Walia vers une expropriation ?

Telle semble être l’idée que se fait Sindeu Dama, le président du Comité de suivi et de réflexion des impactés de la libération d’une emprise sur le tracé du 3ème pont de Chagoua en construction. Il s’inquiète du retard que prend l’indemnisation des 159 ménages touchés, et du suivi des démarches qui s’apparentent à un leurre.

  Où en est-on avec les démarches pour les indemnisations ?

Le montant de l’indemnisation est d’un milliard 600 millions de francs. Ce qui est une somme insignifiante pour une République qui a la volonté et veut réellement soulager une partie de sa population, qui, les larmes aux yeux, est victime d’un projet d’intérêt public. Depuis l’annonce, en juillet 2019, de la libération de l’emprise qui va impacter nos concessions, nous sommes psychologiquement abattus, paniqués, tourmentés et malades. Certains d’entre nous sont même décédés à cause des investissements réalisés et qu’ils ne sont pas sûrs de rééditer. Le gouvernement de la transition nous a rassurés au mois de mai, que le paiement s’effectuera en trois tranches et sera payé aux mois de juin, juillet et août 2021, mais jusque-là, rien.

  Avez-vous relancé les autorités?

Nous avons écrit au Premier ministre lors de sa visite le 19 juin 2021, sur le chantier, pour avoir son appui. Nous avons également écrit au ministre des Infrastructures le 9 juillet 2021, afin que les deux tranches qui restent soient engagées en une seule fois, en dépit de la première tranche non encore perçue par les victimes. Nous osons croire qu’ils vont prendre en compte nos doléances. Pourvu que notre compensation ne ressemble pas aux coupons des retraités, dont trois mois deviennent six, puis un an et deux ans.

  Etes-vous satisfaits des mesures financières prévues pour vous compenser ?

Nous ne sommes pas satisfaits, parce que le ministère des Finances et du budget n’a pas pris en compte les instructions du chef de l’Etat et de son Premier ministre de transition. L’indemnisation était promise en une seule paie. Mais les finances nous surprennent avec une modalité de versement de trois tranches, dont la première qui serait engagée n’est pas reçue par les impactés. L’entourage du gouvernement nous oblige à mal apprécier l’Etat, dans sa manière de traiter et indemniser certaines victimes. Aujourd’hui, la première tranche à verser est d’un montant de 453 millions de francs, pour 159 impactés des quartiers Walia-Ngoumna, Goré, Hilé-Hadjarai dans le 9éme arrondissement. A titre d’exemple, 453 millions est la somme obtenue par un ou deux impactés pendant l’indemnisation de l’ancien quartier Gardolé dans le 2ème arrondissement. Les impactés de Bongor, Climsou et autres ont également été indemnisés en une seule fois comme les habitants de Gardolé.

Pour un père de famille qui doit percevoir un million, et qu’on lui donne par tranche de 300 000 francs CFA pendant trois mois, peut-il garder cette somme fragmentée afin de chercher un terrain et payer en trois tranches ? Cela ressemble à une vie de l’enfer.

  Entretemps est-ce qu’au niveau du chantier, les travaux avancent ?

Le projet nous harcèle de libérer certaines zones pour la construction des dalots. Nous avons reçu deux mises en demeure, l’une verbale et l’autre par écrit. Nous n’avons pas tardé à répondre. L’Etat n’a pas encore indemnisé les impactés, donc l’emprise ne peut pas être libérée. Nous lançons un appel pressant au président du Conseil militaire de transition afin qu’il intervienne personnellement pour que les deux tranches non engagées le soient en une fois. Ceci permettra à chacun de nous de chercher un autre abri pour sa famille, et libérer l’accès aux engins, afin de finaliser les travaux dans le délai requis. Nous ne comprenons pas ce virage à 180° des Finances, qui continuent de retarder ce processus du paiement par morcellement. Nous suivons nous-mêmes le dossier. L’Etat est dans le besoin ; il a l’obligation d’instruire les services concernés à s’exécuter dans le délai, afin que les citoyens touchés par l’emprise sentent l’affection du gouvernement vers son peuple.

Mais si c’est une expropriation qui est en vue, l’Etat est une personnalité morale et puissante, rien ne lui manque. Nous disons que nous sommes une population consciente du développement du pays. Le développement d’une nation passe incontestablement par les infrastructures parmi lesquelles la construction des routes. Nous comprenons le gouvernement, mais en retour, qu’il nous comprenne aussi. Nos biens sont obtenus au prix de mille sacrifices, c’est notre avenir et l’avenir de nos progénitures. Que nous soyons satisfaits en une seule fois comme d’autres, à l’instar de l’ancien quartier Gardolé de N’Djaména. Là, le fardeau sera moins pesant sur nos épaules. Nous demandons humblement à l’Etat de penser aux personnes dont les hangars sont touchés par la libération de l’emprise. Jusqu’aujourd’hui, on nous laisse courir dans tous les sens, en disant que le dossier suit son cours.

Interview réalisée par Roy Moussa