La fonction publique est à oublier

Djikoldjingam Innocent, 33 ans, marié et diplômé en sociologie depuis 2014, est aujourd’hui son propre patron dans son entreprise “Nouvelle vision” et conseille les diplômés à frayer leur propre chemin que d’attendre la fonction publique.

Dans une salle de 5 m2, divisée par un bureau monté en planche, Djikoldingam Innocent n’a quasiment pas assez de temps de repos. Il est partagé entre les clients qui viennent charger leurs batteries, qui veulent se coiffer et acheter des gadgets pour téléphone. De loin, on écoute de la musique qui retentit de sa cabine, car chaque matin, il ouvre la porte avec une séance de messe diffusée sur la radio arc-en-ciel  puis balance sur la Fm liberté pour les éditions d’information jusqu’à  10 h avant d’animer le coin  avec toutes sortes de sonorités. Le vendredi, il ne diffuse que les prêches en arabe et les fanani (musique arabe).  Cette activité, il l’exerce depuis plus de 5 ans pour faire l’unanimité et prôner le vivre ensemble dans  le carrefour du quartier.

Tout est parti des multiples tentatives pour continuer les études au cycle master et la recherche d’emploi dans les Organisations non gouvernementales (Ong) et entreprises privées qui n’ont été que déception.  Avec ses trois derniers mois de bourse (90 000 francs CFA), il s’est lancé dans cette activité qu’il exerçait déjà pendant les vacances au collège. “La finalité des études, c’est d’avoir un travail. Si le travail ne vient pas à toi, il faut aller à sa rencontre en devenant son propre patron. Et si je trouve mon compte dans l’activité que je mène, c’est l’essentiel. Attendre jusqu’à la fin du mois pour avoir de l’argent n’est pas dans mes cordes et aussi, dépendre de quelqu’un ne me plaît pas”, explique Innocent. Au quotidien, la petite entreprise nage entre 3 000 minimum et 15 000 francs maximum. De l’argent qui lui permet de prendre en charge sa petite famille, les parents et les charges de l’entreprise par mois (location et électricité 25 000, un collaborateur 20 000 et taxe 3 000 francs).

Ayant pour tuteurs un député et quelques cadres à l’administration publique, le natif de Mbalkabra dit avoir fait ce choix suite à un constat malheureux : “j’ai été démotivé par le mode de vie des fonctionnaires de ce pays. Ils vivent avec tous les problèmes du monde. D’abord, ils ont des difficultés pour avoir leur salaire à la fin du mois et à la retraite puis ils deviennent misérables à la fin de leur carrière”. Il ajoute qu’il a déposé un dossier à la Fonction publique suite à la pression de la famille et non de son propre gré.

Pour Djikoldingam Innocent, les jeunes doivent briser ce rêve d’intégrer la fonction publique vaille que vaille. “J’apprends que les jeunes diplômés sans-emploi veulent quitter le pays, cela me fait rire. Si c’est un moyen de pression sur le gouvernement pour trouver une solution à l’emploi, c’est une bonne stratégie mais si cela doit être mis en exécution, je dirai que c’est un peu lâche. Il est vrai que s’en sortir dans ce pays est difficile parce que l’Etat ne crée pas les conditions favorables pour les jeunes (par exemple, je paie 3 000 francs de taxe à la mairie comme les quincaillers en face), il y a des cas sociaux et des coups bas mais il faut que les jeunes travaillent. Nous devons affronter la vie au détriment du loisir, nous devons briser certains tabous pour toucher à tous les domaines et non passer le temps à dire que ce travail est pour les femmes ou pour les pauvres. Je gère mes collaborateurs grâce au cours de gestion des ressources humaines reçu pendant mon cursus en sociologie. Il faut donc que les diplômés qui veulent quitter leur pays prennent le taureau par les cornes en usant de leur domaine de formation pour créer des emplois ici plutôt que fuir”, conseille Djikoldingam.

Innocent ne compte pas s’arrêter à cette petite entreprise qui emploie seulement une personne et quelques collaborateurs payés au quotidien. Depuis quelque temps, il économise pour réaliser son projet qu’il préfère garder secret.

Nadjindo Alex