Cela peut être un souhait du mouvement sportif tchadien et de tous les acteurs du sport. L’organisation des élections couplées qui ont clôturé la dernière phase de la transition, a conduit au renouvellement du gouvernement du Premier ministre, l’ambassadeur Allah Maye Halina. L’intéressé présenta le 23 février 2025 devant la toute nouvelle Assemblée nationale, son Programme de politique générale (Ppg). Approuvé par une large majorité, ce Ppg reçut un quitus qui permettra au gouvernement de continuer la réalisation des 12 chantiers et des 100 actions du président élu de la 5ème République.
Dans ce programme politique, identique au précédent, il est rappelé, non seulement le détail des chantiers et actions retenus, mais indiqué aussi quelques réalisations dans certains départements ministériels. Dans le domaine spécifique du sport, inscrit au chantier n°4 avec ses 4 actions : 39 (2) et 40 (2), rien n’a été signalé. Ce qui dénote le peu de crédit accordé à ce secteur qui n’a d’importance aux yeux des politiques, que s’il produit un résultat qui ferait flotter le drapeau national, retentir l’hymne national, rehausser image du Tchad à l’international.
Toutefois, tout observateur aura noté dans le gouvernement précédent, la participation des athlètes tchadiens aux Jeux olympiques en France, et des équipes nationales de football, les Sao, aux préliminaires des compétitions africaines (Can 2025 et Chan 2026) et des éliminatoires de la Coupe du monde 2026. L’absence des résultats satisfaisants n’a peut-être pas été jugé nécessaire pour présenter un bilan de ces participations. Il n’en demeure pas moins que, la situation du sport tchadien reste toujours sans aucune amélioration.
Ce retour à l’ordre constitutionnel est accompagné par la nomination d’un nouveau ministre de la Jeunesse et des sports, tout aussi jeune que le précédent. Cette nouvelle valse dans ce département qui semble voué aux “services rendus”, permettra-t-il au gouvernement de prendre, cette fois, la mesure de la situation dégradante du sport tchadien ?
Dans le même sillage de ce retour à l’ordre constitutionnel, s’est engouffré le retour à l’ordre fédéral du football tchadien. Prévue initialement le 30 novembre 2023 par le Comité de normalisation (Conor), l’Assemblée générale extraordinaire élective fut suspendue par une ordonnance du Tribunal de grande instance (Tgi) de N’Djaména, suite à une requête des avocats de Tahir Hassan Oley, candidat dont le dossier ne remplissant tous les critères et rejeté par le Conor.
Incongruité tchadienne
Devant cette situation de blocage, le ministre des Sports, Djarma Aumi entra en action, en prenant personnellement la situation en main. Il se mit aussitôt en contact avec les instances de la Fifa/Caf, relançant ainsi le processus de normalisation. Avec leur accord ou pas, il nomma, à la surprise générale, par arrêté ministériel (n°017 du 23 septembre 2024), Baba Ahmat Baba, secrétaire général intérimaire, pour gérer la suite des affaires de la Ftfa. Alors que l’intéressé est, par ailleurs, président en exercice la Fédération tchadienne de lutte.
Une incongruité tchadienne, qui admet qu’un président en exercice dans une fédération, accepte d’être nommé Sg intérimaire d’une fédération sœur. Tout comme Tahir Hassan Oley, président en exercice de la fédération d’escrime et, par ailleurs, conseiller à la présidence de la République, abandonne ses fonctions, associative et de haut cadre de l’état, pour candidater à la tête de la Ftfa. C’est dire que, si l’on ne prend garde, c’est la porte ouverte à d’autres velléités du genre.
Ainsi relancé, le processus a failli encore être interrompu dans son parcours final. En effet, à 48 heures de cette seconde Ag extraordinaire élective, prévue le 1er mars 2025, deux ordonnances des plus hautes instances judiciaires du pays sont délivrées. La 1ère est : sur requête du Tgi de N’Djaména (encore lui), portant suspension de l’Ag extraordinaire de la Ftfa, signée le 27 février 2025. La 2ème : portant maintien de l’Ag de la Ftfa, signée le 28 février 2025, par le président de la Cour suprême.
Cette seconde Ag extraordinaire élective s’est finalement déroulée à la date prévue ce 1er mars 2025. Et ce, en présence du ministre des Sports, des représentants de la Fifa et de la Caf, apportant ainsi la caution de leurs instances à cette élection et légitimé le Sg intérimaire que la Fifa ne reconnaît pas avoir nommé (courrier du 11 novembre 2024). Toutefois, des lettres de félicitation et une invitation à l’Ag extraordinaire de la Caf sont adressées au nouveau président élu de la Ftfa. Présent à l’Ag de la Caf, Tahir Hassan Oley est reçu personnellement par les présidents Infantino (Fifa) et Dr Motsepe (Caf) qui semblent l’assurer de leur reconnaissance.
L’essentiel est de mettre fin à cette crise du football tchadien qui dure depuis plus de 3 ans. Toutefois, même si cette élection est validée par les instances du football international en présence du ministre des Sports, elle n’est pas à l’abri d’un rebondissement. Des recours sont introduits auprès du Tribunal arbitral du sport (Tas) par les deux candidats Ibrahim Foullah et Moukhtar Mahamout, non validés par les commissions électorales spécialisées, mises en place par le Sg intérimaire de la Ftfa.
Que la main tendue soit sincère sans calcul derrière !
L’irruption surprenante du président de la Cour suprême dans un conflit purement sportif n’est certainement pas anodine. Elle a même rendu très controversée l’élection de Tahir Hassan Oley, seul candidat validé pour la présidence de la Ftfa. D’ailleurs, le score obtenu en dit long : 58 voix pour sur 59 votants et 1 bulletin nul, soit 99,99% (NDJH n° 2077). Tout cela n’honore pas notre démocratie associative et notre justice. Mais, maintenant que le vin est tiré, il faut le boire, dit-on.
Dans son discours d’investiture, le nouveau président de la Ftfa tend la main à tous les acteurs et les appelle à le rejoindre pour refonder ce sport populaire. Initiative louable, emprunte sans doute, de fair-play. Pourvu que cette main tendue soit sincère, sans calcul, sans esprits de triomphe et de revanche. Pour appuyer la démarche, il pourra compter sur le soutien du Comité olympique et sportif tchadien (Cost), du ministère de tutelle et éventuellement de celui du Médiateur national qui fut jadis, président de la prestigieuse Fédération de basket-ball tchadien.
Le temps doit être à l’apaisement des cœurs, au rangement des égos et des ambitions personnelles. Il s’agit du TCHAD et de sa refondation, tant prônée par les plus hautes autorités politiques. Il est vrai que cette nouvelle équipe est élue sur la base d’un programme quadriennal qu’il lui faut réaliser. Mais, vu les nombreux défis à relever, rien n’empêche de l’enrichir avec d’autres contributions utiles, provenant des ligues régionales, des clubs affiliés et des anciens footballeurs. A ce stade, aucune compétence n’est de trop.
Le bureau de la Ftfa, dans lequel figurent d’anciens footballeurs dont un ancien ministre de la Jeunesse et des sports qui, par ailleurs, est le président de l’Association des anciens footballeurs du Tchad (Aaft), ferait bien de tirer toutes les leçons de ces péripéties. Le mandat de ce retour à l’ordre fédéral est un défi qui doit être relevé avec tact, minutie et responsabilité.
Car, c’est bien là que le président de la Ftfa et son équipe sont attendus. Cela commence avec la gestion d’un des lourds héritages légués par la situation antérieure. Prendre en main et assurer la gestion de la suite des engagements de l’équipe nationale les Sao, dans les éliminatoires de la coupe du monde 2026, constitue leur baptême de feu et le premier challenge à relever. Celui-ci a déjà enregistré 4 matches livrés dans cette compétition, sans aucun point marqué au compteur.
Le sport n’est pas la guerre
Ce début très attendu s’avère donc difficile. En effet, dans un show médiatique pour galvaniser, dit-on, les Sao, le président de la Ftfa, le ministre des Sports et le Premier ministre, ont utilisé des mots plus militaires que sportifs, en rappelant aux joueurs qu’ils sont “des combattants”. Arborant un maillot des Sao, le chef du gouvernement leur a demandé de foncer car ils ont le soutien du peuple tchadien et du président de la République, le maréchal Mahamat Déby Itno.
Après les 2 matches livrés contre le Ghana (5 à 0) et les Comores (1 à 0), la température est retombée. Surtout que cette opération de galvanisation des joueurs n’a pas suffi, pour produire une prestation rassurante. Maintenant, les uns et les autres doivent tirer les leçons utiles de cette courte sortie. Les conseillers : du ministère des Sports, de la Primature et de la Présidence de la République, doivent, pour ce qui les concerne, avoir le courage de dire à leur hiérarchie respective, que le sport n’est pas la guerre, les sportifs ne sont, ni des combattants ni des guerriers. Ces types d’encouragements sont même contreproductifs.
Le nouveau bureau de la Ftfa quant à lui, doit prendre la mesure de la tâche, se pencher en toute lucidité sur la situation, avant la prochaine échéance des Sao. Sans doute qu’on a des cadres techniques compétents et de qualité, mais ils ont tous besoin de renforcer leurs capacités pour préparer et gérer au mieux les compétitions sportives de haut niveau. Les moyens limités et les réalités complexes du pays nécessitent un niveau d’adaptation plus élevée.
Pour être honnête, il faut avoir le courage de reconnaître que les formations Fifa/Caf et leurs différents niveaux de licence, montrent leurs limites pour l’exercice du haut niveau. Ne pas intégrer aujourd’hui cette donne, c’est faire fausse route. Il faut donc chercher des formations complémentaires ailleurs, pour relever le niveau de nos techniciens. Et pour ce faire, il serait plus judicieux de solliciter le concours des pays amis de football, accrédités chez nous : France, Allemagne, Angleterre, Espagne, Turquie, Maroc, Algérie, Egypte, pour ne citer que ceux-là. Tout comme il faut mettre à contribution l’Injs (Institut national de la jeunesse et des sports) pour les stages réguliers de recyclage et la formation des éducateurs sportifs destinés à l’encadrement de la pratique des jeunes.
Les sports et le football en particulier, sont de nos jours, des outils indispensables pour la culture de la cohésion sociale et du vivre-ensemble dans un pays comme le nôtre. Que le gouvernement ait des priorités dans son programme, cela peut se comprendre. Cependant, il ne doit plus se limiter à la rhétorique habituelle : “sur instructions fermes du chef de l’état”. Les 1 800 000 000 francs CFA, décaissés et annoncés devant le Conseil national de transition (Cnt) par le ministre des Finances, pour les préliminaires des Sao à la Can 2025, démontrent à suffisance que, si volonté il y a, le sport tchadien retrouvera une place à la hauteur de ses ambitions. A bon entendeur, Salam !
Bangali Daouda Boukar
Bureau d’Etude et Conseils en Sport
Email: [email protected]
Tel: +33 6 13 82 96 26.