Vaincre en rang dispersé

Alors qu’ils luttent pour leur intégration à la Fonction publique, les milliers de diplômés représentés dans deux grandes organisations (plateforme des diplômés en instance d’intégration à la Fonction publique et le collectif des lauréats professionnels de l’éducation en instance d’intégration) affrontent le pouvoir central séparément et se chamaillent en même temps entre eux.

Depuis le début d’année, les mouvements d’humeurs se succèdent avec des manifestations et des sit-in pour réclamer leur intégration à la Fonction publique. Ils sont environ 25 000 qui errent dans les couloirs des entreprises à la recherche d’un emploi ou dans les quartiers depuis plus d’une dizaine d’années pour les plus anciens. (Ndlr : Ndjh 1858, les damnés de la Fonction publique).

A ce jour, ils ne recueillent que des promesses, des duperies, de médiation en médiation, voir des menaces et des tortures. Rien de concret à part plusieurs rencontres avec quelques autorités facilitatrices, le ministre de la Fonction publique, le ministre de l’Education nationale et le défunt président de la République Idriss Déby. Sous le règne de ce dernier, les deux organisations ont été impliquées dans la commission et les réunions afin d’intégrer tout le monde. Le collectif des lauréats professionnels de l’éducation a vu son arrêté d’intégration détourné à la dernière heure du 31 décembre 2020 puis le processus d’intégration a été simplement annulé par le Marechal, alors que le  dernier décret en circuit contenait les noms d’une partie de ses membres.

Les petites manœuvres du gouvernement à recevoir un groupe avec des promesses et laisser un autre à côté a fini par détériorer les liens entre les deux groupes.

 

Le message déclencheur du général Azem

 Déjà, à la création de ces deux organisations, il y avait eu une résignation des deux camps pour de simples raisons de calculs. Les bisbilles  et la suspicion d’un groupe envers l’autre ont commencé sous les nouvelles autorités après un message envoyé par le général Azem Bermandoa Agouna, porte-parole du Cmt.

Quelques jours après la disparition de Déby Itno, selon Neuzilka Emmanuel, porte-parole du Collectif des lauréats professionnels de l’éducation, le ministre de la Sécurité publique les a reçus pour les convaincre de patienter. “Après la mort du président Déby, le ministre de la sécurité, en même temps, membre du Cmt, nous a reçus le 29 avril et nous a promis de se charger personnellement de nos doléances.  Il nous a dit qu’il allait nous mettre en contact avec le président du Cmt mais force est de constater que depuis ce jour, personne ne nous a rappelés ni n’a voulu nous recevoir. On va de promesse en promesse quand on rappelle nos interlocuteurs”.

Neuzilka poursuit qu’ils ont constaté malheureusement une désolidarisation des alliés. “La plateforme a changé de face depuis notre rencontre avec Déby Itno. Je précise que c’était notre collectif que Déby devait recevoir selon les correspondances du protocole de la présidence mais nous avons appris à la dernière minute le changement. Au début, nous échangions quotidiennement avec la plateforme. Nous nous soutenons mutuellement mais subitement, ce sont les coordonnateurs de la plateforme qui se tournent pour nous  consoler et nous demander d’attendre lorsque nous avons voulu organiser la marche du 24 mai. A la veille de cette marche, un des coordonnateurs de la plateforme, Djitebaye Alain, a envoyé un message à tous les membres du bureau  du collectif pour demander de ne pas agir car notre situation est presque résolue. Je lui ai répondu que l’abstrait ne peut plus nous empêcher de sortir. La seule chose consolatrice serait l’arrêté ou le décret et non l’annonce des noms des médiateurs tels que Haïga Déby, le général Azem,… ”. Il ajoute, “nous avons tous un objectif avec des voies différentes, la plateforme n’est pas habilité à nous demander de sursoir à nos marches. C’est aux autorités de nous dire de sursoir à nos actions en contrepartie des réponses concrètes mais non utiliser la plateforme. Je ne sais pas à quel prix et ce n’est pas mon problème mais revenir nous apaiser est la goutte d’eau de trop”, charge Neuzilka Emmanuel.

Le coordonnateur de la plateforme, Djitebaye Alain, réplique que c’est un problème de compréhension qui a causé l’écart. “Le général Azem m’a envoyé un sms qui a déclenché tous les problèmes. Il m’a d’abord envoyé “Ne faites rien, le Sgg est en train de gérer la situation” puis “le gouvernement est conscient”. C’était à la veille de leur marche. “Au vu du message du général Azem, j’avais compris que ce dernier n’a pas la totale maîtrise de nos organisations. J’avais téléphoné au général Azem pour lui dire que c’est le collectif qui est en train de programmer sa marche et non la plateforme. Cette réaction avait pour but de dégager notre responsabilité.  Comme nous avons une petite convention d’échange et d’analyse de message entre les membres, puisque nous luttons pour la même cause, j’ai transféré le message du général Azem aux responsables du collectif”. Djitebaye Alain poursuit qu’aussitôt, les coordonnateurs du collectif l’ont appelé pour discuter de leur position. “Ils n’ont pas compris le sens du message et pensent que nous sommes contre leur lutte. Or, c’est le contraire”. Djitebaye Alain rappelle: “lorsque nous avons voulu organiser une marche,  nous avons demandé au collectif de nous rejoindre et ils ont refusé. Et nous avons simplement refusé de les rejoindre dans la rue comme ils le souhaitent”, conclut-il.

Ces divergences ont instauré une méfiance entre les deux organisations, qui sont déterminées à aller jusqu’au bout avec un seul credo : “nous sommes arrivés à une phase ou seule la lutte libère”.

Nadjindo Alex