Trois ministres face à la presse

Le ministre de la Communication, celui de la Sécurité et de l’immigration et le garde des sceaux, chargé des droits humains ont animé une conférence de presse le 4 novembre 2021 dans les locaux de l’Onama. Les échanges ont porté sur les questions socio-politiques et sécuritaires.

“C’est un exercice qui ne fait que commencer car dans les jours à venir, vous aurez devant vous d’autres ministres pour vous entretenir sur des questions diverses concernant leurs départements”, introduit, le ministre de la Communication, Abdramane Koulamallah.

Dans leurs propos liminaires, les ministres ont fait l’état de la situation socio-politique en commençant par la justice. Pour le ministre de la Justice, Mahamat Ahmad Alhabo, les violations des lois édictées au Tchad deviennent courantes et l’on a l’impression qu’elles augmentent du jour au lendemain, quoique la justice fait son travail. “Au courant d’une même semaine, un frère égorge sa sœur, un mari détruit les organes productifs de sa femme, les tortures au nord du pays dans les kouris (zone d’exploitation de l’or) deviennent monnaie courante, …”, déplore le ministre de la Justice.

Sur l’affaire World vision qui a défrayé la chronique, le garde de sceau rappelle que la loi autorise dans son intérêt d’empêcher certaines décisions qui porteraient préjudices à la communauté. “World vision intervient dans la partie méridionale de notre pays, elle agit en appuyant les pauvres, notamment les paysans en leur fournissant des intrants, semences, matériels agricoles et en les encadrant. Elle contribue également à la prise en charge des enfants en leur apportant toutes les aides financières et matérielles pour assurer leur éducation. Les responsables de World vision étaient en vacances lorsqu’un des agents de cette institution a usurpé le titre de responsable et signé un contrat avec un homme d’affaires. L’affaire est portée en justice et l’usurpateur du titre se trouve actuellement en prison au centre pénitencier  de Klessoum. C’est pour dire que la justice a donc reconnu que l’identité de l’organisation a été usurpée par un individu, fut-il leur agent, pour engager l’institution dans l’achat et la fourniture de service. Mais par une alchimie et une magie incroyable, la même justice demande à l’institution de payer une somme de presque 900 millions de francs CFA avec des dommages et intérêts. La somme des deux dépassant les milliards pour être versée à cette personne. Le monsieur est passé par tous les contacts jusqu’à venir chez moi avec plusieurs autres personnes pour me proposer des deals afin que je débloque l’exécution de la décision de justice. Mais mon rôle en tant que ministre de la Justice n’est pas de favoriser les amis, les parents de gagner de l’argent indu. J’ai utilisé ce que la loi me donne comme pouvoir. J’ai interdit qu’on puise dans le compte de World vision et donner cette somme à un individu”, explique le ministre.

Par rapport à la disparition de Tom Erdimi, le garde des sceaux déclare que les autorités tchadiennes n’ont rien à y voir puisqu’il est sous la protection du Haut-commissariat des réfugiés (Hcr) et surtout dans un autre pays. Sinon, il est prêt à faire ce qu’il faut pour qu’il soit retrouvé car en plus d’être citoyen tchadien, Tom et lui ont cheminé ensemble dans leur parcours depuis le collège jusqu’à l’université.

Il promet, en ce qui concerne les tortures infligées aux compatriotes au nord du pays, précisément dans le Borkou-Ennedi-Tibesti, que des efforts sont en train d’être fournis pour que tous les auteurs des actes humiliants et dégradants soient sévèrement punis par la loi. Malheureusement, reconnaît-il, il y a des zones de non droit dans le BET. L’accès des forces de l’ordre dans certaines zones est difficile et l’autorité de l’Etat dans cette partie du pays semble être faible à cause du fait que le contrôle de la zone échappe aux forces de défense et de sécurité.

 

Sécurité

Le ministre de la Sécurité publique et de l’immigration, Souleyman Abakar Adoum se satisfait des résultats sécuritaires obtenus depuis la mise en œuvre des SSS (Sécurité, la sûreté et la sincérité). Il rappelle que la police a cadré plus de 14 marches pacifiques, sans incidence et que les différentes commissions mixtes ont récupéré plus de 2 000 armes lors des différentes opérations de fouilles.

Concernant les constantes modifications des itinéraires des marches, le ministre de la Sécurité publique justifie cette décision par le fait que l’Etat ne peut permettre qu’il y ait des marches sur des axes sensibles. “Pour ne pas perturber la vie publique, nous sommes dans l’obligation de revoir les itinéraires parce que s’il se trouve dans l’itinéraire choisi, des écoles et des hôpitaux ou cliniques, il y aura des perturbations. Aussi, le choix de l’axe rond-point Hamama et le Palais du 15 janvier est pour nous stratégique car nous voulons que tout le monde marche. C’est notre manière d’aider les marcheurs puisque cet itinéraire est au centre de la ville car il facilite la tâche aux marcheurs qui viennent des quartiers sud comme ceux qui viennent des quartiers nord”, ajoute-t-il. Malheureusement, cette défense grossière du ministre est perçue de tous comme un mensonge ahurissant. Ce mensonge de Souleymane Abakar Adoum voile mal un abus de pourvoir, même si l’auteur clame que le Tchad est le seul pays en Afrique centrale à autoriser les marches.

 

“C’est un canal et non une tranchée”

Ridicule ! A l’école du mensonge, personne ne peut douter de la fréquentation du ministre de la Sécurité publique et de l’immigration. Souleymane Abakar en sort un autre carreau. La tranchée creusée tout autour de N’Djaména est plutôt un canal à drainer les eaux des pluies et non une tranchée. Pour lui, ce sont les tchadiens qui n’arrivent pas à bien faire la différence entre les termes tranchée et canal. Ce canal a été creusé en 2006 pour irriguer les eaux de N’Djaména et faciliter l’entretien de la ceinture verte mais surtout permettre aux habitants de faire des cultures maraîchères tout autour. Mais l’aspect sécuritaire, poursuit-il son intervention cousue de fil blanc, s’y est ajouté en 2008, par pur hasard, …

 

“La révision de la charte n’est pas une priorité”

“La révision de la charte de transition n’est pas une priorité pour le Conseil militaire de transition, surtout dans la phase actuelle. On ne peut pas être là à modifier la charte à la convenance des gens qui ne se voient pas dedans. Elle a une durée provisoire de 18 mois. Nous ne la réviserons pas pour ne pas retarder la transition”, intervient à son tour le ministre de la Communication qui a déclaré il n’y a pas longtemps ne pas reconnaître l’existence d’une tranchée ou d’un canal, qui était en train d’être creusé à la périphérie nord-est de N’Djaména. Alors que les tchadiens et même l’envoyé spécial de l’Union africaine, Basile Ikouébé attendent impatiemment la révision de la charte de transition au dialogue national inclusif en préparation, le porte-parole du gouvernement, Abdramane Koulamallah, dévoile l’intention du Conseil militaire de transition de ne pas vouloir réviser la charte de transition. Comme tel, le risque du retour à la case départ est imminent puisque les 18 mois inscrits dans la charte sont renouvelables. Or, l’Union africaine a décidé d’accompagner la transition sous quelques conditions parmi lesquelles la révision de la charte.

  Minnamou Djobsou Ezéchiel