Un enfant, une famille

Le Tchad a ratifié en octobre 2020, les Directives de l’Organisation des nations unies (Onu) relatives à la protection des droits de l’enfant, en l’absence d’une politique nationale de protection de l’enfant et d’une loi qui encadre les activités destinées à la protection de ce dernier. Le ministère en charge de la protection de l’enfance et les institutions locales de prise en charge alternative ou de remplacement continuent de mener des activités dans un flou juridique et le reconnaissent.

Avec la ratification de ces Directives, les prochaines étapes porteront sur leur vulgarisation et leur mise en œuvre. Par conséquent, elles conduiront nécessairement à   la désinstitutionnalisation de la prise en charge alternative, en d’autres termes, la fermeture des institutions de prise en charge. Selon l’esprit des lignes directrices, “la meilleure place de l’enfant est dans une famille et non dans une institution”. Ce qui est traduit dans l’article 20, alinéa 3 de la Convention sur les droits de l’enfant (Cde) en ces termes: “Tout enfant, temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciale de l’Etat. Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme de placement dans une famille, de la kafalah en droit islamique ou de l’adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement approprié comme mesure de dernier ressort. Dans le choix de ces différentes solutions, il est dûment tenu compte de la nécessité d’une certaine continuité dans l’éducation de l’enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique”.

Les objectifs de ces lignes directrices concernent le renforcement de la mise en œuvre de la Cde et des dispositions pertinentes des autres instruments juridiques internationaux relatives à la protection et au bien-être des enfants privés de protection parentale ou risquant de l’être. Plus spécifiquement, il est question d’assurer le maintien ou le retour de l’enfant dans sa famille ou, à défaut, lui trouver une autre solution appropriée et permanente, y compris au moyen de l’adoption.

Les principes fondamentaux s’appuient sur la nécessité, l’adéquation, l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit de participation et la prédilection pour la prise en charge en milieu familial. Les lignes directrices stipulent clairement que la pauvreté financière ou matérielle ne constitue pas des critères suffisants pour séparer un enfant de sa famille. Les formes de remplacement (arrangement formel et/ou informel), les critères de sélection des familles d’accueil, le mode de prise en charge des enfants en famille d’accueil transitoire, les trois différents types de placement selon la durée, le rôle de la société et de l’Etat dans la  promotion et la consolidation des droits de l’enfant sont passés au crible.

Au Tchad, les parties prenantes à la protection des droits de l’enfant admettent que les institutions de prise en charge alternative ou de remplacement se sont arrogées les responsabilités de l’Etat. C’est pourquoi, souvent, il est invoqué la question de l’absence de collaboration avec ce dernier. Ce à quoi l’Etat répond qu’actuellement aucune  disposition de loi ne permet aux structures de prise en charge de l’enfant de bénéficier de son appui. Or, il est reconnu que ce même Etat place des enfants dans ces institutions, sans moyens d’accompagnement pour leur prise en charge, ni ne s’assure d’un mécanisme pour le suivi des enfants placés. S’adapter aux Directives, c’est fermer ces institutions, dont les statuts varient d’une structure à l’autre, et rendent grandement service à l’Etat. A l’exemple de Sos Villages d’enfants Tchad (Sos/Vet), qui a organisé en décembre dernier un atelier de contextualisation de ses propres directives, en tenant compte des us et coutumes locales, en adéquation avec celles de l’Onu. L’objet a été de contribuer à l’amélioration du mécanisme national de prévention contre les mauvais placements. Dès lors, on est droit de se poser certaines questions : si la mise en œuvre des Directives doit entraîner la fermeture de toutes ces institutions, comment l’Etat entend solutionner la problématique de la prise en charge des enfants vulnérables qui constituent des catégories cibles pour ces institutions ? Combien sont-ils au Tchad, ces enfants vulnérables qui ne bénéficient pas de ces protections choisies ?

Le projet de  loi sur la Politique nationale de protection de l’enfant, qui est dans les tiroirs de l’Assemblée nationale depuis 2015, selon la direction de l’enfance, est-il encore en adéquation avec les Directives et l’environnement de l’heure ? Autant de questions qui attendent des réponses appropriées.

Roy Moussa