Lors d’une conférence présentée par un doctrinaire publiciste tchadien à l’occasion de la présentation de son ouvrage intitulé : Le dualisme constitutionnel sur la forme de l’Etat au Tchad ; une contribution dans la recherche de refondation de l’Etat tchadien, lors du Festival International le Souffle de L’Harmattan organisé à l’Université Emi Koussi le 13 octobre 2023, Dr OUSMANE HOUZIBE Koudangbé s’interrogeait opportunément et de façon plus ou moins alarmiste sur la trajectoire que prendra notre Constitution, en l’occurrence, la forme de l’Etat. Je me sentais idéologiquement sinon scientifiquement lier et préoccuper par cette question quand j’avais compris la nécessité pour le constituant tchadien de bondir et saisir l’ingénierie constitutionnelle, mais politiquement ou opportunément impuissant. L’auteur de cet ouvrage a largement fait part de sa préoccupation non seulement sur le balbutiement du constitutionnalisme tchadien qui, somme toute, demeure conjoncturel, mais relève également et par ailleurs le fait qu’il soit enfermé dans le factuel et la témérité lorsqu’il est question de jeter les bases d’une Constitution pérenne et de nous adosser durablement au temps. Depuis la Conférence nationale souveraine, en moins de trois décennies, le Tchad a eu six textes fondamentaux subséquents qui sont loin d’indiquer la girouette du devenir du peuple tchadien (Constitution de 1996, révisée en 2005, Constitution de 2018, révisée en 2020, la Charte de transition et celle révisée). D’emblée, l’intention du législateur est une donnée importante à rechercher dans l’analyse historique et épistémologique des textes. En effet, si sur le projet de Constitution en devenir, donne la possibilité au peuple tchadien de se prononcer sur la forme de l’Etat, il est clair à observer que la « seule » alternative qui semble s’imposer au peuple tchadien est en réalité un « enfermement », un « embrigade » dans le choix d’une forme unique de l’Etat tchadien : l’Etat unitaire. Entre l’Etat unitaire et l’Etat fédéral, il est offert aux Tchadiens deux niveaux de choix dont un choix principal ou privilégié qui est la forme unitaire de l’Etat ; et un second choix et marginal qui est celui de la forme fédérale de l’Etat. A l’évidence, l’article 2 de ce Décret souligne expressément que : « La question soumise au vote du peuple au cours du Référendum constitutionnel est : Approuvez-vous le projet de Constitution qui vous est soumis consacrant la forme unitaire de l’Etat ? ». La réponse à cette question est tout naturellement logique : « Oui » pour la forme de l’Etat unitaire ou « Non » et non pour son rejet. Bien… Loin d’avoir des regards critiques sur quelques spécificités techniques relatives à la couleur des bulletins de vote, leur dimension, le langage, la signification du « Oui » ou du « Non », la subtilité de ce Décret réside, il faut le dire très clairement, dans la proposition du projet de Constitution faite par le constituant tchadien. Il n’y a qu’en réalité qu’UN SEUL choix possible qui s’offre au peuple tchadien, celui de la forme unitaire de l’Etat. La seconde option ou l’autre option devrait-on dire : la fédération, n’interviendrait que dans l’hypothèse où le « Non » l’emporte à la majorité des votants, c’est-à-dire le refus de la forme unitaire de l’Etat l’emportera. Hypothétique ! S’il faut admettre l’hypothèse selon laquelle un vote « Non » majoritaire est aussi probable, mais incertain, le peuple tchadien sera de nouveau convoqué pour une votation référendaire où il devrait choisir cette fois-ci entre « Oui » et le « Non » en ce qui concerne la forme fédérale de l’Etat. L’article 11 dudit Décret donne une idée assez claire de ce choix marginal qui ne sera pas malheureusement dans l’assiette des bulletins de vote. Cet article relève, au sujet de la forme de l’Etat fédérale que : « Si le vote « NON » est majoritaire, une nouvelle Constitution consacrant la forme fédérale de l’Etat devra être proposée au vote des électeurs dans un délai n’excédant pas soixante jour ». Alors, pourquoi pas un choix simultané entre les deux formes de l’Etat ? Pourtant tout est si simple… Du point de vue technique, les choses paraissaient pourtant si simples. La forme fédérale ou l’Etat unitaire, chacune des formes de l’Etat devrait prendre une couleur au moment du vote, donnant la possibilité aux Tchadiens de se prononcer une seule fois sur cette question. La couleur « Blanche » pour la forme de l’Etat unitaire et une autre couleur pour la forme de l’Etat fédéral est aussi possible. Rien que par le choix des couleurs, on donne la possibilité aux Tchadiens de faire un choix unique, en minimisant le risque qu’il soit hypothétiquement convoqué pour cette même question. Mais comme le disait un de mes maîtres, à quoi servent ces votes où les peuples s’opposent entre eux sur leur intérêt ? Le scepticisme gagne la noblesse de la pensée. Quand la politique saisie le droit… Moundou, le 1er novembre 2023.
NGAKO Christophe, Docteur en Droit Public, Enseignant-chercheur, Directeur du Centre d’Etudes et de Recherche de Droit Public (CER-DP).