Wakit Tama ne lâche pas prise

La coordination des actions citoyennes a une fois de plus appelé le peuple tchadien à une marche pacifique le mercredi 19 mars sur toute l’étendue du territoire. Comme toujours, le Cmt a réprimé violemment  cette marche.

Le coup d’envoi est donné à Moundou, dans la capitale économique. Le fils de Laoukein Kourayo Médard a mené la marche qui quittait du quartier Mbomian en direction  de la mairie. La foule a bloqué la principale voie par la carrosserie d’une voiture.  Les manifestants ont été très rapidement dispersés par les forces de l’ordre à coup de canon. Quelques minutes après, la population de Doba a pris le relais pour marcher également ainsi que celle de Guelengdeng.

A la veille de cette manifestation, le ministre de la Sécurité  publique a interdit cette marche pour motif : “Pas de dépôt d’une demande d’autorisation au préalable”.

A N’Djaména, les 4ème, 5ème, 6ème et 7ème arrondissements ont entamé leur marche avec des pancartes hostiles au pouvoir du Conseil militaire de transition et à l’immixtion de la France dans les affaires tchadiennes. Des drapeaux français et des pneus ont été brûlés. Mais les manifestants ne vont pas résister longtemps à la force de frappe de l’armée qui s’est mobilisée plus que les fois précédentes. En effet, ce 19 mai 2021, la police anti émeute a cédé la place aux forces de 3ème degré, qui ont agi comme elles faisaient face à une légion d’occupation étrangère. L’armée a déployé plus d’une vingtaine de Toyota pickup bourrés de roquettes et mitraillettes en vue de réprimer les manifestants. C’était le même scenario qui s’est répété sur toute l’étendue du territoire. Les forces de l’ordre répriment violemment et tirent à balles réelles sur la population à mains nues.

A la fin de la journée, on mentionne une trentaine d’arrestations sur l’ensemble du territoire, des blessés dont certains par balles réelles comme Nadjingar Samson à Doba, qui a reçu deux balles dans l’abdomen.

Le ministre en charge de la Sécurité publique, lui, par contre remercie la population tchadienne “pour sa maturité et son sens de patriotisme pour n’avoir pas suivi le mot d’ordre de cette manifestation”. Plus loin encore, curieusement, il “exhorte les agents des forces de l’ordre au professionnalisme et au respect des droits de l’homme dont ils ont fait toujours montre” !

 

Sakine paie le prix de la dénonciation

Lors de cette marche, le président du Parti réformiste, Yacine Abderahmane Sakine, qui dirigeait la marche de la Maison de la femme vers le rond-point Dembé, a eu maille à partir avec les forces de l’ordre. Selon son témoignage,  les manifestants ont été dispersés par les forces de l’ordre. “La police nous a dispersés et a arrêté quelques manifestants y compris moi. Quand ils nous ont emmenés au rond-point de Dembé, un groupe de hauts gradés de la police m’a interrogé. Après avoir avancé mes raisons pour avoir bravé cette interdiction et m’être mis à la disposition de la justice si véritablement j’ai violé la loi, ils m’ont embarqué dans un véhicule 4×4 vitre fumée. Les yeux bandés avec le drapeau français, ils m’ont conduit dans un endroit que je ne connais pas. De là, ils m’ont torturé sauvagement pendant une heure trente puis exposé au soleil pendant 20 minutes avant de m’amener au CA12, le commissariat de Lamadji”. C’est là où il subira toutes les formes de tortures et de sévices corporels avant de se prêter à des interrogatoires désagréables avant d’être libéré. A sa sortie, Sakine a été conduit par un de ses parents à l’hôpital de la Liberté où il a été admis avec des blessures et des enflures sur le dos, aux mains, aux pieds et au visage.

Si Yacine Sakine a eu un traitement particulier, contrairement aux autres manifestants, c’est justement parce qu’il a dénoncé les pratiques au sein de l’armée. Le 7 décembre dernier, le président du Parti réformiste a passé au crible les méthodes et la gestion de l’armée. Cette sortie médiatique a valu à son parti, une suspension de trois mois.

Alex Nadjindo