Rétropédalage de Christian Routouang

Les 6 et 8 octobre 2021, le ministre en charge des Sports, Routouang Mohamed Christian Ndonga, prend des arrêtés portant rétractions des arrêtés 10 et 8 qui ont respectivement retiré définitivement les délégations de pouvoirs aux Fédérations tchadiennes de football association (Ftfa) en mars et celle de l’athlétisme en avril 2020. Une mission de la Fifa-Caf est à N’Djaména pour constater le retour à la normale.

Un autre arrêté abroge celui du 8 juillet 2021, portant mise en place d’un comité national de gestion provisoire de l’athlétisme au Tchad (Cngpat). Cet arrêté invoque des raisons d’équité, au regard du décret du 21 septembre 2021, qui a abrogé celui portant mise en place du Comité national de gestion provisoire du football au Tchad (Cngpft) du 12 mars 2021. Ce recul est à saluer sans parti pris, parce que le bras-de-fer qui a perduré entre les deux fédérations et le ministère de tutelle, s’avère finalement inutile. Avec le recul également, on peut analyser ou interpréter cette situation de deux manières. Soit le ministre ne maîtrise pas les dossiers, soit ses collaborateurs ne l’imprègnent pas suffisamment des textes qui régissent le département des sports et ses enjeux. Dans le premier des cas, il rejoigne bon nombre de ces prédécesseurs, qui sont passés par le département via la politique, sans que leurs parcours ne soient de près ou de loin associés à une quelconque discipline sportive. Ce qui explique ces deux pas en arrière, qui traduisent les errements de celui qui s’est trompé et qui finalement, reconnaît ses erreurs. C’est un acte responsable à lui reconnaître. Dans le second cas, difficile de cerner les raisons inavouées, qui peuvent ou amènent les collaborateurs d’un ministre à l’induire en erreur de façon aussi éhontée et flagrante. La raison a fini par triompher et l’intérêt supérieur des sports reprend ainsi le dessus, par rapport à toutes les considérations, qui ont contribué à freiner de quatre fers le football et l’athlétisme.

 

Retour à la case départ

Le bureau du conseil de la Fifa, à travers deux correspondances datées du 11 octobre, adressées à la Fédération tchadienne de football association (Ftfa) et à ses associations membres (circulaire n°1773), prend acte de la levée de la suspension à elle infligée et décide également à son tour, de lever la suspension de la Ftfa avec effets immédiats. Pour la Ftfa, il est convenu qu’entre les instances de la Fifa-Caf, le président de la Ftfa, Moctar Mahamoud et le ministre des sports, suite à une réunion tenue le 24 septembre 2021, qu’une mission conjointe Fifa-Caf sera dépêchée à N’Djaména pour contribuer à rétablir une relation durable entre le ministère et la fédération, et examiner en détail les circonstances dans lesquelles les élections au bureau exécutif de la Ftfa ont été organisées en décembre 2020. Quant aux associations membres, les équipes représentatives et les clubs de la Ftfa peuvent à nouveau participer à des compétitions internationales. Aussi, les membres et officiels de la Ftfa peuvent-ils de nouveau bénéficier des programmes de développement, cours et formations dispensés à la Fifa ou la Caf. De plus, les associations membres peuvent entretenir de nouveau des relations sportives avec la Ftfa et ses équipes.

En novembre 2020, lorsque le ministère avait voulu s’immixer dans le processus électoral de la Ftfa, afin de suspendre les élections en vue, la Fifa, par le canal de son interlocuteur la Ftfa, l’avait pourtant bien averti que son immixtion dans les affaires de la Ftfa est contre indiquée aux regards des textes qui régissent la fédération. Tout en lui rappelant que “(…) chaque association membre de la Fifa jouit d’une indépendance et d’une autonomie à préserver de toute ingérence extérieure à la Fifa, qu’elle soit étatique ou autre. Les associations membres de la Fifa sont en effet statutairement tenues de gérer leurs affaires de manière indépendante et sans influence indue des tiers (cf. art.14, al.1 lit.i) et art.19 des statuts de la Fifa (…) Dès lors, nous vous prions de bien vouloir informer le ministre du contenu de la présente et vous invitons à poursuivre l’organisation de l’assemblée générale élective prévue le 12 décembre 2020. Si vous devez en être empêché pour quel que motif que ce soit, nous vous prions de nous informer pour suites utiles et éventuelle décision du Bureau du conseil de la Fifa”. Après l’élection organisée à la date retenue, qui a reconduit le bureau sortant, il s’en est suivi le retrait de la délégation du pouvoir par le ministère, puis la mise en place par décret d’un Comité national de gestion provisoire du football au Tchad. Et nous revoilà à la case départ !

 

Même cause, même effet

Au niveau de l’athlétisme, le ministre a hérité de son prédécesseur, une situation quasi similaire, parce que ce dernier tenait à une assemblée générale élective “inclusive”, c’est-à-dire accessible à n’importe quel individu, dit-on, au mépris des textes qui régissent la fédération. Il s’en suivra un retrait provisoire puis définitif également de la délégation du pouvoir, avec au bout, la mise en place par arrêté, d’un Comité national de gestion provisoire de l’athlétisme au Tchad (Cngpat) le 8 juillet dernier. Si aujourd’hui, le président de la fédération Faudet Ali parle de “ni gagnant, ni perdant”, on peut relativiser cela et le mettre sur le compte du fairplay. Cette situation de se regarder en chiens de faïence a certainement impacté la participation du Tchad aux Jeux olympiques de Tokyo 2021, du moment où la Fta qui est l’interlocutrice attitrée de ces jeux n’a pas été associée aux préparatifs pour les raisons sus indiquées. Et il y a des raisons de le croire, sinon comment comprendre ou expliquer que nos athlètes soient partis sur la pointe des pieds et rentrés sans battre tambours ni trompette? Même si l’essentiel est de participer, nous n’avons pas à rougir de leur performance, mais plutôt devons les encourager à toujours être présents dans les JO. Ce qui est d’ailleurs relevé dans la parution de Ndjh n° 1897 du 16 au 22 août 2021, sous la plume de Bengali Daouda Boukar, titré “L’essentiel était de participer”.

 

Regarder dans la même direction

Maintenant que tout est rentré dans l’ordre, et que les différentes parties prenantes s’accordent à reconnaître qu’il a manqué de la communication intra partie pour un dialogue responsable, il est temps de recadrer la collaboration en l’adossant aux textes fondamentaux. Mettre l’intérêt supérieur des sports au-dessus de toutes les contingences et s’élever également au-dessus des basses considérations, qui tirent le développement des sports vers le bas, surtout celui de haut niveau qui a déjà du mal à prendre ses marques.

Roy Moussa