Enlèvements contre rançons au Mayo-Kebbi ouest: Un semblant de réponse gouvernementale
Après moult revendications, une zone de défense et de sécurité est désormais installée dans la province du Mayo-Kebbi ouest. Mais pour les populations locales, le mal est profond et exige une riposte appropriée.
Plusieurs sources confirment le déploiement d’environ 3 000 éléments de forces de défense et de sécurité dans le Mayo-Kebbi ouest, de juillet à août dernier. Désormais une zone de défense est installée dans ladite province pour protéger les citoyens. Une mission assurée précédemment par la légion de gendarmerie. Ce déploiement est depuis longtemps sollicité par la population, les leaders d’opinion ressortissants de cette province en proie d’incessants assassinats et enlèvements contre rançon.
Dikbo Hubert, natif de la sous-préfecture de Lamé qui a connu plusieurs cas d’enlèvements, reconnaît qu’il y a une sorte “d’accalmie depuis que les militaires sont déployés en juillet dernier. Parce que précédemment, il y a eu des enlèvements avec un nombre important d’otages. Mais ce n’est pas autant dire que la présence de ces militaires a tout résolu”. En effet, dans la nuit du 7 au 8 octobre 2020, un agriculteur âgé de 45 ans a été assassiné dans sa chambre par des inconnus dans la zone de Pala rural. Les témoignages soupçonnent un règlement de comptes puisque les enfants de la victime auraient été arrachés des mains des ravisseurs en 2010 sans versement de la rançon. “L’assassinat de la semaine dernière nous inquiète. Malgré la présence des militaires, les gens arrivent à commettre un tel crime et ils courent jusqu’à présent”, déclare Mbaïramadji urbain, président de la cellule de la Ligue tchadienne des droits de l’homme (Ltdh) de Pala.
Pour Afouteba Pabamé, président de la Ltdh du département de Lac-Léré, le gouvernement est en train d’endormir la population à travers le déploiement de ces militaires. Car, dit-il, ce n’est pas la première fois que les militaires ou les antigangs sont déployés dans le Mayo-Kebbi pour lutter contre les bandits. “C’est un commerce transfrontalier entre le Cameroun et le Tchad. Si ces deux pays n’arrivent pas à créer une force mixte, ça ne sert à rien de faire venir ces contingents qui vivent sur le dos de la population. Les gardes nomades contrôlent les motos et le port des cache-nez pour infliger des amendes. Est-ce que c’est réellement leur mission?”, fustige Afouteba Pabamé. Il souligne, par ailleurs, que les éléments de la garde nomade ne sont regroupés que dans les milieux urbains, au lieu d’être dans les zones stratégiques, dans les forêts où les malfrats commettent leurs forfaitures puisque jusqu’à ce jour, les ravisseurs y gardent toujours des otages.
“Un argument de campagne”
Pour le député de l’Undr (Union nationale pour le développement et le renouveau), actuellement en tournée dans la localité, c’est inapproprié de la part du gouvernement d’envoyer les unités de la Garde nationale et nomade du Tchad (Gnnt) en lieu et place des forces spéciales. “D’après la constitution, le rôle de la Gnnt est d’assurer la sécurité des bâtiments publics. Je ne vois pas comment ils peuvent subitement devenir des forces spéciales. Les malfrats ne sont pas des rebelles, ils n’ont pas de position pour se battre. Ils font des enlèvements et se réfugient dans la forêt ou se mettent de l’autre côté de la frontière pour négocier la rançon. Quand vous envoyez les unités pour les combattre, ils sont au courant et disparaissent dans la nature”, explique le député Saleh Kebzabo. Pour lui, il faut “envoyer des unités spéciales que les Américains ont formées contre le terrorisme pour poursuivre les malfrats et libérer les otages. Aujourd’hui, le calme est revenu tout simplement parce que ces gens-là ne sont pas bêtes. Ils se sont engloutis dans la population. Pour moi, ils vont attendre des heures plus heureuses. Quand les forces déployées vont partir, ça va reprendre immédiatement”. Le président de l’Undr demande au gouvernement de revoir sa copie.
Lanka Daba Armel