Timide reprise des activités sur le pont de Nguéli

Depuis l’annonce de l’ouverture des frontières du Tchad avec ses voisins le 17 juin dernier, le rythme des échanges commerciaux entre N’Djaména et Kousséri, la ville voisine camerounaise, peine à atteindre sa vitesse de croisière.

Samedi 26 juin, sur le pont de Nguéli, le mouvement des personnes est très faible, comparativement à l’époque d’avant la fermeture des frontières due à la survenue du Covid-19. L’on ne remarque pas encore des bousculades habituelles. Les passants sur le pont à piétons se comptent au bout des doigts. Des deux côtés du pont, le calme règne encore. Les rares moments où l’on constate des interactions sont quand les passants s’arrêtent pour se soumettre aux contrôles infinis des forces de l’ordre postés à l’entrée de chaque côté du pont.

De l’autre côté du fleuve Logone, les commerçants n’ont pas encore retrouvé leur sourire d’antan. Les marchandises non liquidés depuis des mois sont stockés par tas à quelque 100 m du pont du côté camerounais. Les moyens de déplacement (motos et voitures) qui se disputaient le passage sur l’unique voie publique en direction de la ville, il y a deux ans, sont quasi inobservables.

Au marché de Kousséri, la situation demeure plus délicate. Les couloirs du marché sont quasiment déserts. Les commerçants, à vue d’œil tristes, sont seuls devant leurs boutiques, le regard pensif. Quelques rares boutiques reçoivent des clients qui finissent par partir sans payer un seul article. “Depuis la fermeture des frontières, ces boutiques (indiquant du doigt) sont restées fermées parce qu’il n’y pas de clients. Certains sont allés à Douala pour trouver de quoi nourrir leurs familles, d’autres ont quitté la ville”, renseigne un commerçant du marché central de Kousséri.  Même constat d’un “clandoman” mais un peu soulagé de la réouverture des frontières. “Il faudrait venir bien avant l’ouverture des frontières pour s’imprégner des réalités que vivent les commerçants, les tenanciers des bars et d’autres secteurs d’activités. Les gens faisaient pitié car les activités tournaient au ralenti. J’ai vu des grands commerçants qui rentraient avec zéro franc en deux jours d’activités. Je rentrais parfois avec 500 francs en poche il y a deux semaines. Avec l’ouverture des frontières la situation s’améliore, il y a mouvement dans la ville”, se réjouit-il.

Au carrefour du marché où se logent les débits de boissons, un calme inquiétant prévaut. Les tables et chaises sont presque vides. Un seul bar sur quatre est animé. Les gérants et servants cherchent des yeux des clients sur la voie publique en leur proposant leurs services disponibles. “Approchez, nous avons des maquereaux bien grillés et des boissons bien fraîches pour soulager votre fatigue”, hèlent-ils.

Sur le chemin de retour, les points de contrôle de la police camerounaise ne pipent pas mots au passage des engins. La cellule de surveillance sanitaire quant à elle, observe les passants sans prendre leur température. Nous avons demandé le prélèvement de la température mais la réponse nous a laissé perplexe : “Vous étiez ici à Kousséri n’est-ce pas? Il n’y a personne pour vous contaminer. Allez-y !”, répondent les agents de santé.

 

Les vieilles habitudes de racket au rendez-vous

Si un aspect de la vie sur le pont de Nguéli est resté intact, c’est la vielle habitude de racket des douaniers, policiers et gendarmes. Gourdin, chicote et kalachnikov en main, les douaniers fouillent systématiquement tout véhicule qui entre sur sol le tchadien. Le moindre geste de résistance d’un conducteur est susceptible de provoquer la hargne des douaniers. Sur le pont réservé aux piétons, malgré le faible effectif des passants, les policiers et douaniers qui se trouvent dans différents postes (minimum 5 sur le pont hormis les agents mobiles) passent au peigne fin les petits paniers contenant les denrées alimentaires que détiennent les femmes et enfants. “Je ne veux pas faire des achats à Kousséri à cause des contrôles insensés”, réagit une dame fatiguée de déballer à maintes reprises le contenu de son panier. Mais là ne s’arrête pas sa galère. Une fois les multiples points de contrôles franchis, les agents de la douane mobile sont encore là le long du parcours menant vers N’Djaména, pour d’autres fouilles. Ils exigent aux petits commerçants une autre taxe de passage sans délivrer un seul reçu, alors que la même marchandise a déjà subi un droit à l’entrée du pont.

NA&NDN, stagiaire