Une nouvelle loi pour encourager à l’enregistrement à l’état civil

Malgré la gratuité d’actes d’état civil, le taux d’enregistrement est en dessous des attentes escomptées au Tchad. Une nouvelle ordonnance vient d’être ratifiée par l’Assemblée nationale dans le but de relever le défi.

Les députés ont ratifié le 20 mai, le projet de loi portant ratification de l’ordonnance no 002/PR/2020 portant organisation de l’état civil en République du Tchad. A l’origine de ce projet de loi, le dysfonctionnement du système, la mauvaise tenue des archives, l’absence des données statistiques fiables, la prolifération des documents d’identité non contrôlés, etc.

Cette ordonnance rentre dans le cadre des missions de l’Agence nationale des titres sécurisés (Anats) pour mettre en place un registre national biométrique des populations, à travers un système de gestion de l’état civil, couplé à un système de production des titres sécurisés.

La nouvelle loi prévoit la création des centres d’accueil des usagers comme un lieu d’enrôlement des individus, de déclaration des événements d’état civil et des titres sécurisés. Ces centres qui seront plus proches de la population permettront un enregistrement massif et par ricochet, de lutter contre l’apatridie.

L’article 10 du texte prévoit aussi un numéro national d’identification, unique, intelligible et non séquentiel.

Innovations

Les conditions d’obtention de certains actes d’état civil sont renforcées, avec des facilités pour d’autres. C’est le cas du divorce qui doit être constaté désormais par un acte d’état civil. Le délai pour la déclaration de naissance passe de 1 à 3 mois. Passé ce délai, l’acte de naissance se fait sur présentation du jugement supplétif. Il est également prévu l’insertion des originaux des actes dans une base de données fiables, la création des archives électroniques des originaux. La mention “sa légitime épouse’’ disparaît sur l’acte de naissance.

Les députés, bien qu’ayant ratifié la nouvelle loi, déplorent le manque de qualification et l’insuffisance des officiers d’état civil, l’absence de sensibilisation des citoyens sur l’enregistrement de naissance et la délivrance des titres. Ils suggèrent que les centres d’accueil des usagers  soient implantés sur l’ensemble du territoire national, vu les attroupements autour des activités de l’Anats. Les députés ont fait plusieurs autres remarques et  demandnt qu’elles soient prises en compte. Par exemple, la sanction prévue à l’article 62 qui parle de la peine capitale alors que celle-ci est déjà abolie au Tchad.

Les chiffres peu convaincants

Pour l’année 2019, la commune de N’Djaména a enregistré plus de 37.000 actes de naissance, 1099 déclarations de décès et 1043 mariages. Cette année, au premier trimestre, les chiffres (au 14 mai 2020) vont croissants. En tout, 11.242 actes de naissance délivrés, 375 déclarations de décès et 225 actes de mariage signés. Mais ces statistiques ne veulent pas autant dire que les Tchadiens ont pris réellement conscience de se faire enregistrer. Face à la croissance démographique, ces statistiques peuvent paraître insignifiantes.

En milieu rural, dans certains contextes, les actes de naissance sont établis généralement en cas de nécessité. Quand l’enfant s’apprête à se présenter aux concours ou à d’autres examens qui nécessitent d’avance un dossier comportant un acte d’état civil. Or, si l’enfant est enregistré un mois après sa naissance sur présentation du bulletin de naissance, l’acte de naissance lui est gracieusement offert. A l’expiration du délai, l’intéressé doit se rendre à la mairie avec un jugement supplétif établi à la justice au prix de 1500 francs CFA. Cette démarche se révèle plus longue, embarrassante et plus coûteuse.

Non seulement, le demandeur doit payer pour le jugement supplétif, mais parfois passer la main en dessous de la table aux démarcheurs qui pullulent les couloirs de la commune à cet effet.

Cette procédure s’observe également dans la délivrance d’autres actes d’état civil. Les actes de décès sont généralement produits pour les fonctionnaires dans le but d’obtenir le capital-décès ou la pension. Le mariage civil se révèle élitiste et onéreuse pour les personnes démunies, surtout en zone rurale.

Un passé sombre

Pour rappel, le gouvernement a promulgué en 2013, la loi 08 du 10 mai portant organisation de l’état civil. Cette loi visait à encourager l’enregistrement à l’état civil, par la délivrance gratuite et obligatoire des originaux d’acte d’état civil (actes de naissance, de décès, de mariage et divorce). Malgré la promulgation de cette loi, les chiffres sont ahurissants. Sur le plan national, seulement 12% des enfants âgés de moins de cinq ans sont déclarés à l’état civil entre 2014 et 2015. Certaines provinces comme le Batha n’ont cumulé que 5% d’enregistrement des enfants de moins de 5 ans. Un taux qui, malgré les efforts du gouvernement et ses partenaires, principalement l’Unicef, reste de loin en dessous des attentes.

Dans les communes, l’enregistrement à l’état civil se fait, pour la plupart sur présentation des jugements supplétifs. Ce qui veut dire que les délais ne sont pas respectés. “Parmi les actes d’état civil, l’acte de naissance, est plus important parce qu’il est l’épicentre de la  vie de la personne. L’établissement de toutes les pièces commence par l’acte de naissance car c’est un droit et une obligation pour toute personne. On ne veut plus des actes de naissance avec la mention “né (e) vers)”, s’insurge Abakar Hachim Abdoulaye, directeur de l’état civil à la mairie de N’Djaména. Toutefois, reconnaît-il, une légère progression se constate.

Lanka Daba Armel & Nadjindo Alex