Pour une mangue, du sang à Bébopen

Des ressortissants de la localité de Bébopen résidant à N’Djaména se sont rendus sur les lieux des drames, au village Doh, dans la sous-préfecture de Bébopen, département du Mandoul occidental, qui se sont déroulés les 26, 27 et 28 mai 2021. Ils ont recueilli des témoignages et preuves matérielles, pour commettre des avocats aux fins de déposer une plainte.

Le problème est né autour d’une mangue, témoigne un des ressortissants qui requiert l’anonymat. Dans la journée du 26 mai 2021, des enfants du village Dôh se rendent avec leurs bœufs en pâturage. Ils croisent les enfants des éleveurs arabes missérié, venus à leur rencontre. L’un d’eux est le fils d’un éleveur nommé Oumar. Ce dernier demande à avoir une mangue. Les autres lui répondent que c’est la seule mangue en leur possession et qu’ils entendent aussi la manger. Par la force, Oumar fils tente d’arracher la mangue, en sortant son couteau, mais par vigilance, son vis-à-vis le désarme. Les enfants des paysans rentrent avec le couteau sans le restituer à celui qui voulait s’en servir pour arracher la mangue.

Le lendemain 27 mai, les mêmes enfants repartent avec leur père au champ. Cette fois-ci, pour labourer. Sept éleveurs conduits par leurs enfants de la veille débarquent au champ. Ils exigent la restitution du couteau, sans quoi, ils ne les laisseront pas labourer. Ceux-ci répondent que le couteau se trouve à la  maison. Ils leur demandent gentiment de revenir le lendemain le récupérer. Ce que leurs vis-à-vis ne veulent pas en entendre parler. Ces derniers tentent à tout prix de saisir les bœufs d’attelage. Une lutte s’en suit. Un éleveur sort son couteau et blesse au poignet un des enfants. Leur père qui, entretemps, est allé à la recherche des feuilles revient et constate l’agression. Pris à parti par les sept éleveurs, ils le blessent d’abord à la tempe à coups de bâton, puis avec des armes blanches au niveau des deux genoux. L’agressé se débat et réussit, à l’aide de son couteau de jet, à blesser le fils de l’éleveur. Ce dernier est transféré à Koumra et le père à Bébopen pour des soins. Pendant ce temps, les Missérié laissent entendre que si leur enfant meurt, tout le village Dôh sera tenu pour responsable. Les autorités sont informées. Le préfet, les chefs de village et du canton arrivent sur les lieux, pour s’enquérir de la situation. Les Missérié reviennent dire que l’enfant est mort et qu’ils exigent en guise de dommages cent bœufs et 200 000 francs CFA. A 20 h ce jour, le chef de canton se rend avec des notables au campement des éleveurs, pour leur signifier que mobiliser cent bœufs était impossible, mais que les 200 000 francs peuvent être réunis. Niet ! rétorquent les éleveurs, qui tiennent à leur exigence de cent bœufs avant le lever du soleil, sans quoi, ils trouveront eux-mêmes la solution. Etant sur place, le préfet fait venir le commandant du groupement militaire de Koumra, avec ses éléments pour des instructions précises. Diviser son équipe en deux blocs, pour sécuriser le ferrique mais aussi le village de Dôh, afin d’éviter que cela se dégénère, le temps de revenir le lendemain pour essayer de trouver une solution. Le commandant refuse d’obtempérer et choisit de passer la nuit autour du ferrique avec tous ces éléments. Entretemps, le préfet est reparti en compagnie d’un seul agent de sécurité passer la nuit chez le chef de canton à Bébopen.

Très tôt le matin, les détonements retentissent au niveau du village de Dôh. Le préfet joint au téléphone le même commandant pour connaître l’origine des tirs. Il lui répond que le bruit vient de la frontière centrafricaine. Or, cinq personnes sont déjà tuées à Dôh. A l’entrée du village, la première victime est Mindébé qui tisse les nattes, froidement abattue à balle réelle. Ce n’est pas tout. Les assaillants contournent et tirent sept balles qui a tué à son domicile le chef de village, Mastangar Ngarbaye Togram (les douilles des balles en témoignent). Ici, ils tuent trois autres personnes et font quatre blessés, dont trois grièvement touchés, et deux admis en soins à l’hôpital de Koumra et le troisième dans un état plus grave, transféré à l’hôpital de Goundi.

  “Ce problème qu’on pourrait qualifier de conflit agriculteurs-éleveurs, est arrivé par les mains des autorités. Si le commandant du groupement n’a pas obtempéré aux ordres du préfet, cela veut dire qu’il avait des intentions inavouées. Il est aussi arabe missérié, ainsi que les commandants de brigade de Bédiondo, Bébopen et de Bépan. Ils sont à l’origine de tout ce problème”, tranche notre source.

Roy Moussa