L’Anats où la souffrance des citoyens

Après 8 mois d’activités, l’Agence nationale des titres sécurisés (Anats) à travers son Système intégré de gestion des populations et des titres sécurisés (Sigpts), décentralisé dans quelques arrondissements de N’Djaména, ne facilite toujours pas la délivrance des pièces d’identité aux demandeurs qui vivent le calvaire.

Ce mercredi 26 août, assis à même le sol sur les morceaux de briques ou sur les bancs des vendeurs en face du bureau de l’Anats du Commissariat du 7ème arrondissement de N’Djaména, ils sont une centaine, demandeurs de la carte nationale d’identité. Les regards fixés sur le portail du centre des usagers qu’ils ne pourront franchir que le lendemain. Il faut soit passer la nuit devant l’entrée de l’Agence ou venir vers 2h du matin pour, peut-être, accéder aux bureaux et se faire filmer.
Un jeune homme sort de l’agence tout souriant, traverse le goudron. Une joie qui explique qu’il est enfin entré en possession de sa carte d’identité après plus de deux semaines d’attente et de procédure. “J’avais cessé avec toutes mes activités depuis deux semaines pour me consacrer uniquement à faire le va-et-vient. De mon quartier Walia à la Banque commerciale du Chari (Bcc) au centre du commissariat du 7ème arrondissement. Aujourd’hui Dieu merci avec ma carte identité en main, je vais rentrer me reposer et reprendre avec mes activités demain”, confie Aloua Emmanuel. Comme lui, ils sont nombreux ces citoyens qui vivent ce calvaire pour une simple demande de la carte nationalité d’identité, sacrifiant leurs activités. Et ils se font arnaquer, rouler. Si Aloua Emmanuel a pu récupérer sa carte en deux semaines, Allambatnan Rodrigue, continue de patienter. “Après avoir fait toutes les démarches qui consistent à payer la caution de 5.000 francs à la banque et remplir les fiches de renseignement et formulaires, je suis revenu un autre jour, pour me faire filmer. J’ai quitté la maison à 2 heures du matin avec tous les risques et le couvre-feu instauré par l’Etat, pour venir au centre d’accueil du gouvernorat de la ville de N’Djaména dans le 5ème arrondissement. Etant 4ème sur les 15 hommes et 10 femmes sur la liste je me fais filmer à 17 heures”, raconte-t-il. Pour lui, le vrai business se passe au moment de l’enrôlement. “Des personnes qu’on n’avait pas vues avec nous sur le rang sortent d’où on ne sait, viennent se faire filmer. Ils prennent entre 3 à 4 personnes avant de revenir sur la liste des personnes dans le rang pour la journée”, dénonce le jeune-homme qui attend sa carte depuis un mois.
Les responsables des agences, eux, se murent dans un mutisme qui traduit le contraire des objectifs fixés par l’Anats.
“Si nous prenons 30 personnes par jour, soit 20 hommes et 10 femmes, c’est que nous voulons respecter les mesures barrières, la distanciation physique édictée par le gouvernement à cause de la pandémie du au Covid-19. Mais exceptionnellement, nous prenons aussi des personnes âgées, malades” explique un responsable d’un des centres.
Pour rappel, N’Djaména dispose de quatre centres d’accueil des usagers: commissariat central, commissariat du 7ème et 10ème arrondissement et gouvernorat de la ville de N’Djaména dans le 5ème arrondissement. La demande est forte. Les démarcheurs aussi sont nombreux. Du gardien des engins en passant par les policiers devant la porte et leur réseau dans les quartiers, tout le monde veut tirer son épingle du jeu. “Pour une urgence de voyage, j’ai payé 25.000 francs FCA avec un réseau de policiers et j’avais obtenu ma carte en deux jours”, témoigne D. Jacques. Pour celui-ci, les gens ont raison de parler de la lenteur dans le traitement.
“Nous prenons le temps de bien vérifier les dossiers déposés par les demandeurs des titres. Il y a parmi les tchadiens, les Boko-Haram et immigrés clandestins par ce que le Tchad est souvent pointé du doigt accusateur pour la délivrance des papiers aux étrangers”, justifie un responsable d’un centre d’accueil des usagers. Avant de rassurer: “tous ceux qui étaient devant la porte ont été balayés et remplacés par les gardes nomades, donc personne ne parle d’arnaque devant l’entrée des centres maintenant”.

Modeh Boy Trésor