« Courrier du lecteur »
Mme Idayam Naibert, vice-présidente du Forum des éducatrices africaines (Fawe-Tchad) répond à Moussa Kadam qui pense que pour redorer le blason de l’école tchadienne, il faut : « rehausser les taux d’inscription des écoles publiques à 2500 FCFA et la scolarité à 5000 FCFA par trimestre, afin de permettre aux établissements de disposer d’un petit pactole pour se prendre en charge ».
« Personnellement, je dirais que la proposition du ministre d’augmenter les frais d’inscription et d’instaurer le versement des frais de scolarité par trimestre est la bienvenue parce que nous sommes à une période où on cherche les voies et moyens pour pouvoir améliorer le système éducatif tchadien. Cependant, cette proposition de porter les frais d’inscription à 2500 francs CFA et fixer la scolarité trimestrielle à 5000 francs CFA est, à mon avis, difficilement soutenable par les parents d’élèves. Vu que les parents d’élèves ont beaucoup fait, du fait que ces dernières années, les ressources allouées à l’éducation nationale n’étaient pas suffisantes pour soutenir le système en tant que tel. La part de ces ressources ne permet pas à l’État de travailler de manière à améliorer le système éducatif. Et si ces ressources ne permettent pas à l’État d’accomplir sa mission, il faudrait bien chercher d’autres sources de financement. S’il faut revenir demander aux parents de payer plus que ce qu’ils payaient avant, c’est difficile eu égard à la pauvreté qui s’accentue au jour le jour. Ils seront donc incapables de payer les frais supplémentaires que propose le ministre. Même les frais décidés dans les différents établissements ne sont pas honorés par beaucoup de parents, faute de moyens. S’il faut encore augmenter ces frais, ça serait une manière de dire aux parents, n’envoyez pas vos enfants à l’école. Ce qui les poussera à garder leurs progénitures à la maison et les filles n’auront plus accès à l’éducation. Si la proposition du ministre de l’Éducation nationale, Moussa Kadam venait à être retenue, je ne pense pas qu’elle améliorerait la qualité du système éducatif ; au contraire, elle va l’anéantir. Les travaux de Mbaïosso et de Thalès (paix à son âme) qui traitent de la question de l’éducation sont assez édifiants. Thalès a relevé dans ses travaux que le système éducatif tchadien est à terre et je suis d’accord avec lui. D’accord en ce sens que les indicateurs du système sont au rouge et comme tel, ça ne peut pas améliorer le système éducatif. Pour ce faire, l’État doit plutôt chercher les solutions ailleurs, car, il y a des domaines qui relèvent purement de lui. Le financement de l’éducation est de son domaine régalien. Il est bien vrai que l’éducation occupe la première place dans le budget de l’État, mais la proportion qui arrive effectivement dans l’éducation est très insuffisante. Or, toute politique éducative a un prix à payer. Plus elle est ambitieuse, plus elle coûte cher. C’est pour cela que j’avais évoqué ci-haut que le financement de l’éducation relève du domaine de l’État. Les parents d’élèves contribuent, mais ne peuvent pas suppléer l’État en finançant l’éducation. Puisque c’est par l’éducation qu’on développe un pays, et si on doit demander aux parents de jouer ce rôle à la place de l’État, notre système ne tiendra pas debout. Il faut relever que face aux dépenses liées à l’éducation, les parents apportent déjà leur contribution en fourniture scolaire et en construction quelquefois des structures d’accueil, leur équipement et leur fonctionnement. Mais cela ne suffit pas. L’État doit s’engager résolument à redresser le système éducatif tchadien. Les parents d’élèves ne pourront venir qu’en appui.
Concernant l’amélioration du système éducatif tchadien tant au niveau primaire, fondamental, secondaire ou supérieur, tout ne marche pas comme on souhaite. C’est parce que l’État a des difficultés à prendre à bras le corps le financement du système éducatif. Et si l’État est incapable à faire fonctionner son système éducatif, c’est l’avenir du pays qui est en jeu, parce que c’est à partir de l’éducation qu’on peut développer le capital humain. Pour cette raison, on ne peut pas demander aux parents d’élèves de financer le système éducatif. Et même s’ils sont animés de bonne volonté, leurs moyens ne leur permettront pas. Je demanderai à cet effet au ministre de revoir sa proposition et de se tourner vers des sources de financement innovantes si nous voulons arriver à un résultat qui puisse nous arranger tous. Et, puisque l’éducation est l’affaire de tout le monde, chacun est donc interpelé à apporter sa contribution. C’est seulement ainsi que nous parviendrons à améliorer tant qualitativement que quantitativement le système éducatif tchadien. L’augmentation des frais de scolarité ne pourra pas améliorer le système éducatif, au contraire, elle va contribuer plutôt à réduire l’accès à l’éducation, ce qui sera dommage pour les parents, leurs enfants et le Tchad. »