Artistes et opérateurs économiques ensemble

Les lampions se sont éteints sur la première édition des assises sur les arts et la culture au Tchad, tenues du 6 au 8 octobre à N’Djaména.

Le président de la Cciama, Ali Hadji, estime que les trois objectifs visés sont atteints : la participation massive des artistes ; l’implication du gouvernement à un haut niveau et des partenaires ; et amener les entreprises à reconnaître et considérer les arts et la culture comme partie intégrante de l’économie.

La ministre en charge de la Culture, Achta Djibrine Sy,  a été d’un conseil très avisé. Elle souhaite que cette initiative puisse permettre aux artistes de s’engager à promouvoir leur dignité. “Avancez sur la voie de votre structuration, pour vous faire écouter, parce que vous avez besoin d’un cadre juridique, politique et institutionnel”, leur dit-elle. Elle leur propose de s’impliquer dans la mise en œuvre de la feuille de route du gouvernement de transition, afin de saisir les opportunités qui s’offrent, notamment à travers l’axe 1 du Plan national de développement, l’Union africaine et l’Unesco qui s’est engagé à accompagner le Tchad, vers la finalisation de l’élaboration de sa politique culturelle. “Vous êtes au cœur de la transition et c’est à vous d’en faire ce que vous voulez devenir”, conseille la ministre, qui veut saisir au rebond l’initiative de ces assises, pour étoffer le plaidoyer du département qu’elle entend mener.

Une clôture aux allures d’une véritable improvisation. Un cocktail dinatoire dans les jardins de l’hôtel avec des personnalités publiques et chefs d’entreprises. A cette occasion, des attestations ont été remises aux familles de quelques illustres artistes disparus. Il s’agit notamment du doyen Edouard Sailly (1er photographe tchadien), Issa Moussa et Maman Eldjima (musique traditionnelle), Ahmat Gazonga, Ahmed Pecos, Talino Manu et Seïd Camane (musique moderne), Diego Ngaradé (musique tradi moderne), J. Rabel (styliste modéliste), Colonel Dinar (humour) et Hassan Keïro (théâtre).

63 artistes et 25 autres participants dont les représentants de la Bad, du Pnud, ceux des ministères du Commerce et du développement industriel, de la Culture et de la promotion de la diversité, ainsi que de la chambre de commerce ont pris part aux assises. Des groupes de travail, en fonction des filières ont été mis en place. Le cinéma et théâtre, la mode et le stylisme, la musique, la danse, l’artisanat, la production musicale. Les axes de travail choisis sont l’état des lieux des différentes corporations, les entraves y afférentes et les propositions de collaboration. La mise en commun des différentes recommandations permet d’aller vers l’élaboration d’une feuille de route, qui comprend des parties destinées au gouvernement, aux partenaires, à la Cciama, aux artistes et promoteurs culturels. Cette feuille de route, dit-on, sera rendu public ultérieurement.

 

 Une amorce à encourager

Quel mécanisme faut-il mettre en place entre la Cciama, les artistes et les promoteurs culturels pour impliquer les entreprises et sociétés à accompagner le développement du secteur ? Avec quels partenaires faut-il mettre en œuvre cette initiative ? Comment évaluer les retombées économiques pour le Tchad qui ne dispose pas (en cours) d’une politique nationale culturelle ? Telles sont normalement les questions qui devaient sous-tendre ces assises. Mais comme elles n’ont pas eu de thème central, pour un meilleur cadrage dans les réflexions, les assises ont vogué sans gouvernail.

Certes, la Cciama ambitionne de valoriser les arts et la culture au Tchad, et faire du secteur une véritable industrie culturelle au service de l’économie. Il est question de la collaboration entre opérateurs économiques, artistes et promoteurs culturels qui doivent s’attendre à bénéficier de l’apport de la Cciama dans le développement des arts et de la culture. Mais lorsqu’on parcourt les diagnostics posés et l’ensemble des contraintes et problèmes relevés, qui entravent le développement des arts et de la culture, l’on s’interroge sur certains aspects de ces recommandations. Beaucoup semblent à côté de la plaque. Le cinéma fait exception, lorsqu’il souhaite un accompagnement de la Cciama à l’organisation d’un festival national du cinéma, adossé à l’élaboration des textes et lois qui règlementent le secteur. Ainsi que la facilitation d’une aide défiscalisée aux entreprises qui y adhèrent.

Les producteurs de musique, quant à eux, proposent à la Cciama de miser et investir sur le digital. La plupart des filières ont énuméré des aspects qui relèvent de la compétence du ministère de tutelle. La structuration et la catégorisation des filières, par exemple, relève du domaine des corporations elles-mêmes, et du ministère de tutelle, lorsqu’il est question d’aller vers l’élaboration du code des métiers des arts et de la culture. A l’exemple de celui de l’artisanat qui tarde à être adopté.

 

N’Djaména décide pour le Tchad

La question que l’on est en droit de se poser également est de savoir quelle est la légitimité des actes de ces assises, du moment où ce ne sont uniquement que les artistes de N’Djaména qui sont représentés ? Ces actes vont-ils intégrer des dispositions qui prennent en compte les préoccupations des artistes des provinces ? L’objectif visé par les artistes entre autres est l’édition d’un festival, mais sous quelle dénomination ? La période indiquée pour sa tenue (15 au 31 décembre) également coïncide avec le festival Darry qui est institutionnalisé par le ministère en charge de la Culture, suivant un arrêté de 2018. Ne va-t-on pas vers des empiètements qui vont occasionner des difficultés ?

L’initiative de la Cciama, d’organiser ces assises, en partenariat avec les artistes et promoteurs culturels a été rendue possible grâce à l’implication des ministères de la Culture et de la promotion de la diversité, et celui du Commerce et du développement industriel. L’ouverture officielle a été présidée par le Premier ministre de la transition, Pahimi Padacké Albert.

Roy Moussa