La Journée mondiale de lutte contre la drépanocytose est célébrée tous les 19 juin. L’édition de cette année est placée sous le thème “Le dépistage”. Au Tchad à l’occasion, l’association Elan de l’espoir, en partenariat avec le cabinet médical El-Refa lance le dépistage sélectif des nouveau-nés (population à risque).
Le cabinet médical El-Refa situé au quartier Farcha dans le 1er arrondissement de la capitale, a accueilli le premier nouveau-né, une fillette d’un mois dépistée AA c’est-à-dire saine, ce 19 juin 2021 à 11h. Le laborantin du cabinet médical, Hamidou Hassan a expliqué le procédé du test de dépistage. “Nous disposons des tests rapides. Ce test a un protocole de six étapes à suivre. Le premier consiste à prélever six gouttes de sang à l’aide d’un micro pipette, qu’on dépose dans le tube d’analyse. Ensuite nous utilisons le strip bleu dont le rôle est d’éviter une éventuelle contamination pendant la piqûre. Puis on pique l’enfant au niveau du talon à l’aide d’un ansep, après avoir désinfecté le talon à l’aide de l’alcool. On prélève cinq à dix micro litres grâce aux indications et on l’introduit dans le tube à hémolyse, en faisant une rotation de 180° pendant quelques secondes. Puis on observe et quand cela devient rouge, on prend le test et on l’incube pendant dix minutes. Après 10 minutes, on ressort la bandelette pour lire le résultat. Dans le kit du test, il y a un tableau de référence qui nous permet de comparer le résultat à partir des traits indiqués, et qu’on juxtapose avec la bandelette pour déterminer si le patient est AA, AS ou SS. Pour confirmer le pourcentage, il faut nécessairement faire une électrophorèse d’hémoglobine. Mais lorsque la bandelette se retrouve à un certain niveau indiqué pour annuler, cela veut dire que le test est mal fait, ou il y a eu contamination”.
Ce dépistage s’inscrit dans le cadre de la phase 2 du “Projet: Santé sexuelle et reproductive des filles et des femmes drépanocytaires”. A cet effet, le projet envisage dépister 300 nouveau-nés, afin d’éviter les complications de la maladie. Un diagnostic précoce permet d’instaurer dès l’âge de 2 à 3 mois des mesures préventives pour l’enfant et éducatives pour les parents. Habituellement au Tchad, le diagnostic de la maladie est posé lorsque survient une crise ou complication grave.
Pour une prise en charge précoce
Pour Dr Souam Silé Nguélé, pédiatre, chargée de suivi des drépanocytaires et coordonnatrice médicale de l’association Elan de l’espoir, “nous disons qu’il faut mettre l’accent sur le dépistage néonatal, parce qu’à partir d’un dépistage néonatal, la prise en charge va être précoce et permettre aux enfants drépanocytaires de vivre des situations difficiles, telles que les crises vaso-occlusives, les syndromes drépanocytaires majeurs. Si aujourd’hui en France et partout ailleurs, les drépanocytaires vivent jusqu’à 70 et 80 ans, sans faire de crise et sans subir toutes les difficultés, c’est parce que la prise en charge est précoce. Nous voulons prouver que même en Afrique et particulièrement au Tchad, nous pouvons aussi assurer ce dépistage néonatal, afin que les enfants soient pris en charge rapidement, à partir de trois à quatre mois de vie. Cela, avant que le taux de l’hémoglobine fœtal ne soit trop bas pour leur permettre de commencer à faire des crises à partir de six mois. Les tests rapides ne sont disponibles qu’ici au cabinet médical, pas ailleurs. Nous avons initié des recherches pour lesquelles nous étions obligés de commander les tests”, explique-t-elle. Et, poursuit-elle, “d’ici début juillet, les résultats de ces recherches seront rendus publics sous forme de mémoire de soutenance. Ce test rapide est la porte d’entrée pour la bonne prise en charge. Si l’enfant est dépisté tôt, la prise en charge commence tôt. C’est ce qui fait que les drépanocytaires vivent très longtemps, comme en France jusqu’à 80 ans, sans avoir fait une seule crise. Mais tous les enfants que nous avions reçus sont arrivés après avoir fait plusieurs crises. Or, quand on amène un enfant, on vérifie s’il n’a pas été transfusé. Sans quoi, il faut attendre trois mois avant de faire le dépistage à travers une électrophorèse de l’hémoglobine, qui coûte 12 000 francs CFA”. Dr Souam Silé Nguélé relève avoir eu beaucoup de difficulté avec certains patients, parce qu’ils viennent d’être transfusés. Dans ce cas, il faut attendre trois mois pour faire l’électrophorèse et c’est en fonction de leurs profils qu’il faut assurer la prise en charge. Mais avant les trois mois, ils sont encore anémiés et transfusés. “Finalement, on entre dans un cercle vicieux. D’autres meurent sans qu’on arrive à savoir leur profil exact. Voilà les difficultés auxquelles nous faisons face, c’est pourquoi, on a décidé de se jeter à l’eau, en se procurant ces bandelettes, afin qu’un bon travail soit fait en amont. Chez les bébés, les crises commencent à partir de six mois, lorsque le taux d’hémoglobine fœtal devient bas”, indique la pédiatre.
La présidente de l’association Elan de l’espoir qui lutte au Tchad contre la drépanocytose, Madame Saboura Dounia Kagne rappelle que le “projet: Santé sexuelle et reproductive des filles et des femmes drépanocytaires, financé par l’Unfpa est dans sa phase 2 cette année 2021. Il vise à contribuer à la diminution de la mortalité maternelle, infantile et néonatale au Tchad. Le choix du lancement du dépistage néonatal sélectif, au cabinet El-Refa, est de permettre de faire un bon suivi des enfants malades. Aujourd’hui à travers le monde, 80% des enfants malades meurent avant l’âge de 5 ans, à cause d’une anémie sévère ou une infection grave”.
Les objectifs globaux de l’association sont de sortir la drépanocytose de l’oubli et des mauvaises croyances autour d’elle ; contribuer à l’augmentation de l’espérance de vie des drépanocytaires et à la réduction de morbidité et de la mortalité liées à la reproduction des filles et des femmes drépanocytaires. Spécifiquement, il s’agit de faire connaître la drépanocytose à travers les vecteurs de l’information, d’éducation et de communication; sensibiliser le grand public de la nécessité du dépistage prénuptial, le planning familial et de consultation prénatale; communiquer sur les mesures hygiéno-diététiques chez les adolescents et les femmes enceintes drépanocytaires; mettre en place un club de solidarité (jeunes filles drépanocytaires) et faire des plaidoyers auprès des décideurs pour la création d’un programme national de lutte contre la drépanocytose.
Roy Moussa
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