Lors de son adresse à la Nation, le 31 décembre 2020, le président Déby a instruit le gouvernement à l’effet de prendre des mesures pour lutter contre la Covid-19. L’instruction du chef de l’Etat suivi d’un décret astreint la ville de N’Djaména à un confinement total pour une semaine renouvelable. Avec des conséquences sur le vécu des N’djaménois et sur toute l’économie tchadienne.
Tout le monde s’attendait à recevoir une bonne nouvelle pour le nouvel an. Hélas ! Il n’en est rien du tout. Au contraire, c’est une décision au couperet prise par les plus hautes autorités du pays, à quelques heures de l’an 2021 qui vient doucher les espérances de nombreux tchadiens vivant dans la capitale. De mémoire d’homme, jamais les N’djaménois n’avaient passé la saint-sylvestre avec autant d’angoisses, de contrariétés et désolations. Tant le décret présidentiel annonçant le confinement total de la ville de N’Djaména pour compter du 1er janvier à partir de 00 h pour une durée d’une semaine renouvelable isole la capitale et est perçu comme une pilule bien amère qu’il faut avaler. En plus des périodes difficiles dues à la Covid-19 vécues le long de l’année 2020, les habitants de N’Djaména n’ont pas eu le droit de goûter à l’extase habituelle des fins d’année, surtout de la saint-sylvestre. A cause du nombre de cas testés positifs à la Covid-19 jugés élevés (Ndlr : 400 cas en un mois selon le ministre secrétaire général à la présidence de la République) dans la capitale depuis plus d’une semaine et qui, selon le gouvernement fait craindre le pire. Surtout, compte tenu des activités intenses et du nombre élevé des habitants de la capitale estimé à près de deux millions d’âmes, jugés propices à une multiplication des cas de la Covid-19.
Ainsi, selon les termes du décret N°2585/PR/2020, sont fermés et ou interdits, “les frontières terrestres de la ville de N’Djaména, les établissements scolaires et universitaires publics et privés, les lieux de cultes; tout regroupement public ou privé de plus de 10 personnes, les bars, restaurants, magasins et les grands marchés, les transports urbains et interurbains, les services publics et privés non essentiels, les attroupements à l’occasion de baptême, mariage, décès et enterrement”. Les frontières aériennes, elles, “sont fermées pour compter du 4 janvier 2021 à partir de 00 heure”.
Une dérogation autorise certaines activités ou services à fonctionner. Ce sont par exemple: “les centres de santé, les cliniques privées, les hôpitaux, les boulangeries, les pharmacies, les étals, commerces et transports des produits alimentaires, le service des pompiers, le service d’eau et d’électricité, les hôtels, les vols cargos”.
Ainsi, dès le 1er janvier, les marchés ont fermé. Les mamans, vendeuses des produits vivriers et autres légumes voient, de leurs yeux larmoyants, leurs enfants dormir le ventre creux. Les activités autour qui font vivre au quotidien de nombreux foyers sont mortes. C’est la tristesse et la désolation chez ceux qui vivent des petits métiers comme les charpentiers, les plombiers, les maçons, les tâcherons, les cireurs et autres. De nombreuses personnes revenant des provinces, amassées aux portes sud et nord de N’Djaména, notamment à Koundoul et Djarmaya ne peuvent faire leur entrée dans la capitale, faute d’une impréparation totale des autorités.
Mais à peine mises en application, les mesures relatives au confinement total mettent vent débout de nombreux tchadiens qui estiment qu’elles sont prises à la va-vite et contreproductives. “Nous sommes excédés par ces mesures gouvernementales. Comment peut-on prendre un décret aussi lourd de responsabilité et le mettre en application quelques heures après. Ce n’est pas sérieux !”, s’emporte un habitant de N’Djamena qui trouve anormal qu’on demande aux gens de ne pas sortir de chez eux sans leur donner l’occasion ne serait-ce que pour s’approvisionner en produits de premières nécessités. “De telles mesures devraient être précédées d’un préavis de deux à trois jours pour permettre aux ménages qui gagnent leur pain au quotidien de s’organiser. Malheureusement, nous sommes dans un pays où les autorités n’ont aucun respect pour la population. Au lieu des mesures improductives, on aurait beaucoup à gagner en privilégiant par exemple les sensibilisations de masse et les communications de proximité afin d’amener les gens à un changement des comportements”, complète un autre.
Rebelote. Non content de l’application des mesures, le ministre secrétaire général à la présidence la République revient à la charge dans l’après-midi du 2 janvier. Au cours d’une réunion de suivi avec les membres du gouvernement et les services chargés de veiller au respect des mesures barrières, il déplore la non-application du décret 2585 portant confinement et renforcement des mesures sanitaires. “Il s’agit d’un confinement total de la ville de N’Djaména. (…) Personne ne doit sortir de chez-lui à l’exception de ceux qui travaillent dans les services et exercent les activités citées par le décret du 31 décembre 2020 (centres de santé, cliniques privées, boulangeries, pharmacies, sapeurs-pompiers, hôteliers, personnel de la Société nationale d’électricité et la Société tchadienne des eaux, les étals, commerces et transports des produits alimentaires ainsi que les vols cargos)”, a-t-il martelé. Par ailleurs, le ministre Sgp fait savoir que “les agences de voyages des autres villes du Tchad sont interdites de transporter des passagers en direction de la capitale jusqu’à la levée des mesures de confinement de la ville de N’Djaména”. Il poursuit que “les avions de la compagnie Tchadia Air lines ne sont pas autorisés à voler”. Une bonne nouvelle apparaît tout de même dans la communication du ministre Sgp. Des instructions fermes ont été données par le ministre Sgp pour décanter la situation des voyageurs bloqués aux entrées de N’Djaména. En dépit de cette nouvelle, que deviendront ces nombreux étudiants, fonctionnaires, travailleurs du privé venus des provinces ou d’autres cieux passer les fêtes de fin d’année avec leurs familles à N’Djaména barrée et barricadée depuis le 1er janvier ? C’est un des problèmes parmi tant d’autres à quoi les autorités doivent trouver des solutions idoines dans un meilleur délai.
Gaspard Boulaledé
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.