La fête de Tabaski de cette année a été difficilement préparée dans les ménages en raison de la cherté de vie. En dehors de quelques articles, les moutons ont coûté les yeux de la tête sur les marchés de la capitale, contrebalançant tout calcul des ménages.
La fête de Tabaski, appelée communément “fête de moutons” est célébrée tous les ans par les fidèles musulmans après celle du ramadan ou l’Aïd Al fitr. Ainsi, le dimanche 16 juin, les fidèles musulmans tchadiens à l’instar de ceux du monde entier, ont été de la fête. Le grand moment du pèlerinage à la Mecque comme pilier de l’islam est effectué par certains musulmans qui en ont les moyens. De principe, il est recommandé à chaque fidèle musulman de faire la “zakha” (l’aumône) selon sa capacité financière, à l’occasion de cette fête. Plus pragmatique, il convient “d’immoler un mouton le jour de la fête afin d’asperger son sang aux linteaux et bien d’autres choses pouvant servir de portail”, renseignent quelques fidèles. Si cette pratique n’est pas une obligation confessionnelle, elle demeure cruciale dans la foi musulmane et est considérée comme la meilleure façon de festoyer par les musulmans tchadiens. Pour ce faire, depuis quelques jours déjà, les responsables des familles s’emploient corps et âme pour réunir les conditions d’offrir ce sacrifice du grand jour. Femmes et enfants s’apprêtent à recevoir les vêtements et les moutons sous forme de cadeaux. Malheureusement, les prix ont flambé sur les marchés, laissant présager une kermesse sous le choc. Pour les vêtements, tout va bon train selon le constat. Les ateliers de couture sont bondés. Mais ce sont les prix des moutons qui ont inquiété à l’approche de la fête.
Une fête de tabaski sans mouton
Lorsque l’on parle de la fête de Tabaski, l’on fait allusion aux moutons. Pourtant, la situation qui prévaut actuellement à N’Djaména ne laisse aucune chance aux pratiques habituelles connues lors de cette grande messe. La flambée des prix des moutons en cette veille de la fête a ôté tout sourire. Dans tous les marchés de la capitale, les commerçants des ovins ont parlé le même langage. Un langage qui n’a pas été du goût des clients, nombreux à arpenter les couloirs des marchés destinés périodiquement à la vente des moutons. En effet, un mouton qui se vendait ordinairement à 30 000 ou 40 000 francs est vendu à 100 000 francs voire plus. “Les moutons sont trop chers cette année. C’est un phénomène jamais vécu au Tchad. C’est pour la dixième fois que j’achète un mouton dans ce marché en tant que père de famille pour la fête de Tabaski, mais jamais un mouton ne s’est vendu à un tel prix”, fulmine un fidèle musulman rencontré dans un marché de moutons. “Je suis venu trois fois dans ce marché en l’espace de trois jours pour l’achat du mouton mais jusque là, je n’ai rien eu. Les prix de moutons ne sont pas abordables”, ajoute un autre. Certains témoignent que les commerçants ne discutent plus les prix avec leurs clients comme par le passé. Ils font leur loi sur les prix. “C’est à prendre ou à laisser”, lâche un vendeur à un client désemparé. Dans les marchés sillonnés, il n’est pas rare de surprendre les responsables de familles en train de supplier les vendeurs de moutons à baisser les prix afin de leur permettre l’achat pour pouvoir accomplir leur devoir sacrificiel.
Face à cette situation caractérisée par la cherté de vie, les musulmans tchadiens ont été contraints en cette fête de Tabaski d’effectuer des achats restrictifs pour leurs enfants. Des familles indigentes n’ont pas pu satisfaire les desiderata de leurs rejetons ou de leur offrir un mouton. Certains responsables des ménages se sont associés pour pouvoir s’approprier une tête de mouton pour se partager.
De leur côté, les vendeurs des moutons soutiennent que cette augmentation injustifiée des prix de leurs marchandises est indépendante de leur volonté. Accusés de vouloir s’enrichir illégalement, ils dissipent la question en ces termes : “nous ne multiplions pas les moutons nous-mêmes. Le Tchad traverse une crise qui affecte tous les secteurs y compris celui de l’élevage. Par conséquent, l’augmentation des prix des moutons ne dépend pas de nous”.
Lissoubo Olivier Hinhoulné, stagiaire