Au cours de sa conférence de presse du 8 février à la Bourse du travail, la Coordination des actions citoyennes, Wakhit Tamma s’est appesantie sur la situation politique liée à la dernière phase de la transition du Tchad, la visite du chef de l’état à Moscou et la mise en place de l’Agence nationale de gestion des élections (Ange).
La visite du Président de transition, Mahamat Idriss Déby, à Moscou soulève des questions importantes en lien des relations avec la France et des perspectives du processus de transition politique au Tchad, a relevé Adoum Soumaïne, porte-parole de Wakhit Tamma, avant de lâcher “si les différents signaux de ce voyage laissent entrevoir un rapprochement de la junte à Moscou, via les états de l’Alliance des états du sahel (Aes), au détriment de Paris et de l’Organisation du traité de l’atlantique Nord (Otan), les actes majeurs posés précipitamment depuis le retour au pays à partir de la ville d’Amdjarass, notamment la mise en place de la Cour constitutionnelle et de l’Agence nationale de gestion des élections (Ange), interrogent sur la poursuite du processus de transition soutenue jusqu’ici par ceux qui pourraient être les partenaires d’hier”. Au fond, remarque-t-il, cette visite risquée de “Kaka” ne sera pas sans conséquences pour les Tchadiens.
Risques d’une visite osée
Adoum Soumaïne de poursuivre que “la dictature semble rechercher une bouée de sauvetage qui lui permettrait de survivre aux crises qui se profilent”. Car, complète-t-il, le rapprochement de la junte de Moscou a pour objectif de défendre les mêmes causes dynastiques, puisque redoutant une levée de boucliers contre son évident désir de se présenter aux prochaines présidentielles, Mahamat Idriss Déby recherche des soutiens moins regardants pour consolider son régime. Autrement dit, la visite de Kaka à Moscou ne vise qu’à chercher la protection russe en dépit de la France, précise le porte-parole de Wakhit Tamma. Face à cette crise politique qui prévaut, Wakhit Tamma voit plutôt un danger pour les Tchadiens. Si l’aide russe ne diffère pas de celle française, en quoi cela peut apporter un changement positif dans la démocratie au Tchad, s’est interrogé cette coalition, dont les membres laissent entendre : “ce n’est pas parce que c’est la Russie que nous allons accepter que le pouvoir s’incruste. Que ce soit elle ou un autre pays, nous condamnons fermement la visite de Kaka à Moscou. Si la Russie doit aider le Président de transition à rester au pouvoir, il n’y a donc pas de différence entre elle et la France”, ont-ils réagi.
Wakhit Tamma rassure la dictature dynastique que les Tchadiens n’acceptent plus sa manière de faire. Adoum Soumaïne invite “Kaka à faire de bons choix et à temps”, puisque, martèle-t-il, “il est hors de question que les Tchadiens subissent la volonté commune de la France et de Kaka”.
L’ingérence française dans la politique interne au Tchad
C’est un secret de polichinelle que dans toute relation diplomatique, la France ne vise que ses intérêts égoïstes, rappelle le porte-parole. “En adoubant Mahamat Idriss Déby Itno, au lendemain de la mort de son père, sous prétexte de garantir la stabilité du Tchad, la communauté internationale et la France comme chef de file ont pris le parti d’une dévolution dynastique du pouvoir au mépris entier des règles démocratiques dont ils prétendent être les défenseurs”. Cela s’explique par le soutien et le silence complice de l’Union Africaine (Ua), indexe Adoum Soumaïne. Pour lui, “la France, a toujours fait et défait à sa guise les différents régimes depuis Ngarta Tombalbaye jusqu’à Déby-père, qu’elle a sans vergogne remplacé par le fils. Depuis lors, elle est totalement impliquée dans la gestion du pouvoir politique et accompagne la junte dans les différentes étapes de la transition : les accords de dupes de Doha à Kinshasa, l’organisation frauduleuse du Dialogue national inclusif et souverain (Dnis), le soutien au référendum constitutionnel biaisé du 17 décembre dernier sans oublier le dérèglement des institutions chargées de gérer le processus électoral, et ce, malgré les crimes odieux du 20 octobre 2022”. Wakhit Tamma déplore que “l’organe qui gère les élections et celui qui arbitre les différends électoraux sont confisqués et même chapotés par le Mps, cette grosse machine à frauder de son défunt père et qui, du coup, investit le fils comme son président d’honneur et son candidat aux prochaines élections présidentielles, en mettant aux commandes de ces organes électoraux dont l’Agence nationale de gestion des élections (Ange) et la Cour constitutionnelle de la Cour suprême, ces godillots dudit parti”. Cette volonté manifeste dont le seul but est de mourir au pouvoir, fait que l’opposition est bâillonnée et paralysée par des restrictions juridiques criminelles, et une population divisée, traversée de clivages indescriptibles et voguant tant dans une pauvreté élevée que de fortes inimitiés, ne sachant à quel saint se vouer, fait constater Soumaïne Adoum, qui reproche à la France d’avoir été et d’être encore jusque-là hostile à l’idée de tout changement réclamée par le peuple tchadien. “La France et son armée ont aidé les prédateurs à désosser le Tchad dont la situation socioéconomique se dégrade continuellement, faisant des milliers des pauvres et des vulnérables, car 71% de Tchadiens ont faim”. Aussi, rappelle Adoum Soumaïne, “la France s’obstine à prêter main forte à la junte, en fermant les yeux sur les procédures judiciaires enclenchés à la Cour pénale internationale (Cpi) contre ce régime”.
Wakhit Tamma relève que malgré les diverses propositions faites dans le sens du retrait progressif des troupes françaises de leur base au Tchad, y compris celles venant du Niger, “aucun progrès significatif n’a été obtenu en direction de la paix, et les troupes françaises se renforcent chaque jour davantage au point où leur nombre est estimé aujourd’hui à environ 12 000 soldats dispersés dans le territoire tchadien”. “Si le pouvoir de Kaka laisse la situation pourrir, c’est son affaire et cela n’engage que lui”. Quant à nous, continue-t-il, “c’est toujours du côté du peuple et pour le peuple que s’inscrit la logique de nos actions. C’est toujours une approche consensuelle que nous promettons”.
Pour une sortie patriotique
Dans le souci d’apporter de solutions aux différentes crises qui étouffent le Tchad, Wakhit Tamma réitère sa bonne disponibilité de vouloir donner la chance à une approche diplomatique afin de contribuer à l’apaisement du climat politique. Cette stratégie est utilisée tant sur le plan national qu’international, avec en l’occurrence l’Union européenne (Ue) et ses principaux membres, aux fins de les engager à appuyer une ouverture démocratique et une paix durable.
C’est justement dans ce sens que, Wakit Tamma invite tous les acteurs, et le Président de transition à un sentiment patriotique. La coalition lui recommande de : “respecter les résolutions de l’Ua et sa parole d’officier, promettant de rendre le pouvoir à un civil élu par le peuple tout en renonçant à son investiture par le Mps ; admettre que le départ des troupes françaises est non négociable et avoir le courage d’abroger les quatre ordonnances confisquant les libertés publiques ; se rappeler que la situation est politiquement et socialement intenable et que, conformément à la constitution de la 5ème République, le peuple a le droit de résister et de se défendre contre un régime qui a pris et/ou conservé le pouvoir par la force ; comprendre que les restrictions juridiques n’empêcheront pas les forces vives en général et Wakhit Tamma en particulier, d’exercer ses droits citoyens et de contester le pouvoir dynastique qu’il incarne”.
Toïdé Samson