er septembre dernier, le président de la République a nommé les nouveaux membres du Cndp. Quel commentaire faites-vous de la nouvelle configuration et pourquoi les “Insoumis” ne sont-ils pas représentés?
Les règles qui gouvernent la désignation pour appartenir à cet organe n’ont pas été respectées. Normalement si un chef de file existe, et il existe de nom, il devrait nous rassembler tous, nous consulter et procéder comme par le passé, à attribuer des sièges aux regroupements quitte à ce qu’ils désignent leur représentant qui doit aller au Cndp. Là, les textes ont été violés. La désignation se fait par consensus. Deuxièmement, sur la liste de l’opposition, il y a des gens, des “alliés” du Mps qui viennent de quitter le gouvernement pour être affectés au Cndp. Donc, ils viennent prendre nos places. Nous ne sommes pas d’accord avec cette liste et nous allons demander à ce qu’on la retoque. On ne peut pas continuer à cautionner cette forfaiture. Il est vrai que nous sommes pressés d’aller aux élections pour nous évaluer mais pas n’importe quel prix. Nous n’allons pas créer un autre Cndp mais la collaboration sera difficile. L’opposition sera affaiblie par la faute du chef de file qui n’arrive pas maîtriser les tenants et les aboutissants du rôle qui est le sien. Il n’est pas à la hauteur, tout simplement.
De l’autre côté, il y a le pouvoir qui s’ingère dans les affaires de la Céni. A la lumière de toutes ces manœuvres, s’engager dans les prochaines élections n’est-il pas un combat perdu d’avance pour l’opposition tchadienne?
L’opposition a en main les cartes qu’elle peut jouer, mais à une seule condition: qu’elle fasse preuve de l’unité. Si chaque ténor va penser qu’il va être président, ça va être difficile. Il faut qu’on puisse s’accorder sur un ou deux candidats sérieux. On peut s’appuyer sur cette stratégie pour éparpiller les voix et surtout assurer le contrôle du vote. Parce qu’en face, c’est une machine rodée. Mais tant qu’on va rester avec cette division où chacun voit midi devant sa porte, vieux comme jeunes, anciens comme nouveaux, on risque d’aller droit au mur.
Il y a environ deux mois, le nom de Me Bongoro Théophile est apparu dans une écoute téléphonique évoquant le complot ayant conduit à la destitution de l’ancien chef de file de l’opposition, Saleh Kezabo. Quelle est votre version des faits?
Il y a des amis qui m’ont dissuadé de réagir. C’est une situation qu’il faut soit en pleurer, soit en rire. Moi ça m’a amusé. Mais il est tout à fait normal qu’un homme politique appelle un autre pour prendre les nouvelles. Si vous avez suivi l’enregistrement, au cours de nos échanges, j’ai beaucoup ri. Ce n’est qu’à la fin que j’ai dit, “et le renard (…)”. Les gens ont enlevés mes propos de leur contexte pour en faire toute une affaire que les cerbères et les nervis ont pris pour se défouler sur la toile. Quand je dis “le renard”, c’est admiratif parce que c’est un animal qui ne se fait pas prendre facilement par les pièges. Que les gens aillent faire des montages en Europe pour dire que c’est un complot, moi je ne pense pas. Un an plus tard, vous savez que c’est la cour suprême qui a retiré le titre de chef de l’opposition à son ancien titulaire, Saleh Kebzabo qui pour moi, est un papa, un grand-frère auprès de qui j’ai appris et continue toujours à apprendre. Mais cette affaire m’a donné une leçon. Je ne croyais pas que le choc allait être si grave maintenant, parce qu’on chasse sur le même terrain avec Kebzabo.C’est arrivé très tôt. Ça m’ouvre l’esprit et ça me permet de comprendre que ça va être chaud devant.
Interview réalisée par
Lanka Daba Armel et Nadjindo Alex