Une équipe de l’Organisation internationale pour les migrations (Oim) a visité le 20 décembre dernier, le site de Kaya à l’est de Bol, pour échanger avec des personnes déplacées internes qui y sont installées depuis des années et de pouvoir recueillir leurs doléances.
Situé à une vingtaine de kilomètre à l’Est de Bol, chef-lieu de la province du Lac, le site de Kaya a accueilli quelques 1500 personnes affectées par les attaques terroristes de Boko Haram et les fortes inondations. Mais ce 20 décembre, les cases construites en tiges de mil qui abritent ces populations déplacées sont presque vides. A peine l’équipe composée d’agents de l’Oim, du directeur général de l’Administration, des affaires juridiques et des tchadiens de l’étranger, Mbodou Seid, des acteurs étatiques de développement locaux, arrive sur le site, on observe des gens sortir de partout dans le site. Ils se sont regroupés autour de leur chef, Abdou Abakar Mahamat, sous un hangar où ils ont accueilli l’équipe de l’Oim.
Dans les échanges, les populations, visiblement très vulnérables espèrent de cette visite de l’Oim obtenir une assistance qui pourrait leur permettre à trouver de quoi nourrir leurs familles. Mais le chef de la délégation de la visite, Samou Koné, leur a précisé que cette visite a pour but d’échanger, afin de recueillir les doléances et informations nécessaires pour les transmettre à qui de droit. Le résultat de cet exercice va éventuellement permettre d’apporter des solutions aux problèmes enregistrés.
En face de l’équipe de visiteurs, se dressent le groupe des hommes et celui des femmes, présents sur le site. Même s’ils sont sortis nombreux pour venir écouter le message et échanger, beaucoup parmi eux sont absents sur le site. Et pour cause, la famine et les autres problèmes sociaux, parce que, justifient-ils, plus de 8 mois, l’aide humanitaire leur a manqué. Et puisqu’ils ne peuvent pas continuer à croiser les bras pour attendre d’éventuelles aides qui commencent d’ailleurs à ne plus tomber, ils s’obligent à braver l’insécurité pour aller chercher de quoi nourrir leurs familles. “Beaucoup parmi nous sont repartis sur les iles d’où ils avaient été contraints de quitter pour, soit pêcher soit cultiver, pour pouvoir obtenir de moyens de subsistance et rembourser leurs dettes. Mais ils sont connectés à nous. Dès qu’il y a une assistance qui tombe, ils seront tous ici et vous allez constater que ce site va se remplir de nouveau”, explique Abdou Abakar Mahamat, le chef du site.
A la question de savoir si un retour volontaire sur leurs îles d’origine était possible, les déplacées du site de Kaya répondent par la négation. Ils ne sont pas prêts à retourner sur ces îles qui ne sont pas libérées totalement des mains des terroristes Boko Haram qui continuent de commettre leurs exactions. De plus, l’état lui-même est absent dans ces endroits et n’a pas encore autorisé un retour sur ces îles. “Sur ces îles, il y a l’absence totale de l’état qui ne contrôle rien là-bas. L’insécurité y règne encore tellement. Il n’y a pas d’école pour nos enfants, pas d’hôpital, ni même des services publics nécessaires”, observe un déplacé de ce site. “Dans ces conditions, comment pouvons-nous y retourner ?”, se demande-t-il.
Des moyens pour se prendre en charge
Les Personnes déplacées internes (Pdi) installées sur le site de Kaya n’entendent pas retourner sur leurs lieux d’origine où règne encore l’insécurité. Désormais, ils veulent ériger le site en village et y vivre définitivement, paisiblement et en harmonie avec les autres. Pour que leurs enfants puissent bénéficier d’une l’éducation de qualité, que leurs filles et femmes accèdent aux services de santé adéquats. Désormais, ils ne veulent pas compter sur l’aide humanitaire pour vivre. Mais ils ont besoin des moyens qui pourront leur permettre d’assurer leur autonomie. “D’abord nous voulons que l’autorité renforce notre marché, et fait en sorte que nous accédions aux autres marchés pour pouvoir écouler nos produits de pêche. Nous avons besoin des moyens de transport de nos produits de pêche et d’agriculture. Qu’on nous aménage des polders pour des cultures. Nous donner des moyens financiers pour nous permettre d’initier des activités génératrices de revenus. Nous voulons un centre de santé, etc.”, égraine le chef du site. Pour lui, si toutes ces conditions sont réunies, ils demeureront définitivement sur le site de Kaya qui devient leur village.
Les femmes plaident pour qu’on leur octroie des moyens financiers pour exercer le commerce, car parmi elles, il y en a qui sont sans mari et ont besoin de ce soutien pour s’occuper des enfants sous leur charge. Ce sont ces doléances qui seront analysées pour pouvoir trouver des solutions durables aux problèmes des personnes déplacées internes dans la province du Lac. Il faut aussi noter que selon le système des Nations-unies, les crises dans le Lac, notamment les mouvements des personnes, ne sont plus en urgence, donc, il faut plutôt réfléchir sur des solutions durables. Si les populations déplacées du site de Kaya estiment que depuis 8 mois elles n’ont pas reçu d’assistance, c’est parce qu’elles ne sont plus en état d’urgence. Il va de soi que l’urgence aujourd’hui, ce sont les personnes déplacées venant du Soudan qui ont retrouvé refuge à l’Est du Tchad.
Nadjidoumdé D. Florent.